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Seirai Yuichi, La Difficile 'Littérature de la bombe atomique'

Seirai Yuichi, La Difficile 'Littérature de la bombe atomique'

Publié le par Nicolas Geneix

Seirai Yuichi, La Difficile "Littérature de la bombe atomique"

Article paru dans Le Monde, 2 septembre 2015.

"Yôko Ôta, une écrivaine victime de la bombe d’Hiroshima, écrira à cette époque, dans une nouvelle intitulée Han-Hôrô (« Demi-vagabonds ») : « Après l’essai thermonucléaire, ce que l’on appelait les “cendres de la mort” retombèrent sur Tokyo. “Bien fait !”, j’ai pensé. Couverts de cendres de la mort, crevez donc voir dans l’effroi. Peut-être les frissons de votre cœur vous feront-ils comprendre à quel point l’angoisse du présent est à l’intérieur de l’âme humaine. »

Ce mot, « Bien fait ! », fit scandale, et même ses collègues écrivains se détournèrent d’elle. Yôko Ôta, née en 1906, avait déjà publié des romans qui avaient été primés avant la guerre. Dans le Japon qui se préparait à l’affrontement, elle écrivait des romans bellicistes et s’était engagée dans des actions sympathisant avec l’invasion militaire japonaise en Chine. Irradiée lors de l’explosion de la bombe atomique d’Hiroshima à 41 ans, elle se mit à écrire de nombreux romans basés sur cette expérience afin d’en transmettre l’horreur. Mais on lui reprochait ses livres pro-militaristes de l’époque de la guerre, et son « Bien fait ! » la mit totalement à l’écart du milieu littéraire, jusqu’à sa mort en 1963.

(...)

A dire vrai, après la guerre, la mémoire des survivants des bombes d’Hiroshima et de Nagasaki a eu une réelle influence, notamment sur le plan littéraire. On peut encore parler de Tamiki Hara, le célèbre auteur de Natsu no hana (« Fleurs d’été »), ou de Kyôko Hayashi, qui fut irradiée à 14 ans et publia trente ans plus tard le roman Matsuri no ba (« Rituel de mort ») en mémoire de ses amis disparus, et qui continue depuis à écrire des livres pour les enfants dans lesquels elle décrit l’angoisse qui l’habite encore. D’autres, comme Masuji Ibuse, l’auteure de Pluie noire, ne sont pas eux-mêmes des hibakusha, mais ont écrit leurs livres en se basant sur les journaux et notes laissés par des victimes.

Il est néanmoins difficile de dire si grâce à cette « littérature de la bombe atomique », les Japonais arrivent à comprendre l’ampleur de ce qui fut l’un des plus graves massacres de masse du XXe siècle. (...)"

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Né en 1958 à Nagasaki, Seirai Yuichi dirige le Musée de la bombe atomique de Nagasaki. Il est aussi l’auteur de plusieurs romans. En 2007, il a été récompensé du prix littéraire le plus prestigieux au Japon, le prix Tanizaki Jun’ichiro, pour son recueil de nouvelles Bakushin, non traduit en français.