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Nouvelle parution
Revue d'histoire du théâtre, n°265, 2015 :

Revue d'histoire du théâtre, n°265, 2015 : "L'allégorie au théâtre"

Publié le par Perrine Coudurier

Référence bibliographique : Revue d'histoire du théâtre, n°265, 2015 : "L'allégorie au théâtre", , 2017.

 

Revue d'histoire du théâtre, n°265, 2015 : "L'allégorie au théâtre"

 

Prix 15EUR.

Présentation :

La Revue d'Histoire du Théâtre publie une étude l’allégorie au théâtre, du Moyen Âge à nos jours.
Considérée comme un « genre mineur », l’allégorie dramatique, lyrique et chorégraphique ne s’est pas vue reconnaître la place de premier plan qu’elle occupe au sein, non seulement du répertoire théâtral, mais encore d’expérimentations scéniques innovantes à travers l’Europe, depuis le théâtre préclassique jusqu’au théâtre post-dramatique. Traversant notre modernité, elle est pourtant le champ d’expansion d’enjeux esthétiques et idéologiques de premier plan.

 

Résumés des articles du numéro :

Introduction : Un théâtre de chair et de pensée, par Martial Poirson
Considérée comme un « genre mineur », l’allégorie dramatique, lyrique et chorégraphique ne s’est pas vue reconnaître la place de premier plan qu’elle occupe au sein, non seulement du répertoire théâtral, mais encore d’expérimentations scéniques innovantes à travers l’Europe, depuis le théâtre préclassique jusqu’au théâtre post-dramatique. Traversant notre modernité, elle est pourtant le champ d’expansion d’enjeux esthétiques et idéologiques de premier plan dont cette introduction cherche à établir l’historiographie théâtrale : définition, typologie et périodisation de l’allégorie théâtrale permettent de poser les bases d’un théâtre de la pensée incarné par le corps à vocation critique et autoréflexive, esquissant les contours d’un champ de recherche d’apparition récente.

Le débat des allégories : construction et dissolution des personnages sur la scène médiévale, par Laëtitia Tabard
Les liens entre debat poétique et dispute scénique, analysés grâce à quelques exemples, montrent combien le traitement du personnage allégorique médiéval vise à la complexité : même sur la scène, le personnage n’est pas l’image simple et lisible d’une abstraction, et résulte d’un processus rhétorique et poétique de déstabilisation. Le cadre du débat, fondé sur la polémique et la contestation de l’ethos de l’adversaire, remet en jeu la correspondance entre le nom abstrait et le corps visible – ou ce que le texte en laisse imaginer – pour recréer une représentation mentale. Au prix parfois d’une dissolution des identités scéniques, la mise en débat des allégories révèle ainsi in fine l’inadéquation entre le réel et les catégories dans lesquelles on prétend le saisir.

Crise et critique : l’allégorie entre herméneutique et polémique dans le théâtre moral en français des XVe et XVIe siècles, par Estelle Doudet
Cet article propose d’interpréter le jeu allégorique appelé moral aux XVe et XVIe siècles à la lumière de deux notions : la crise, la critique. Cet art a en effet mis en crise pendant longtemps les catégories de l’analyse. Or le principal objectif du théâtre moral était de critiquer les crises contemporaines. Sa pédagogie vise à réformer les conduites individuelles et collectives, ici et maintenant. L’herméneutique de l’allégorie rend efficace la dénonciation des désordres qu’elle rend visibles. La dimension satirique ou polémique de ces pièces dépasse les canevas qui nous sont parvenus et se révèle en lien avec les occasions de représentation. S’impose alors une nouvelle démarche critique attentive non seulement à la sémiotique, mais à la sémantique du théâtre allégorique.

Le cas des allégories dramatiques antireligieuses au siècle des Lumières, par Alain Sandrier
Trois pièces manuscrites récemment exhumées et éditées permettent de saisir sur le vif la manière dont le combat religieux des Lumières a su réactiver la dimension critique de l’allégorie. Que ce soit à la manière du théâtre de foire, dans La Mort de Mardi gras de Charles Duclos, sous forme de variation biblique iconoclaste, avec L’Embrasement de Sodome, ou d’allégorie philosophique, dans La Religion– toutes deux anonymes – ces formes inclassables de théâtre, manifestement influencées par l’esprit philosophique, mettent très savoureusement la croyance reçue sur le gril, faisant preuve d’un esprit critique et satirique toujours réjouissant à trois siècles de distance.

