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Romanesque et Histoire

Romanesque et Histoire

Publié le par Marie de Gandt (Source : C. Reffait)

Appel à communication pour le volume n°4 de la collection « Romanesques » [paru en 2008]
Centre d'Études du Roman et du romanesque
Faculté des Lettres de l'Université de Picardie Jules Verne



Romanesque et histoire


Ce numéro se propose d'examiner le rapport entre romanesque et histoire. Non pas entre roman et histoire, ce qui mènerait vers d'amples considérations sur la théorie du roman, à moins que ce ne soit vers la restriction du sujet au roman historique. Non pas entre récit et histoire, même si réfléchir à l'invention de points de vue inédits sur l'histoire, ou bien à la recréation par le roman de la contingence historique, pourra avoir sa place dans notre propos. L'idée du volume serait plutôt de confronter à l'histoire l'acception thématique et non générique du terme « romanesque », d'examiner l'histoire au regard des critères du romanesque ainsi entendu*.
Il s'agirait donc d'interroger le rapport entre l'histoire et ce qui, dans le roman, ressortit au roman d'aventures ou au roman de la passion amoureuse, si l'on considère l'un et l'autre comme les creusets du romanesque et si l'on reconnaît que les romanciers théoriquement les plus hostiles au roman romanesque s'y sont abreuvés. Cette réflexion consisterait à se demander comment le romanesque, par la métaphore passionnelle, la densité narrative, l'axiologie qui lui sont propres, peut dire l'histoire. Comment en particulier le déploiement romanesque peut dire l'état du politique, le devenir des institutions et des individus. On approcherait alors la définition d'un romanesque de l'histoire.
Et l'étude pourra dépasser le seul genre du roman. En effet, dès lors qu'on définit le romanesque comme un manichéisme, comme une mise en valeur et en intrigue des affects, ou encore comme la mise en scène d'un ethos fictionnel plus cohérent que celui qui anime le monde du lecteur**, l'examen de son rapport à l'histoire touche à la question de l'exemplarité. Il pose la question du juste, du héros ou du grand homme, et interroge donc le romanesque des mémoires ou de la biographie. L'histoire, modélisée ou métaphorisée par le jeu des passions, peinte dans la dramatisation de la crise ou des choix, apparaît alors sous le régime de l'exception : valeur du personnage, hauteur de la situation, prophétisme. Dès lors, il pourrait être intéressant de poursuivre la réflexion sur le romanesque de l'histoire en interrogeant les modèles romanesques qui agitent tel ou tel mémorialiste et motivent la présentation en majesté de son ethos dans l'histoire.
On voit en outre par quels sous-genres peut nous faire passer la réflexion sur ce romanesque : l'histoire privée, l'histoire secrète, la petite histoire. Il faudra peut-être faire une place à ce lieu fictionnel où se rencontrent aussi bien le roman populaire à sujet historique que l'histoire sérieuse, préoccupée de reprendre du terrain sur l'histoire romanesque des coulisses. Il n'est donc pas exclu que cette réflexion sur romanesque et histoire, qui se voudrait a priori une réflexion sur le discours romanesque de l'histoire, débouche sur une étude du romanesque des historiens. Dans ce cas, la question ne serait pas généralement celle du statut de l'histoire entre science et fiction, mais bien précisément celle du recours de la science historique au romanesque.
Enfin, nous pourrions inverser la perspective de ce rapprochement entre romanesque et histoire en nous proposant une réflexion sur l'histoire du romanesque. Comment le roman peut opposer un régime des passions à un autre, une axiologie à une autre, historiciser le romanesque pour se faire valoir ou pour dire justement le déroulement de l'histoire. Romans des vertus passées et de l'ethos désuet ; ou au contraire romans d'une refondation du romanesque dans l'actualité. Le romanesque serait alors étudié comme faisant l'histoire de ses propres modèles, en particulier une histoire des passions... avec laquelle l'histoire ne serait pas nécessairement d'accord.

Les études constituant ce volume porteront en particulier sur la littérature française du XVIIe siècle à nos jours ; le numéro est ouvert aux comparatistes ; les propositions des chercheurs antiquisants, médiévistes et spécialistes de la Renaissance seront examinées dans la mesure où elles permettent d'apporter un éclairage intéressant sur la question.

Les propositions d'articles (30000 signes espaces compris) sont à adresser à Christophe Reffait (christophe.reffait@free.fr) d'ici le 30 juin 2007, pour une publication à l'automne. Elles seront anonymées et soumises à un comité de lecture.


* Voir Étienne Souriau (dir.), Vocabulaire d'esthétique ; Jean-Marie Schaeffer, « Le romanesque » (www.vox-poetica.org); Gilles Declercq et Michel Murat (dir.), Le Romanesque ; enfin les articles liminaires du premier numéro de la collection « Romanesques » sur Récit d'enfance et romanesque, sous la direction d'Alain Schaffner.
** Selon J.-M. Schaeffer, le romanesque « se présente en général comme un contre-modèle de la réalité dans laquelle vit le lecteur » (art. cit.). Voir aussi les idées de Thomas Pavel à ce sujet dans son article « L'axiologie du romanesque » (Le Romanesque, op. cit.).