Agenda
Événements & colloques
Rire en Islam : L’humour et la culture arabo-musulmane (Fès, Maroc)

Rire en Islam : L’humour et la culture arabo-musulmane (Fès, Maroc)

Publié le par Marc Escola (Source : Lamnaoui Slimane)

UNIVERSITE SIDI MOHAMED BEN ABDELLAH

- Fès Maroc -La Faculté Poly-disciplinaire

Le Laboratoire Langues, Littératures et Communication (LLC)- Taza

Le Centre de Recherches et d’Etudes Comparées dans les Humanités Arabes (CRECHA) - Fès

(Association de chercheurs universitaires marocains)

 

 

Organisent un Colloque International :

Rire en Islam :

 L’humour et la culture arabo-musulmane

2-3-4 Novembre 2015

 

« Au commencement était le rire » nous dit M. Blanchot (L’amitié), l’immense éclat de rire qui est le frisson de l’univers. P. Klossowski parle du « rire des dieux »  (le Baphomet) comme une manière de désigner dans le rire le but ou le sens ultime d’une théologie. Telle serait la vertu de l’esprit  humoristique : pour bien comprendre l’importance d’une vérité, il faut savoir en rire. Quitte, dans un second temps, à rire de ce rire qu’elle nous donne et qui fait écho à son intensité.

Qu’en est-il du rire arabe ? De l’humour dans la culture musulmane ? Aussi paradoxale que cela puisse paraître en regard de la conjoncture actuelle déplorable, le patrimoine littéraire arabo-musulman est fécond en matière de satire humoristique : une causticité littéraire d’une puissance spirituelle souvent inimitable, celle des scènes agencées subtilement provocatrices certes, mais provoquant finalement en nous surtout la part divine de notre humanité : l’hilarité comme attribut de l’existence. Le rire éclatant au fond de l’entière vérité, la vérité explosant dans le rire. La littérature arabe a constamment nourri une esthétique narquoise qui a forgé ses propres concepts et produit des genres à part entière : la conscience joyeuse « al-Dorf », les joyeusetés voluptueuses voire obscènes « Al-moujoun », ou encore les libertés hyperboliques des « hérésiologies » arabes (« Zandaqa »), ces écrits qui sont tombés sous la banale malédiction de « l’athéisme », jusqu’aux écrits des intellectuels laïques accusés aujourd’hui d’apostasie… L’Anthologie officielle arabe (al-Maktaba al-Touratiya) thésaurise cette veine « maldisante »  et cette littérature de la marge à l’esprit caqueteur, caricaturiste voire même sardonique et franchement diffamatoire,…. Car enfin de compte, quelle absurdité que la risible prétention d’une culture qui ne rit pas et que n’aère aucune légèreté ? Quelle serait-elle sans la conscience extatique, le renversement des vues, l’analyse irrévérencieuse des idées ?

Aujourd’hui plus que jamais, dans  un contexte de malaise généralisé fait de coups et de contrecoups  émotionnels, de choc des valeurs, de prises de partie intellectuelles et de sursauts idéologiques, il  nous paraît fort bien à propos un colloque circonscrit autour de la notion problématique du « Rire en Islam , Rire de l’Islam», d’un côté pour redécouvrir l’humour tantôt éclatant, tantôt dissimulé propre à cette culture arabo-musulmane qui fuse  depuis toujours en dépit de la mainmise  sur les valeurs de la part d’une Doxa hégémonique. Et de l’autre, tenter de comprendre les conceptions et les formes de l’esprit de dérision occidental, notamment à l’encontre de l’islam. 

Voici quelques pistes de lecture à titre purement indicatif :

 

  • Pour les islamologues et les arabisants :

Qu’en est-il du rire en islam ? Peut-on parler d’une Histoire du Rire, y a-t-il une culture de l’ironie hilare chez les arabes ? Comment peut-on rire en islam ? Comment peut-on rire de soi?

Histoire du rire et de l’ironie dans la littérature arabe ancienne et moderne :

Le rire comme mouvement bachique du « vrai » : le dilettantisme esthète d’Abou-Nawass, l’ivrognerie blasphématoire, la demi-ébriété qui aiguise les sens Le nihilisme libertaire  d’Al yazid ibn al-walid, Diwan al-zanadeqa, La poésie satirique arabe : les vers les plus persifleurs, l’Histoire de la peur des poètes à la « mauvaise langue »,… Le rire comme la risée de l’erreur infinie : certains vers d’Al-Maarî, la malice presque indémêlable d’Al-Jahed, Les textes sarcastiques du mouvement de pensée Al-Shou’oubiyya…

Le rire de Dieu ou l’hilarité du sérieux:

La ruse, le canular dans le Coran : le concept d’« al-makr », … les scènes comiques dans le Coran : les facéties des prophètes Abraham, de Satan,  …

Les forces parodiques ou de dérision dans la culture populaire :

Le rire sans sarcasme qui ne demande nulle participation méchante : le bon mot, le « Moujoun »… Les fleurettes de rhétorique, les fioritures et gentillesses de langage : (Al-Dorf) Les impiétés d’inspiration divine, la religiosité érotique contre l’austérité théologique Le rire prohibé : le rire et le blasphème La « Liberté d’expression » et ses modes de manifestation : le parler indiscret  et la rhétorique et de la discrétion, la stylistique de  l’oblique … Comment se gère le mouvement souverain de la risée dans son rapport à la sévérité ?

