Édition
Nouvelle parution
Sade, Cinquante lettres du marquis à sa femme

Sade, Cinquante lettres du marquis à sa femme

Publié le par Marc Escola

Cinquante lettres du Marquis de Sade à sa femme
Donatien Alphonse François de Sade

Cécile Guilbert (Annotateur), Pierre Leroy (Annotateur)

Paru le : 04/11/2009
Editeur : Flammarion
ISBN : 978-2-08-122891-7
EAN : 9782081228917
Nb. de pages : 255 pages

Prix éditeur : 50,00€

En 1776, Sade vit ses dernières heures de liberté.
Il a trente-cinq ans. S'il a déjà connu de courts séjours en prison, " l'affaire de Marseille ", nouvelle historie de débauche qui éclate en 1772, lui vaut la peine qu'il ne soupçonnait pas : une condamnation à mort, par contumace car le marquis s'enfuit en Italie. En 1775, l'" affaire des petites filles " lui adjoint treize ans supplémentaires de prison. Arrêté à Paris le 13 février 1777, il est conduit au château de Vincennes mais garde la vie sauve grâce à une lettre de cachet ; il en sort en 1790.
Il ne sait pas alors qu'il connaîtra encore treize années de captivité, cette fois en asile de fous. Le jeune noble insouciant et friand de plaisirs se mue en un proscrit promis à une vie d'enfermement. C'est pourtant durant cette existence de reclus qu'il deviendra l'écrivain et l'épistolier que l'on sait. Cet " enragé de liberté ", comme l'écrit Jean Paulhan, livrera dès lors, dans les lettres qu'il adresse à sa femme Renée-Pélagie, ultime et fidèle confidente, quelques-unes de ses plus belles pages.
Au fil de ses courriers, Sade la supplie et l'insulte tout à la fois : il maudit sa mère la présidente, source de tous ses maux, lui réclame ses commissions d'un ton capricieux - bougies ou livres, cire d'Espagne ou " étuis " -, lui confie avec passion son désarroi et sa rage indéfectible. Il reste inflexible malgré tout : " Le malheur ne m'avilira jamais. " Toujours aiguë, souvent tranchante, trempée parfois d'un humour féroce, sa plume révèle dans sa vérité nue l'homme furieux, fiévreux, et souffrant de ces entraves insupportables.
A cela, pour seul remède, l'écriture, toujours, réclamant dans un souffle aux accents de prière " des livres des livres des livres au nom de dieu".

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Dans le Monde des livres:

Sade l'intraitable LE MONDE DES LIVRES | 10.12.09 | 11h48  •  Mis à jour le 10.12.09 | 11h48
l.gife13 février 1777, Donatien Alphonse François de Sade franchit les portesdu fort de Vincennes. Arrêté puis détenu par lettre de cachet, à lademande de sa famille (et spécifiquement de sa belle-mère, laprésidente de Montreuil), le marquis vient d'être rattrapé parplusieurs scandales. Il y a eu les débauches de Paris, puis l'affairedite "de Marseille", qui lui valut une condamnation à mort parcontumace (entre-temps, il s'est enfui en Italie), et enfin celle des"petites filles" - treize ans supplémentaires. Sade a 36 ans. A partirde cette date, il passera le plus clair de son temps en prison, d'abordà Vincennes, ensuite à la Bastille jusqu'en 1789, puis plus tard etjusqu'à sa mort à l'hospice de Charenton, où l'on internait aussi bienles "insensés" que les "blasphémateurs" et les "révoltés".

pub300t.gif35326566343963613461326136336430?&_RM_EMPTY_ Or, par une ironie du sort, c'est pendant cesannées que le pouvoir de subversion de Sade s'est véritablement révélé,puis démultiplié à l'infini. Là où les autorités pensaient l'empêcherde nuire, le marquis rassembla ses forces pour étendre une oeuvrelittéraire qu'aucun mur, si haut soit-il, n'allait pouvoir empêcher derayonner.

