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Romanica Wratislaviensia, n° 66 :

Romanica Wratislaviensia, n° 66 : "Post-sécularité : nouvelles perspectives"

Publié le par Vincent Ferré

APPEL À CONTRIBUTIONS

au volume nº 66 de la revue Romanica Wratislaviensia : "Post-sécularité : nouvelles perspectives"

sous la direction de Tomasz Szymański

Appel à contributions à télécharger (PDF) & Feuille de style à télécharger (PDF) sur le site de la revue

 

La « post-sécularité » constitue un objet de réflexion relativement jeune. Ses grandes lignes ont été tracées dans des ouvrages devenus classiques, Entre Naturalisme et Religion de Jürgen Habermas (du point de vue socio-politique) et L'Âge séculier de Charles Taylor (du point de vue de l’histoire des idées), qui sont l’expression d’une aspiration au dépassement de la « thèse de la sécularisation ». Appelant à une nouvelle réflexion sur la religion dans l’espace public des démocraties occidentales, et contestant l’existence d’un lien direct entre sécularité et modernité, Habermas associait  la post-sécularité (dans un article publié dans Le Débat en 20081) à une « résurgence de la religion » dans le monde et à un « changement de conscience » opéré dans les « sociétés d’abondance européennes ».

En philosophie, l’approche post-séculière se situe dans l’espace d’un « entre-deux », prenant ses distances aussi bien par rapport aux religions dogmatiques et aux théologies précritiques, jugées dépassées, que par rapport à un monde vidé de toute référence à la transcendance, voué aux lois implacables de la nature. La pensée post-séculière est donc en quête des « traces » d’une transcendance effacée dans le monde d’immanence pure qui subsiste après la « mort de Dieu ». Elle propose un large éventail de réinterprétations des contenus religieux, qu’il s’agisse de spéculation, de foi ou de pratique, allant de la « seconde naïveté » de Paul Ricœur et de l’« anathéisme » de son disciple Richard Kearney jusqu’à l’universalisme « paulinien » d’Alain Badiou, en passant par la « mystique » transgressive et l’« athéologie » de Georges Bataille, la déconstruction du christianisme par Jean-Luc Nancy, la « religion sans religion » de Jacques Derrida, le « christianisme non religieux » de Gianni Vattimo, ou encore la spiritualité athée d’André Comte-Sponville. La post-sécularité peut aussi relever d’une psychanalyse de la condition moderne, comme chez Julia Kristeva, qui a mis en valeur « cet incroyable besoin de croire », refoulé par les sociétés dites sécularisées.

Les recherches littéraires ou linguistiques basées sur la pensée post-séculière n’en sont qu’à leurs débuts. Pourtant, si l’on considère la période la plus récente, la littérature (mais aussi le théâtre, le cinéma ou la bande dessinée) offrent, d’un point de vue post-séculier, un champ d’investigation considérable, avec, pour ne citer qu’eux, les romans de Michel Houellebecq, les nombreuses œuvres d’Eric-Emmanuel Schmitt, les films de Bruno Dumont, ou le Chat du Rabbin de Joann Sfar. L’approche post-séculière de la littérature (ou d’autres domaines voisins) exigerait cependant une reformulation des méthodes de critique, souvent tributaires d’une logique « séculariste » ou réductionniste, et devrait encore penser à élaborer ses propres outils, parfois en résonance et en dialogue avec d’autres disciplines. Il s’agirait de savoir porter un regard neuf sur la littérature, en s’intéressant aux phénomènes caractéristiques de la post-sécularité : effacement des limites entre sacré et profane, entre ferveur religieuse et révolte ou indifférence ; signes divers témoignant d’un « réenchantement du monde » ; motifs du salut, de la sainteté, de l’initiation ou de la quête spirituelle, et de leurs métamorphoses inattendues ; foi problématique, perdue ou retrouvée ; expérience religieuse vécue sur un registre individualisé et contradictoire – fragmentée, bricolée, ouverte, paradoxale ou excentrique ; rituels et pratiques religieuses s’exerçant suivant des modalités nouvelles et insolites ; nouvelles religions, religion civile ou laïque ; présence « spectrale » de la religion dans la vie, à l’image du membre fantôme amputé.

Par ailleurs, l’affirmation d’Habermas qu’« une société „post-séculière” doit avoir été „séculière” » et qu’il s’agit d’une société « où les liens religieux des citoyens se sont relâchés continûment, d’une manière même drastique depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale »2 ne signifie nullement que les recherches d’orientation post-séculière doivent se limiter à la période contemporaine. Rien en effet ne semble faire obstacle à ce qu’elles soient étendues aux littératures et aux cultures d’époques plus éloignées, symptomatiques de la modernité en marche : avec la « crise de conscience européenne » survenue vers la fin du XVIIe siècle et la crise moderniste au beau milieu du XIXe, les textes et les œuvres de ces périodes peuvent parfaitement se prêter à ce type d’analyse.  Et pourquoi ne pas remonter aux sources anciennes (joachimisme, millénarisme, Libre-Esprit...) des transformations modernes et post-modernes du religieux ?

Pour les linguistes, la post-sécularité ouvre un autre domaine d’étude potentiel, qui est celui du langage et du discours (notamment médiatique) employé pour parler des phénomènes à consonances religieuses et de leur aspects sociaux et politiques (application du principe de laïcité, tolérance, dialogue interreligieux, danger extrémiste ou terroriste), ou ayant trait aux nouvelles formes de spiritualité (New Age, nouveaux mouvements religieux et parareligieux). Il serait intéressant de se pencher dans ce contexte sur certains enjeux idéologiques des discours concernant la religion et sa résurgence post-séculière, tels qu’il se présentent dans la presse ou sur la scène politique, ou encore sur la façon de construire et déconstruire à travers le langage les éléments d’un imaginaire religieux. Parler dans sa langue de la religion d’un Autre est aussi un défi qui mériterait l’attention du linguiste ou du traductologue.

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1 J. Habermas, « Qu’est-ce qu’une société „post-séculièreˮ ? », Le Débat, n° 152, 2008/5.

2 Ibid., p. 4.

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Nous invitons les chercheurs qui voudraient présenter une réflexion sur ces questions à nous faire parvenir pour le 15 février 2018 leur proposition d’article (environ 500 caractères, espaces comprises) aux adresses suivantes : tomasz.szymanski@uwr.edu.pl ET natalia.paprocka@uwr.edu.pl.

Autres dates clés

2 mars 2018 : avis du comité scientifique qui prendra en considération les éléments suivants :
1. La proposition d’article se situe-t-elle bien dans la thématique générale du volume ?
2. Les points spécifiques présentés par l’auteur (titre de l’article, objet d’étude, problématique, hypothèse(s) de recherche, cadre(s) théorique(s), indications bibliographiques...) sont-ils cohérents les uns par rapport aux autres ?
3. Les objectifs de recherche, la méthode d’analyse et les résultats espérés apparaissent-ils bien ? Semblent-ils pertinents par rapport aux différents axes indiqués dans l’appel à contributions ?

15 septembre 2018 : date limite de réception des versions finales des articles conformes à la feuille de style de Romanica Wratislaviensia (consultable ou téléchargeable sur le site de la revue).

Tous les articles seront soumis à l’examen d’un comité de lecture indépendant (selon le principe de révision en double aveugle par les pairs). Les avis seront ensuite communiqués aux auteurs, qui s’engagent à faire parvenir à la rédaction la version définitive de leur texte en tenant compte des observations reçues et dans le délai indiqué.

Automne 2019 : publication