Questions de société
Ronde des obstinés: c'est reparti pour un tour - appel aux candidats aux européennes (2-6 juin 2009)

Ronde des obstinés: c'est reparti pour un tour - appel aux candidats aux européennes (2-6 juin 2009)

Publié le par Bérenger Boulay

Prochaines manifestations

Vidéo: LA RONDE DES OBSTINÉS INTERPELLE LES DÉPUTÉS EUROPÉENS - 4 juin


C'est reparti pour un tour ! La Ronde des obstinés lance un appel aux candidats aux européennes.

Depuis plus de quatre mois, l'université française connaît un mouvement d'une force et d'une durée sans précédent.
Non seulement le gouvernement refuse de nous entendre, mais il s'estefforcé, durant ces dernières semaines, de dépolitiser le débat, de leréduire à la question des validations d'examens, alors qu'il ignoreavec constance  la totalité de nos revendications, multipliantpressions, menaces, et parfois même actions répressives.

La Ronde infinie des obstinés lance donc un appel aux candidats aux élections européennes.

Rejoignez nous nombreux du 2 au 6 juin, de 12h à minuit devant le Panthéon !
Nous sommes obstinés et notre vigilance, infinie.
Inscriptions sur : http://www.doodle.com/kcsdy84bb2tup5as
rondeinfinie@gmail.com
http://rondeinfinie.canalblog.com/

Lettre aux candidats :

