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Appels à contributions
S'approprier la ville

S'approprier la ville

Publié le par Natalie Maroun (Source : Philippe Cossette)

Résumé de l'appel à contribution

Une ville peut-elle encore être plus scandinave, plus française, plus espagnole? Ou plus montréalaise, plus londonienne, plus parisienne? Ce colloque international, [S']Approprier la ville. Du patrimoine urbain aux paysages culturels, invite à discuter des instruments de la planification urbaine, des outils de la patrimonialisation et des autres moyens mis en oeuvre afin de, par delà les faiseurs d'image, penser comment s'aménage le vivre et le devenir-ensemble dans un milieu de vie suffisamment intégrateur et représentatif pour susciter l'attachement et l'appropriation de ses citoyens d'aujourd'hui et de demain. Il s'agit, en d'autres mots, de réfléchir de concert au devenir-ensemble et à l'avenir du génie du lieu.


On invite les chercheurs, les décideurs et les praticiens à soumettre une proposition de communication avant le 20 octobre 2011 à : colloqueville@uqam.ca.


Les frais de déplacement et de séjour des participants pourront être assumés par l'organisation du colloque.

Argumentaire complet

Au milieu des années 1980, une série de grandes conférences internationales organisées par la Direction Environnement d'Hydro- Québec et par la Faculté d'aménagement de l'Université de Montréal proposait de faire le point sur les enjeux de la renaissance des centres-villes au crépuscule du XXe siècle. Par le truchement d'analyses des politiques et de la création en milieu urbain, Aménager l'urbain, de Montréal à San Francisco examinait le design de l'espace public à l'aune d'une passion citoyenne inédite, le « vivre en ville ». Après avoir été expurgée à divers degrés par les praticiens du Urban Renewal, voilà en effet que la ville conviait à une urbanité nouvelle, tissée de patrimoine et d'identité locale, d'échelle humaine, de vie de quartier, d'itinéraires confluents, de convivialité et de proximité : les luttes sociales des années 1960 lui avaient légué la solidarité, la typomorphologie et l'urbanisme contextuel lui procurait ses instruments de planification et ses discours.

Une trentaine d'années plus tard, comment s'exprime pareille praxéologie de l'identité urbaine? C'est en transparence de cette question que [S']Approprier la ville propose de faire écho à Aménager l'urbain, dans la foulée de la série Aménager l'imaginaire urbain qui rassemble six conférences tenues en l'honneur de Jean-Claude Marsan à l'automne 2011 et à l'hiver 2012. La thématique du colloque met d'emblée en tension deux dénotations de l'urbanité : « approprier », c'est-à-dire aménager convenablement ou rendre apte à une finalité précise, et « s'approprier », c'est-à-dire attribuer quelque chose à soi-même, s'en emparer et la faire sienne, parfois même de manière indue ou perçue comme telle.

La postmodernité a en effet animé la ville : des cadres de vie auparavant inertes sont devenus des paysages construits signifiants en lesquels tout un chacun pouvait se reconnaître et, pourvu d'un horizon historique partagé, se projeter dans l'avenir. La mobilité croissante des populations altère toutefois considérablement cette scénographie urbaine du vivre-ensemble, alors même que se rétrécissent les contextes de référence des collectivités, qui se distancient de plus en plus des identités nationales de jadis pour surtout appartenir au « petit monde qui nous entoure ». Ainsi, dans un univers de plus en plus mondialisé, l'imaginaire des territoires nationaux tend à s'éclipser à la faveur des villes, plus particulièrement des grandes villes, protagonistes nouvelles du théâtre planétaire; simultanément, vue de l'intérieur, la métropolisation transforme radicalement la capacité de sens du paysage construit, qui tout en devenant seul miroir des aspirations identitaires doit encaisser la multiplication et l'écartèlement des usages, des savoir-faire et des archétypes individuels et sociaux. Melting pot ou creuset, l'espace urbain se mute en un champ de négociation permanente, entre la significativité intérieure et l'image de marque, entre les représentations des uns et des autres. Quels atours peuvent habiller la ville métropolisée et pluriculturelle, quelle logique peut y ordonner le chaos des patrimoines et des figurations? Comment cette ville peut-elle n'appartenir à personne et appartenir à la multitude en même temps?

