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Roman et reportage (XXe - XXIe siècles) Rencontres croisées

Roman et reportage (XXe - XXIe siècles) Rencontres croisées

Publié le par Ivanne Rialland (Source : Myriam Boucharenc)

Roman et reportage(XXe-XXIe siècles)

Rencontrescroisées

Dans les années trente, des millions de lecteurs,abonnés des grands quotidiens ou des hebdomadaires alors en pleine expansion (Paris-Soir,Vu, Voilà….), ont assisté au procès de Landru sous la plumed'André Salmon ; ils ont suivi la traversée inaugurale du paquebot Normandieavec les yeux de Cendrars ou de Colette ; ils se sont laissé captiver parles tribulations de Kessel en Abyssinie ou de Dorgelès en Indochine ; encompagnie de Cocteau, ils ont fait le tour du monde en 80 jours. Aux côtés deJean-Richard Bloch, ils ont tremblé pour l'Espagne. Avec Carco, bas-fonds etmilieux interlopes – de Marseille, de Paris ou de Berlin – n'eurent bientôtplus de secrets pour eux. Toute l'actualité leur a été racontée, en feuilleton,par les meilleurs romanciers du temps. auxgrands noms du reportage français, il convient d'associer Hemingway, JosephRoth ou Curzio Malaparte, tout comme nombre de journalistes dont les reportagesse lisaient (et s'éditaient) comme des « romans vécus » : ainsiles appelait alors la presse. Pour un peu ces « sensationnelles enquêtes »allaient remplacer, comme ont pu le croire Béraud ou Malraux, le roman quitraversait une crise de fiction et ne jurait plus que par les « histoiresvraies » (Cendrars). Depuis la Neue Sachlichkeit dont se réclamait un EgonErwin Kisch, la « non-fiction novel » chère à Truman Capote etjusqu'au reportage subjectif revendiqué par le Gonzo journalism, un pareilchassé-croisé rend on ne peut plus mobile la « ligne de flottaison »(Jean Hatzfeld) entre reportage et roman.

Quand le roman ne s'estpas replié sur lui-même ou tourné vers le récit poétique, il ne craint pas des'en remettre au réel, non plus celui, « réaliste », des grandesfresques, mais de l'actualité, du quotidien, de l'ordinaire (Jacques Serena,Olivier Rolin). Les grands faits divers inspirent plus que jamais lesromanciers (Emmanuel Carrère et l'affaire Romand, Régis Jauffret, LaurentSchweizer et Julien Hommage pour la seule affaire Stern). Sans doute parcequ'ils contiennent ce que Kessel nommait « le romanesque de la vie » :de quoi faire d'un reportage « un vrai roman » (Sollers). Lepersonnage du reporter n'est pas absent non plus de la fiction contemporaine, àl'écrit comme à l'écran : depuis Rouletabille et Tintin, elle en arenouvelé l'image, qui n'a échappé ni à l'ère du soupçon ni à celle dudésenchantement (Roger Grenier, Nicolas Born, René Mauriès, Tahar Djaout).

Depuis que le roman et le reportage se sontrencontrés dans le sillage du naturalisme, sous l'essor de la grande presse etdu goût pour l'enquête, ils ne se sont plus quittés. Ils forment l'un descouples phares de notre modernité, avec ses éclats et ses éclipses, seconfrontant, se démarquant, au gré de modalités diverses qu'on est loin d'avoirencore toutes explorées. Il y va de l'aventure des textes, selon que le reportageinspire le roman, s'en inspire ou entre en composition avec lui par recyclage,réécriture ou « montage », sous l'influence combinée de la presse etdu cinéma. Alors que certains de ses acteurs – Londres-et-Kessel en tête, avecun trait d'union, aurait pu écrire Barthes – sont entrés dans la légende du XXesiècle, d'autres, comme Henri Calet, Montherlant, André Beucler, PierreHerbart, voire Romain Gary ou Françoise Sagan, attendent d'être redécouvertscomme reporters.

Les années vingt-trente s'imposent aujourd'huicomme un âge d'or pour l'étude du couple roman-reportage. En témoignel'abondance de biographies (Courrière, Assouline, Lacouture, Weber) et derééditions, qui depuis la vague des 10/18 sous la direction de FrancisLacassin, dans les années 70, se sont enchaînées : celles du Serpent àPlumes dans les années 90, et, tout récemment, d'Arléa ou de Gallimard qui,sous le titre Romans, reportages, publie dans la collection Quarto, unesélection de textes de Kessel. Ses affinités électives avec le roman ontpeut-être permis au reportage écrit de survivre à la concurrence de l'image.Délaissées à partir des années 70-80, du moins par la presse française, lesgrandes séries qui faisaient les délices du quotidien ont aujourd'hui disparu.Pour autant, le reportage littéraire – qui se fonde sur un art de la narrationconstruite et de l'enquête vécue – n'est pas mort. Le succès de la revue XXIincline à penser qu'il connaît un retour de flamme. Dans le paysage éditorialcontemporain, il rencontre un succès voisin de celui du roman. Et il ne manquepas de reporters pour faire oeuvre de romanciers (Michael Connelly, DavidFauqemberg, Philippe Vasset, Olivier Todd, François Bon, Max-Olivier Lacamp…),comme il y a un siècle les romanciers se faisaient reporters.

Ce renversement de perspective appelle laconstitution d'une Histoire, avec ses temps forts, ses événements décisifscomme ses mutations à plus long terme. Pour une large part, cette histoirereste encore floue : que s'est-il donc passé « entre temps » ?Doit-on considérer la seconde moitié du XXe siècle comme une périodede transition entre le reportage écrit et ses formes audio-visuelles (d'où lesressorts du romanesque sont loin d'être absents !) ou bien comme lecreuset d'un retournement qui a transformé les romanciers-reporters d'hier enreporters-romanciers d'aujourd'hui, avec toutes les incidences que l'onpressent, sur les statuts respectifs de l'Homme de Lettres et du journaliste.

Tel est le chantier que ce séminairesouhaite ouvrir, avec tous ceux que ce sujet intéresse : chercheurs dediverses disciplines, acteurs de son histoire – biographes, reporters,romanciers – ou lecteurs, dont les goûts continuent de décider de l'art et dela manière du reportage.

Le séminaire commence en 2011. Il se poursuivraen 2012:

Merci d'adresser les propositions decommunication pour 2011-2012 à :

Myriam Boucharenc(myriam.boucharenc@wanadoo.fr), avant le 15 avril 2011.

Séminaire organisé parMyriam Boucharenc, CSLF (Centre des Sciences de la Littérature Française, EA 1586)en collaboration avec la revue en ligne Interférenceslittéraires (Laurence Van Nuijs etDavid Martens, http://sites-test.uclouvain.be/interferences)


Calendrier 2011

Les séances auront lieu àl'Université Paris Ouest Nanterre, le vendredi de 17 h à 19 h, salle R. 05,rez-de-chaussée du bâtiment L.

11 février

Myriam Boucharenc

Roman et reportage d'un siècle à l'autre.Avatars et aventures d'une rencontre.

18 mars

Daniel Baric

Joseph Roth, du reportage au roman.

1eravril

Jean Touzot

Du fait-divers au roman : l'exemple de Mauriac.

13 mai

Pierre Bottura

La revue XXI

27 mai

Pascal Génot

Sophie Desmoulins

LesCavaliers, extrapolation romanesque dupériple afghan de Joseph Kessel.

Albert Londres romancier du reportage ?

17 juin

Françoise Folliot et/ou Nicolas Trigeassou

Les reporters romanciers contemporains etleurs lecteurs.