100 heures pour faire de l'enseignement et de la recherche un débat de campagne.
« Il est plus que temps…»
À Mesdames et Messieurs les candidats aux électionseuropéennes du 7 juin 2009, Pendant près de quatre mois, l'universitéfrançaise a vécu un mouvement de grève, de manifestations,d'occupations, de rondes infinies des obstinés. Nous, qui faisons,pensons, et rêvons l'université, nous, enseignants, chercheurs,personnels et étudiants, affirmons que les réformes actuelles quiatteignent l'université sont permises par la soumission du politique auchamp économique.
Pendant près de quatre mois, nous avons fait face à une entreprisegouvernementale de propagande et de dénigrement délibéré del'université, des hommes et des femmes qui la font vivre, uneentreprise de destruction de son image et de sa fonction dans lasociété. Pourtant, pendant près de quatre mois, le mouvement de rejetdes conséquences de la loi « Libertés et responsabilités desuniversités » (LRU) s'est renforcé parce que nous en mesurons tousaujourd'hui les vices profonds et le danger mortel qu'elle fait pesersur l'université : présidence toute-puissante, gestion managériale,marginalisation des critères scientifiques dans les prises dedécisions, précarisation généralisée des personnels, explosion à termedes droits d'inscription. Cette loi produira en France ce qu'elle aproduit partout où les mêmes principes sont déjà à l'oeuvre : gestionarbitraire des carrières et des équipes de
recherche, dépendance aux bailleurs de fonds privés, cloisonnement dessavoirs, destruction de pans entiers de l'enseignement, injusticesociale croissante. Est-ce donc ainsi que l'Europe conçoit l'universitéet la recherche ?
En effet, à la fois bureaucratique dans son principe, autoritaire danssa mise en oeuvre, et liberticide pour le monde universitaire dans seseffets, cette loi LRU n'est que la caricature française d'un processusqui confronte le système universitaire européen à une transformation etun reformatage, le volet académique de la soumission de l'ensemble dela société à la « main invisible du marché ». Les promoteurs de cettesociété et leurs artificiers nationaux ont associé à cette opération dedestruction le nom de deux des plus anciennes universités européennes,celles de la Sorbonne (déclaration du 25 mai 1998) et de Bologne(déclaration du 19 juin 1999). Or, ce qu'il est désormais convenud'appeler le « processus de Bologne » et qui est au coeur de lapolitique universitaire européenne n'a jamais été discuté publiquement.Son inscription dans la Stratégie de Lisbonne (2000) a été suivie d'unesérie de conférences ministérielles et de sommets qui ont renforcé lasoumission des acteurs de l'université à des objectifs utilitaristes àcourt terme. Ces orientations détruisent l'université comme lieu deformation de citoyens éclairés et pensants, elles
entendent forclore les valeurs d'élaboration et de transmission dessavoirs sur lesquelles doivent reposer les universités européennes. Enfaisant mine de valoriser les missions de l'université, elles lesnient. En imposant à l'université et à la recherche des règlesmanagériales et des critères de gestion qui ne peuvent lui êtreappliquées, elles détruisent l'université comme lieu d'élaboration etde transmission d'un savoir libre et non contraint. Enfin, ens'appuyant sur la théorie du « capital humain », ces orientationsconduisent désormais à faire payer aux étudiants le prix dudésengagement public.
Il est donc temps d'affirmer que le processus de Bologne et lastratégie de Lisbonne ont pour fonction d'introduire dans lesuniversités une concurrence généralisée placée sous les auspices de larentabilité économique. Il est temps d'affirmer que la notion d' «employabilité » n'est qu'un outil de destruction des savoirs humanistesqui sont au coeur de notre civilisation. Il est temps d'affirmer que lanotion d' « économie de la connaissance » dissimule la transformationde la connaissance en bien économique. Il est temps d'affirmer que leslogan d' « adaptation de l'université à la société » ne dit pas quecette société est réduite à sa seule finalité économique. Aujourd'hui,nous affirmons que l'adaptation de l'université européenne ne passe pasnécessairement par sa réduction utilitariste à l'employabilité de sesdiplômés. Nous refusons la soumission de l'université à
une logique marchande qui réduit le rationnel à ce qui est utile et calcule l'utilité à l'aune du profit.
L'université n'est pas le lieu du pur utilitarisme calculé en termes exclusivement économiques.
L'acquisition et l'invention des savoirs est un droit pour tous et nepeut être limité. Le savoir, la création et la recherche ne sont pasdes marchandises, mais le bien de tous : ils ne sont pas à vendre.
Dans la dernière semaine de cette campagne, nous, citoyens obstinés quine demandons qu'à être éclairés sur vos ambitions pour l'université etla recherche, vous soumettons les interrogations suivantes :
1/ L'université a-t-elle vocation à être « gouvernée » comme uneentreprise ? Le mariage systématique entre recherche et rentabilitéest-il possible et même souhaitable ?
2/ Les personnels sont-ils les variables d'ajustement du nouveau modèlede « bonne gouvernance » ? Devront-ils désormais exercer leur métiersous la menace des retraits de financement pour hétérodoxie ou aupremier coup de blizzard boursier ?
3/ La multiplication des structures bureaucratiques et administrativesd'évaluation est-elle la « Nouvelle frontière » de la « qualité »universitaire ? L'émulation académique est-elle d'ailleurs réductible àla « concurrence non faussée » ?
4/ L'université doit-elle former des citoyens libres et pensants ou dessalariés prêts à l'emploi ? Les étudiants devront-ils pallier ledéficit d'investissement public dont nos universités ont souffertdepuis près de trois décennies et qu'ils paient d'ores et déjàlourdement ?

En d'autres termes, à l'instar de l'association « Sauvonsl'Université » (SLU) dont nous partageons les valeurs et les analyses,nous vous demandons aujourd'hui à vous, candidats à la députationeuropéenne, une formulation claire de votre vision de l'université dedemain. Nous vous demandons également de vous saisir du sujetfondamental qu'est la formation des générations futures de citoyenséclairés et libres. Il est encore temps de faire de la question del'université et de la recherche, de la formation et de l'éducation unthème majeur de la campagne européenne et d'assumer devant le pays oude rejeter avec force la soumission complète de l'université, de larecherche et du système d'éducation à la logique marchande et auxintérêts purement économiques.
Nous vous demandons d'affirmer avec la plus grande fermeté quel'éducation, l'université et la recherche sont un service public et nonpas des « services », qu'elles ne peuvent en aucun cas être régies parles règles du marché, et d'en tirer toutes les conséquences. Nousferons connaître les réponses que vous voudrez bien apporter à nosquestions. Nous sommes obstinés et notre vigilance, infinie.

Veuillez croire, Mesdames et Messieurs les candidats, en l'expression de nos sentiments les plus cordiaux.
Paris, le 29 mai 2009.
La Ronde infinie des obstinés