 

II- La caricature de l’Islam en Occident :

Comment dépasser l’échec didactique de faire saisir aux musulmans ce principe simple : le droit d’ironiser sur tout, y compris sur ce qui lui est le plus cher est un trait de la culture occidentale plutôt qu’une forme de racisme et d’ostracisme ? Que celui de « briser les idoles » (Nietzsche) est un devoir inaliénable sans quoi l’Occident ne saurait être fidèle à son Histoire, lui qui est l’enfant des libres-propos du banquet athénien, de l’ironie de Pénélope et de Jésus, des soldats romains recevant la permission de railler le triomphateur le jour du triomphe…

1- La tradition satirique en Occident au sujet de l’Islam : l’islam comme sujet de rire chez l’Autre occidental. De manière plus particulière encore, L’image du prophète dans la littérature occidentale et dans l’ironie plastique qui dessine des caricatures.

2- L’esthétique goguenarde et ses topoï de la diffamation: le rapport entre « la caricature et ce besoin de se montrer crasseuse » (Jankélévitch)? Comment comprendre cet ordre visuel des signes : le « cul de Mahomet » élu comme marotte de la liberté d’expression ; se servir des « parties » pour signifier la laideur, la bassesse, la déloyauté, le terrorisme… ?

3- Le double-tranchant de la caricature : la récupération idéologique de la tragédie « Charlie Hebdo » ne risque-t-elle pas de discréditer la volonté de plus en plus expresse de prêcher contre la croyance de l’Autre, n’est-elle pas le contraire des beaux esprits de Charlie dont l’ironie renvoie dos à dos tous les extrêmes ? L’ironie thaumaturgique de la phrase « C’est dur d’être aimé par des cons » ne risque-t-elle pas enfin de compte de s’appliquer dans les deux sens du radicalisme ?

 

III - Le prix du rire :

Quand l’humour va beaucoup plus loin que les promesses de ce mot : la mort du rire. La mort nous sourit, nous dit Marc Aurèle, tout ce que nous pouvons faire, c’est sourire à la mort.

1-. Le rire et la mort possible comme exigence suprême de l’œuvre d’art. Quand le rire est l’espace même du mourir. : «  -Toujours pas d’attentat… - On a jusqu’à la fin janvier … »  Comment comprendre cette intimité entre la mort et celui qui se réjouit en elle en la caricaturant, qui en rit divinement et mortellement ? Comment désormais tenir son pouvoir de rire d’une relation anticipée avec la mort ?

2 - La dialectique du rire et du pouvoir : « Ironie, vraie liberté » s’écrit Proudhon au fond de sa cellule. Cependant comment éluder chez le sujet musulman la conscience d’une certaine « liberté » occidentale à géométrie variable donnant l’impression qu’il y a le bon rire « civilisé » et le rire odieux des bons à rien, quand le rire plus le pouvoir cela s’appelle l’Art et que sans autorisation (sans autorité) le rire appelle l’ire et « l’inquisition ».

3 - Le tirage à des millions d’exemplaires donne raison à la satire vengeresse d’un pays meurtri qui, à juste titre, montre le poing à la bigoterie. Certes. Mais d’un autre côté, ce tirage qui atteint des proportions justement « comiques » (sept millions), n’est-il pas contraire à l’esprit d’un journal  dont l’ironie humoresque  ne dépasserait pas un après-midi s’il était pris pour ce qu’il est normalement (le rire tout court) et sans ce choc en retour absurde et imbécile dans un monde musulman qui ignore le sens de l’humour ? Au lieu de s’étonner pourquoi le feu du ciel n’est-il pas tombé sur les « mécréants », le monde musulman n’aurait-il pas mieux fait de faire sienne, cette brillante contre-offensive de Cyrano de Bergerac : « -Vous… vous avez un nez… heu… un nez… très grand. » - C’est Tout… Ah ! Non ! C’est un peu court, jeune homme ! On pouvait dire…».

4- Comment comprendre ce sens du « paiement » où chacun va de son « rira bien qui rira le dernier », dans cette triste surenchère  qui déjà franchit toutes les lignes jusqu’au non-sens des atrocités de tous genres à venir ? Comment gérer cette exigence circulaire : rire pour pouvoir mourir – Mourir pour pouvoir rire de l’Autre ?

(…)

Nous encourageons les approches interdisciplinaires, allant de la théorie critique à l’esthétique, de la traduction aux études culturelles, littéraires, historiques, philosophiques, visuelles, ainsi qu’à d’autres disciplines des sciences humaines et sociales. Nous revendiquons le plurilinguisme aussi : les communications dans les trois langues français, arabe et anglais sont vivement requises.

 

Modalités de participation :

Les propositions de communication (titre, résumé de 2000 signes), ainsi qu’une brève notice biobibliographique seront à envoyer par mail à : Lamnaoui Slimane : slymlamy@gmail.com

Echéancier :

Le 30 Avril est la date limite de l’envoi des propositions

Une version préliminaire des communications ou grand résumé de 2000 mots au moins est à envoyer avant le 1er Septembre  2015  (clause de rigueur)  

L'inscription au colloque est gratuite. Le comité d’organisation prendra en charge l’hébergement pendant la durée de la manifestation.