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Rideau ! Applaudissements, saluts et rappels dans le système du spectacle (revue European Drama and Performance Studies)

Rideau ! Applaudissements, saluts et rappels dans le système du spectacle (revue European Drama and Performance Studies)

Publié le par Marc Escola (Source : N.Courtès)

Rideau ! Applaudissements, saluts et rappels dans le système du spectacle.

Appel à contributions pour le n°12 de la revue European Drama and Performance Studies

Si le lever de rideau, puis la bascule des lumières, ont souvent retenu l’attention, en tant que seuil fictionnel et matériel dramatique cruciaux, la fin du spectacle reste moins explorée, alors même que les artistes de la scène font actuellement preuve d’une réelle inventivité dans l’orchestration de la fin des représentations, et que les saluts ont pu constituer le thème même de certaines œuvres chorégraphiques récentes.

Le rituel qu’on pensait immuable de baisser le rideau tend à disparaître, la fin du spectacle semble parfois floue et incertaine, tandis que des saluts se voient prohibés et que certains applaudissements peuvent être ressentis comme mal venus. Il existe cependant des marqueurs de fin autres que l’arrêt des répliques : arrêt du mouvement, baisse de l’éclairage, retour sur scène des artistes. Il convient donc de s’interroger sur les fonctions physiques et symboliques à l’œuvre après le dénouement, avant que les spectateurs n’aient quitté la salle de spectacle, sur ce « moment ultime » du, ou au-delà du, théâtre, sur ce temps « étrangement mêlé », entre la vie et le spectacle (Bernard Dort, « Le dernier moment », Le Spectateur en dialogue, 1995).

Les deux moments du lever et du baisser de rideau sont-ils réellement symétriques ? On peut en douter dans la mesure où aucun phénomène sonore n’a jamais contrebalancé la sonnerie destinée aux retardataires et les trois coups traditionnels du brigadier. À moins qu’on n’y comprenne les applaudissements, réponse des spectateurs à tous les intervenants du théâtre, sorte « d’autoportrait rythmique », « exprimant la façon dont un groupe a vécu l’événement, a “résonné” au spectacle » (Marie-Madeleine Mervant-Roux, L’Assise du théâtre. Pour une étude du spectateur, 1998). Qu’en est-il de cette manifestation bruyante qui clôt la représentation, et qui se double fréquemment d’une ovation debout, ou peut être au contraire bannie par certains artistes souhaitant souligner la sacralité du moment et faire entrer le spectacle dans l’ordre du rituel partagé (Georges Banu, L’Acteur qui ne revient pas. Journées de théâtre au Japon, 1986) ?

Plusieurs déclinaisons s’ouvrent autour des saluts, plus ou moins spontanés (pensons aux fameuses claques du XIXe siècle), parfois hiérarchisés et codifiés, parfois répétés, chorégraphiés et mis en musique, comme si le spectacle refusait d’en finir, ou encore proscrits. Quels que soient les choix faits, ils appellent des spectateurs le comportement adéquat : applaudissements immédiats ou suspendus, discrets ou profus, départ silencieux de la salle, etc.

Ainsi la fin du spectacle soulève-t-elle des questionnements de l’ordre de l’anthropologie, de l’histoire sociale et culturelle, de l’esthétique et de la communication.

  • Elle résulte d’une codification sociale et offre une structure au sein de laquelle s’organisent des variations, selon les époques et les œuvres proposées. Les applaudissements en particulier, qui ne sont pas propres au théâtre ou au champ artistique, relèvent des « comportements institués dont le sens est préétabli ou […] préexiste à leur réalisation » (Nicolas Mariot, « Faire parler les foules ? », Hypothèses, 2011/1 (14)). L’émotion ressentie, les techniques de mobilisation collective, les rapports institués entre le théâtre et le monde extérieur, peuvent ensuite les moduler.
  • Les marqueurs de la fin du spectacle changent selon les époques et leur charge symbolique évolue. Ainsi, les applaudissements surgis d’une salle silencieuse – que l’on peut interpréter comme la possibilité enfin offerte d’exprimer une émotion retenue – n’ont rien à voir avec ceux guidés par une claque qui a ponctué toute la représentation, ou ceux d’une salle agitée, debout et bruyante, telle qu’en a connu le XVIIIe siècle. Les changements observables au fil du temps dans les saluts, le rideau, les applaudissements en disent long sur les divers modes de relations entre le spectacle et le quotidien, sur la rupture plus ou moins forte instaurée avec le monde réel, sur le régime de vraisemblance ambigu qui règne à la fin d’une représentation, sur les modalités de retour à soi-même et au monde extérieur requis par un spectacle et une société donnés.
  • Enfin, la dramaturgie même de l’œuvre, et l’échange global organisé entre cette dernière et la salle, appellent des modulations diverses, par le public assemblé, de la fin du spectacle. On peut envisager que s’élaborent des applaudissements propres à chaque œuvre et à chaque soirée théâtrale. Il est aussi possible d’imaginer que les metteurs en scène du XXe siècle ont vu dans les saluts et les applaudissements, ou dans leur suppression, la possibilité de modifier le rapport du spectateur à l’œuvre. Certains ont eu, ont à cœur d’accorder la fin du spectacle à la logique de l’œuvre. Dans d’autres cas, la nature même de la représentation ne permet plus d’établir une distinction nette entre ce qui serait encore du spectacle et ce qui n’en est déjà plus.

 

Le volume à venir se propose d’étudier, à partir d’études monographiques et panoramiques, de préférence dans le domaine européen du XVIIIe au XXIe siècle, les phénomènes concomitants à la fin de la représentation et qui accompagnent le spectateur jusqu’au retour à la réalité, en fonction de trois axes principaux –  le rideau ; les saluts ; les applaudissements et les rappels – et selon diverses approches : anthropologie, histoire culturelle et des spectacles, esthétique, communication.

Les propositions de contribution (3000 signes au maximum, accompagnés d’une notice biographique de quelques lignes) sont à adresser à Bénédicte Boisson et Noémi Courtès (benedicte.boisson@univ-rennes2.fr ; noemie.courtes@free.fr) pour le 15 décembre 2016, en vue d’une publication au début de l’année 2018 dans le n°12 de la revue European Drama and Performance Studies (EDPS) http://www.thefrenchmag.com/EUROPEAN-DRAMA-AND-PERFORMANCE-STUDIES-EDPS_a26.html

  • Responsable :
    B.Boisson-N.Courtès