Actualité
Appels à contributions

"Les différents espaces de l’enquête : cheminements et reconstitutions" (Séminaire ALEF, Rennes 2, 2015)

Publié le par Marc Escola (Source : ALEF)

Séminaire ALEF 2015

Cycle 1. Explorer les différents espaces de l’enquête : cheminements et reconstitutions

 

Pour son premier cycle de séminaires biannuel, le laboratoire ALEF s’est intéressé au passage de l’œuvre à l’archive et de l’archive à l’œuvre ainsi qu’à ses conséquences sur la pratique du chercheur. L’archive, finalement envisagée comme trace et comme manque, nous conduit désormais à interroger l’enquête, une modalité particulière de recherche visant à interpréter les signes et à les comprendre.

L’enquête, comme modèle artistique et littéraire (le roman policer, ses reprises au cinéma, le théâtre documentaire, etc.) et comme modalité de recherche (enquête sociologique, paradigme indiciaire, microhistoria, etc.) se développe à la fin du XIXe siècle parallèlement à  l’émergence de l’état-nation comme garant d’une réalité structurée et rationnelle (Boltansky). L’enquête suppose alors que le désordre apparent de la réalité soit expliqué rationnellement par la découverte d’indices successifs, afin que soit rétabli l’ordre inhérent à la société moderne. La découverte des indices d’après lesquels un ensemble causal d’événements peut être reconstitué est toutefois fondamentalement subordonnée au choix des hypothèses de départ.

L’existence d’une réalité ordonnée et causale est cependant discréditée au XXe siècle, suite notamment aux crises de la représentation touchant les différentes instances de la société (pratiques artistiques, scientifiques et posture des lecteurs-spectateurs). Si l’enquête reconstitue alors un monde ordonné, elle révèle le caractère illusoire de cette entreprise, en témoignant d’une mise en échec du langage et de la reconstitution, d’une fragmentation du réel, etc. (modernité/postmodernité). Prise comme modalité de cheminement et de reconstitution d’un réel ou d’une réalité, l’enquête – et son échec constitutif – demeure encore un moyen privilégié de représentation du monde dans les arts et les sciences.

L’objet de ce séminaire sera alors d’explorer les différents champs de recherche liés à la notion d’enquête, que nous envisageons selon les espaces suivants : l’enquête de l’artiste créateur (processus de création), l’enquête de l’espace diégétique (l’œuvre), l’enquête dans la réception, et l’enquête comme posture élémentaire du chercheur (méthodologie, épistémologie).

Nous souhaitons traverser ces différents espaces pour soulever les questions suivantes :

  • Séance 1. Fév. : Définitions et champs lexicaux

Recherche et enquête ont la même racine étymologique (du latin tardif inquaesita). Cependant, l’enquête renvoie à un champ lexical plus précis que la recherche : indice, preuve, énigme, interrogatoire, investigation, observation, etc. Quelle est la différence entre l’enquête et la recherche ? Toute recherche est-elle une enquête ? Comment s’est construit le champ lexical de l’enquête et à quoi renvoie-t-il ? Existe-t-il un schème commun dans le processus d’enquête en dépit des sujets divers auxquels elle s’applique ?

  • Séance 2. Mars : Enquête, causalité et hasard

En quoi l’enquête, s’apparentant à une énigme à résoudre et à une quête des indices, est-elle un raisonnement conjectural ? En quoi l’enquêteur, à la manière du chasseur, est-il guidé par la vérité qu’il cherche à mettre au jour et qu’il suit à la trace ? Comment le suivi de fausses pistes s’intègre-t-il au processus de recherche ? Peut-on concevoir une enquête fondée sur le modèle de la sérendipité, c’est-à-dire la découverte par hasard de résultats qu’on ne cherchait pas ? Le système de veille informatique transforme-t-il les pratiques d’enquête ?

 

  • Séance 3. Avril : l’artiste enquêteur

À quels processus de création l’artiste enquêteur se confronte-t-il ? Quels sont les protocoles artistiques que l’on peut qualifier d’enquête ? À quel moment de la création intervient l’enquête menée par l’artiste ? Par quelles modalités parvient-il à transformer les découvertes liées à l’enquête en œuvre ? Tout artiste est-il un enquêteur ?

  • Séance 4. Mai : Exposer l’enquête

Qu'il soit plasticien, dramaturge, historien ou scientifique, comment l'enquêteur témoigne-t-il de son travail ? Comment le processus d’enquête peut-il être exposé ? Témoigner d’une enquête est-ce la reconstituer ? Quels dispositifs sont employés pour présenter une enquête ?

                                                                                                           

  • Séance 5. Juin : Fiction de l’enquête

Quelle est la place de l’enquête en tant que motif, thème ou structure dans la fiction ? Qu’est-ce qui, dans le motif de l’enquête, suscite la fiction ? Comment la fiction représente-t-elle l’enquête et comment s’empare-t-elle de ses méthodologies ? Y a-t-il des invariants de la fiction d’enquête ? Les codes de l’enquête varient-ils selon les médias ? Pourquoi le genre policier fascine-t-il les séries TV ?

  • Séance 6. Octobre : Investir l’œuvre – le récepteur comme enquêteur

En quoi l’activité propre à la réception d’une œuvre participe-t-elle de la dynamique de l’enquête ? Tout spectateur, tout lecteur est-il enquêteur ? Peut-on considérer que les œuvres ouvertes et/ou ludiques, appelant une activité de reconstruction, un parcours de la part du récepteur, postulent un spectateur-lecteur enquêteur ?  En quoi l’enquête du spectateur-lecteur le conduit-elle à recréer l’œuvre ?

  • Séance 7. Novembre : Enquêter l’enquête

Quelle méthodologie utilise le chercheur qui travaille sur des objets d’étude investissant les modalités de l’enquête ? Fait-il une méta-enquête ; enquête de l’enquête ? Que va-t-il regarder et selon quelles hypothèses ? Comment appréhender  le déplacement du regard sur différentes échelles de lecture et quels en sont les enjeux heuristiques ? Peut-on parler de déploiement et d’élaboration d’une forme de spatialité dans la lecture des données de l’enquête ? Comment interroger la transformation du statut de source à celui de donnée (data) et quelle position adopter face au processus de mutilation et d’abstraction à l’épreuve ?

 

Nous proposons aux chercheurs intéressés pour intervenir dans l’une des séances de nous adresser par mail (labo.alef@gmail.com) une proposition de communication de 1000 signes espaces compris, avec une courte notice bio-bibliographique, pour le 1 décembre 2014. Les séances de séminaires se dérouleront, dans la mesure du possible, le deuxième jeudi de chaque mois de 15h à 17h à l’Université Rennes 2. Les interventions dureront 30 à 40 minutes.

Ce cycle de séminaire est organisé par le laboratoire interdisciplinaire ALEF (Art-Littérature-Echange Frontières) constitué depuis 2011 de la rencontre des doctorants du CELLAM (Centre d’Etudes des Langues et Littératures Anciennes et Modernes) et d’APP (Art : Pratiques et Poétiques). L’objectif de ce laboratoire est de mener une recherche interdisciplinaire, exigeant la confrontation de méthodologies et de bases bibliographiques différentes. À partir d’une notion transdisciplinaire commune il s’agit d’observer des glissements méthodologiques et théoriques entre les différentes disciplines qui composent ALEF pour dépasser les divergences disciplinaires afin d’envisager la notion dans une perspective transversale.