Demeuré libre, il serait peut-être resté ce jeunearistocrate éperdu de plaisirs, auteur dilettante de quelques pièces dethéâtre qu'il faisait jouer dans son château. Enfermé, rendu fou par laprivation de ses chères promenades et de tous les plaisirs devenusinaccessibles, il devint l'écrivain qu'il était. Captif, maisfurieusement libre de pensée et d'écriture. Dans la clôture de sesappartements, il se livrait avec passion à l'élaboration d'une oeuvreéblouissante, où chaque mot cherchait à renverser la platitude du mondeet tout ce qu'il y a de convenu. Il écrivit, durant ces années deréclusion, pas moins d'une quinzaine de pièces de théâtre, quatreromans, des dizaines de contes et nouvelles et des centaines delettres. L'activité épistolaire, en particulier, connut une intensitésans pareil durant ces années où les lettres lui permettaient de resteren contact avec le monde extérieur.

Ce sont cinquante de ceslettres, dont certaines inédites, que le bibliographe et collectionneurPierre Leroy présente aujourd'hui, dans une belle édition accompagnéed'un texte de Cécile Guilbert. Des lettres adressées par Sade à safemme, Renée-Pélagie, entre le 6 mars 1777 et le 25 novembre 1799.Ecrites, pour l'essentiel, depuis le donjon de Vincennes et la prisonde la Bastille, ces missives forment une sorte de torrent violent, oùse mêlent l'inventivité, l'humour et la férocité, la puissanced'évocation et la ténacité d'un homme que rien, absolument rien, ne putforcer à se renier, ni l'incertitude quant au terme de sa peine, nil'injustice dont il était victime, ni la rage pure de perdre sa vie enprison. "Le malheur ne m'avilira jamais, écrit-il dans sa "Grande lettre" le 20 février 1780. Jen'ai point dans les fers pris le coeur d'un esclave et ne l'y prendrai,je l'espère, jamais, dussent-ils ces fers malheureux, oui, dussent-ilsme conduire au tombeau - vous me verrez toujours le même, j'ai lemalheur d'avoir reçu du ciel une âme ferme qui n'a jamais su plier etqui ne pliera jamais."

Recours et souffre-douleur

Renée-Pélagie,sa femme, est le personnage muet de cette correspondance extraordinaireoù s'élabore une partie de la philosophie personnelle de Sade. Cettefemme épousée sans amour (Sade avait été littéralement vendu par sonpère à la famille de sa future femme, pour éponger les dettes dont ils'était couvert) devient, pour le prisonnier, un recours essentiel enmême temps qu'un souffre-douleur. Tour à tour cajolant, blessant,suppliant ou impérieux, quand ce n'est pas froidement méprisant, lemarquis ordonne à sa femme de lui procurer tous les biens dont il abesoin, à commencer par les objets sexuels qu'elle lui faisaitfabriquer sur mesure, s'attirant le mépris et les quolibets. Il luiconfie sa douleur et sa colère, sa haine pour sa belle-mère. Ill'exhorte à chercher des moyens pour le faire élargir et, dans sa"Grande lettre", raconte par le menu les faits qui l'ont conduit enprison : "Entre mari et femme, on peut bien quand le cas l'exiges'exprimer un peu plus librement qu'avec des inconnus ou de simplesamis."

En fait, il use avec elle d'une liberté de tonextraordinaire. Et pas seulement dans l'ordre de la sincérité, maisdans celui de la flamboyance verbale, de ce style sans entraves qui luipermet toutes les fantaisies, même les plus cruelles. Au bout de dixans, Renée-Pélagie s'éloigna de son mari, fatiguée, disait-elle, "d'entendre tout ce que l'on dit, de penser, de réfléchir, de répondre, de combiner".

50 LETTRES DU MARQUIS DE SADE À SA FEMME.Edition établie et annotée par Jean-Christophe Abramovici et PatrickGraille, préface de Pierre Leroy, texte de Cécile Guilbert. Flammarion,256 p., 50 €.


Raphaëlle Rérolle