Revue
Nouvelle parution
Revue Geste n° 5:

Revue Geste n° 5:

Publié le par Marc Escola

Geste
#5
Habiter / Sexe(s), genre, politique
354 pages, 10 €

Le comité de rédaction de la revue vous invite à fêter son lancement
le 21 novembre à partir de 20h
au Théâtre de Verre
5 impasse Bonne Nouvelle,
75010 Paris.
Métro Bonne Nouvelle ou Strasbourg Saint Denis.
http://www.theatredeverre.fr/


SOMMAIRE

Rencontre
Aux frontières du droit, les migrants - Entretien avec Danièle Lochak

Dossier : Habiter

Pratiques d'espaces
Habiter, vivre, exister - Entretien avec Chris Younès
Aucun animal n'habite dans un cube - Entretien avec Véronique Willemin
Politiques de l'interstice - Entretien avec Donia Petrescu et Constantin Petcou de l'Atelier d'Architecture Autogérée
Fictions urbaines - Entretien avec Sylvie Blocher et François Daune du collectif Campement Urbain
Grands ensembles en Pologne. Passé – présent – futur - Entretien avec Lydia Coudroy De Lille
à quoi pense un architecte ? - Entretien avec Éric Lapierre
Pagaille : Jacques Jouet - Cécile Mainardi, Nicolas Bouyssi - Olivia Rosenthal - Didier Garcia - Nathalie Quintane
Arno Bertina - Thomas Gunzig - Philippe Vasset - Guénaël Boutouillet - Pierre Pachet
Le machin architectural - Entretien avec Christian Pottgiesser
Habiter en mouvement par Julien Brachet
Turner à Lima par Sylvain Prudhomme
Les cosmophonies domestiques de Karlheinz Stockhausen par Lambert Dousson
Habiter aux alentours par Pierre-étienne Schmit
Habiter en 2050 par Marie Dariel

Ralentis
Politique de l'instant musical - Entretien avec Nicolas Frize
« Tu m' » : à propos du titre d'un tableau de Marcel Duchamp par Catherine Perret
La performance et ses traces : comment oublier l'urinoir de Pinoncelli ? par Sarah Troche
L'attentat culturel est un jeu d'enfant - Entretien avec Pierre Pinoncelli

Sexe(s), genre, politique
« Qui gardera les enfants ? » est la question de l'avenir - Entretien avec Geneviève Fraisse
Ici repose le féminisme par émilie Giaime
Parler le langage de l'égalité — des sexes et des sexualités - Entretien avec éric Fassin

Gestuelles
Dissection d'un chirurgien - Entretien avec le Docteur Cyrille Cazeau
De la bête au bifteck : les mots et les gestes de la viande - Entretien avec Georges Cosson, boucher-charcutier

*  *  *


INTRODUCTION DU DOSSIER « HABITER »

Pratiques d'espaces
À première vue, rien de très gestuel ici. « Habiter » retentit d'une solennité un peu suspecte, peut-être trop évidente : nous habitons (la maison, la rue, le pays, la planète…). Mais c'est là oublier toutes les pratiques, les gestes, les inventions qui l'animent et le déplacent continûment.

Une interrogation, chère à Michel de Certeau, est au coeur du dossier : celle des « pratiques d'espaces ». Il y aurait, écrit Certeau, toute une étude à faire de la complexité de décisions qu'engagent nos pratiques même les plus quotidiennes. Le plus simple trajet à travers la ville, que de compétences il nous faut à notre insu déployer pour l'accomplir, entre combien de trajectoires possibles nous force-t-il à choisir ! Analogie de la marche et de la parole : toutes deux opérations par lesquelles nous puisons dans un réservoir presque infini de possibles pour en actualiser certains le temps d'une phrase ou d'un trajet, les affirmer parmi d'autres, manifester à notre insu un « style », ambulatoire ou verbal. Habiter s'exerce, s'agit, et, pourrait-on dire, s'« existe ». C'est faire résonner l'espace de nos gestes et en même temps résonner avec lui, écouter comme il résonne : constater qu'il agit sur nos gestes, autant que nous agissons sur lui. On ne marche pas dans la ruelle piétonne d'un vieux centre comme le long d'une nationale, on ne s'assoit pas de la même manière sur le banc d'une ville nouvelle et sur la place d'une ville chargée d'histoire.

Cette approche a deux conséquences :
- D'abord, elle dissocie la question d'habiter de celle du simple habitat. On n'habite pas seulement son logement mais aussi la rue, la ville, le lieu où l'on travaille, la voiture ou la rame de métro qu'on prend quotidiennement, le trajet qu'on parcourt inlassablement dans le cas des convoyeurs sahariens. « Habiter » se dit aussi du mouvement.
- Ensuite elle voudrait libérer les pratiques de l'habiter d'une parole peut-être trop exclusivement experte, et être à l'écoute des usages et des interrelations qui, dans le lieu même qu'ils habitent, par une multitude d'usages différenciés de l'espace, construisent des formes nouvelles et imprévisibles d'existence.

Dès lors la question se déplace : importe moins le lieu (certains plus faciles à habiter que d'autres, sans doute, plus objectivement habitables) que ce qu'on en fait, l'inventivité qu'on y déploie, la façon dont on le détourne éventuellement de sa fonctionnalité première. Il faut donc être attentif à cette multitude de micro-opérations individuelles et collectives, qui expérimentent l'espace pour en dégager une politique, (re)créer du commun quand la privatisation progressive de l'espace public va de pair avec sa dépolitisation. Tentatives de l'Atelier d'Architecture Autogérée pour tirer parti de parcelles laissées à l'abandon, « fictions urbaines » initiées par le collectif Campement Urbain, réappropriation par les habitants de grands ensembles en Pologne d'un espace excessivement déterminé, architectures « vivantes et mobiles » qui accompagnent les rythmes de la vie… Le dossier insiste d'abord sur ces inventions ou ces réinventions, accueillant la possibilité d'un habiter plus ouvert. Cela commence souvent par un travail sur les mots : raison pour laquelle Geste accueille aussi, pour la première fois, des textes d'écrivains.