Au delà du vivre-ensemble logé dans l'immédiateté du temps présent, ces questions qui interpellent le devenir-ensemble à partir de l'urbanité sont éloquemment illustrées par les mutations de la notionpour décrire la ville comme une suite cohérente d'unités formelles engendrée par l'histoire, la notion était pourtant parfaitement adaptée aux chocs culturels qui caractérisent les terroirs urbains stratifiés, faits des particularités agglomérées des différents groupes qui ont investi un lieu spécifique au fil du temps. Ainsi le patrimoine urbain a-t-il légué à nos villes contemporaines une large part des instruments qui balisent encore l'aménagement et ont cristallisé cette projection du vivre et du devenir-ensemble dans un éventail restrictif de normes techniques. Ainsi limitées ses possibilités de s'adapter, par exemple à des mosaïques culturelles en quête de représentations nouvelles, le patrimoine urbain a peu à peu fait place à des locutions révélatrices : celle de « paysages culturels », dont le premier terme intègre une quantité de matières, en sus de la pierre des villes classiques, puis celle de « patrimoine culturel », dont le second terme proclame la diversité et les éventuels contrastes des patrimoines urbains en cause, porteurs d'autant d'appartenances que la ville peut rassembler, et mitige l'expression de l'objet approprié au profit de la négociation de plusieurs représentations dans le paysage urbain. Mais sitôt nommé, le patrimoine culturel nous ramène surtout à une fragmentation infinie des patrimoines urbains; dans l'idée ou dans la forme de la ville que l'on construit, le patrimoine des uns reste différent du patrimoine des autres et la somme, aussi importante soit-elle, forme de moins en moins un tout. Sous l'angle du sens que l'on attribue collectivement à notre environnement et de la façon dont notre construit reflète ce que nous voulons être, la question, qui interpelle aussi la ville durable, restitue la quête qu'entretenait Melvin Charney : comment, par exemple s'exprime ou peut s'exprimer la montréalité (montrealness) de Montréal aujourd'hui?

Face au devenir-ensemble et à l'aménagement physique et imaginaire des villes, la notion et les politiques du patrimoine urbain trahissent aussi les problématiques identitaires de la métropolisation lorsque, comme c'est maintenant souvent le cas, on oppose aux villes dites patrimoniales des villes réputées créatives. Par delà la compréhension positiviste qui assimile le patrimoine à la stricte conservation d'un passé objectif, cet antagonisme revient en effet à préférer la table rase à la continuité et le génie du moment au génie du lieu. Si le patrimoine a toujours été et reste un projet, non un fait, c'est, plutôt que la compétence d'édifier dénoncée jadis par Choay, la compétence de représenter que les villes de demain mettent en jeu. La tension actuelle entre patrimoine et création ou entre ville patrimoniale et ville créative avec ce qui peut représenter, dans le temps long, les diverses et mouvantes communautés dans la ville. En effet, sans prétendre que la patrimonialisation recèle la moindre solution à la négociation d'identités démultipliées, on peut se demander comment une ville peut, « dans le concert de la mondialisation » comme on l'appelle, poursuivre ou trouver une spécificité réelle dès lors que l'ex nihilo apparaît comme un moindre mal. Pour reprendre la métaphore de lamontréalité : si les dernières décennies du XXe siècle pouvaient interroger la fabrique de Montréal pour savoir qui nous sommes, comment peut-on aujourd'hui aller au-delà de ce qui est, sans pourtant l'ignorer, pour faire mieux?

Une ville peut-elle encore être plus scandinave, plus française, plus espagnole? Ou plus montréalaise, plus londonienne, plus parisienne? [S']Approprier la ville invite à discuter des instruments de la planification urbaine, des outils de la patrimonialisation et des autres moyens mis en oeuvre afin de, par delà les faiseurs d'image, penser comment s'aménage le vivre et le devenir-ensemble dans un milieu devie suffisamment intégrateur et représentatif pour susciter l'attachement et l'appropriation de ses citoyens d'aujourd'hui et de demain. Il s'agit, en d'autres mots, de réfléchir de concert au devenirensemble et à l'avenir du génie du lieu.

De la ville festive à la ville citoyenne, en passant par l'éco-cité, le colloque propose d'analyser des villes qui ont oeuvré à la construction d'identités et de fiertés urbaines et engendré (ou non) une certaine unanimité interne (parmi les résidants) ou externe (sur la scène mondiale) par l'entremise des figures construites ou imaginaires qu'elles ont mises de l'avant. On privilégie quatre axes de discussion, soit les Projets d'identités urbaines, De la représentation culturelle des métropoles, Impacts pragmatiques du patrimoine culturel dans les villes et Soi(s) et autre(s) dans les villes petites ou moyennes.