 De quoi Plutus est-il le nom ? Une allégorie de l’économie politique au XVIIIe siècle, par Eric Négrel
En 1684 paraît pour la première fois en français, dans son intégralité, la comédie grecque d’Aristophane, Ploutos. Près de quarante ans plus tard, c’est sur cette traduction d’Anne Dacier que s’appuie Marc-Antoine Legrand pour proposer une récriture de Plutus, qui se rattache à l’actualité économique des années 1720 et à l’essor du système des finances de John Law. Par ailleurs, un autre contemporain, le marquis d’Argenson, note que le Plutus grec traduit par Dacier entre en résonance étroite avec un des textes fondateurs de l’économie politique : La Fable des abeilles de Bernard Mandeville. Notre article met en évidence les liens des deux Plutus avec l’idéologie économique libérale qui innerve la modernité européenne à l’aube du XVIIIe siècle.

Le Vaudeville joue et se joue : allégorie, méta-théâtralité et politisation à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle, par Johanna Danciu
Cet article examine deux fonctions du discours du personnage allégorique du petit Vaudeville dans une sélection de pièces jouées au théâtre portant le même nom, à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle. Produites au cours d’une période amplement tumultueuse d’un point de vue politique aussi bien qu’en ce qui a trait à l’univers dramatique, ces pièces donnent à voir l’instabilité des scènes de cette époque où fut accordée la liberté des théâtres et les conflits entre les diverses salles qui cherchent à séduire un public constamment désireux de nouveautés ; de plus, ces ouvrages ne cachent pas le penchant royaliste des auteurs qui font chanter la paix et la gloire du régime en place à ce personnage qui se veut représentatif du genre et ce surtout pendant la Restauration. Cherchant à imposer son autorité, la voix du petit Vaudeville laisse entendre, entre autres, que le genre est auto-suffisant, pouvant se défendre lui-même contre toute attaque de la part de ses rivaux tout en maintenant la gaité, la légèreté et la désinvolture qui font sa renommée.

Mettre en scène le pèlerinage de vie humaine : leitmotiv spirituel et variations d’un topos allégorique, XVIe-XVIIe siècles, par Anne-Elisabeth Spica
Le motif du pèlerinage spirituel, particulièrement intéressant du point de vue de l’allégorie en ce qu’il conjoint la figure et le principe herméneutique (l’allégorie comme ensemble de personnifications et l’allégorie comme récit figuré dont la progression apppelle l’interprétation), connaît sur la scène de la moralité religieuse une actualité liée aux débats théologiques du XVIe siècle. Cet article s’attache à mettre au jour, dans leurs grandes lignes, les points d’articulation entre expression spectaculaire, expression allégorique et transmission d’une spiritualité contemporaine, ainsi que la survie du modèle jusqu’aux années 1650, bien après la période considérée comme celle de la disparition de la moralité religieuse.

L’auto sacramental caldéronien : de l’orthodoxie religieuse à la réflexion métathéâtrale, par Anne Teulade
Nous proposons une réflexion sur le genre de l’auto sacramental, forme allégorique espagnole en un acte, jouée pour la Fête Dieu du début du XVIe siècle jusqu’à son interdiction en 1765. Entre 1649 et 1681, Calderón est le seul dramaturge à livrer, à Madrid, ces spectacles exemplifiant la chute et la rédemption de l’homme. Dans ses œuvres, la programmation de l’interprétation allégorique est verrouillée, laissant peu de place à la controverse. Mais l’auto sacramental caldéronien n’est pas aussi univoque et simpliste que sa visée pragmatique et son message religieux clair pourraient le laisser supposer. En effet, le genre devient progressivement pour le dramaturge le lieu d’une réflexion métathéâtrale qui envahit tous les aspects du texte.

Le ballet burlesque français, ou les paradoxes du « monde à l’envers ». Etude sur les virtualités et enjeux allégoriques du Ballet des Fées des Forêts de Saint-Germain (1625), par Vincent Dorothée
Dansé par le roi en février 1625, le Ballet des Fées des Forêts de Saint-Germain est caractéristique de la veine « burlesque » qui a dominé le ballet de cour français pendant au moins deux décennies du règne de Louis XIII. Sous l’égide du duc de Nemours, alors principal ordonnateur des festivités royales, toute une équipe d’artistes et artisans, dont le peintre Daniel Rabel, a participé à l’élaboration visuelle de ce spectacle chorégraphique à la fois merveilleux et grotesque, l’un des plus précisément documentés du règne sur les plans iconographique et archivistique. Malgré la richesse de cette documentation, les ouvrages de référence sur le ballet à entrées ou ballet mascarade, et notamment celui-ci, ne parviennent pas à rompre pleinement avec le préjugé tenace selon lequel la seule fantaisie déterminerait l’invention de ce type de spectacle. L’examen de ces sources laisse pourtant deviner les virtualités allégoriques, assez complexes, d’un spectacle dont la valeur scénographique et iconologique repose presque exclusivement sur les costumes. Ce sont eux qui véhiculent l’essentiel du sens et alimentent la dimension allégorique de ce ballet qui, loin de constituer une pure fantaisie gratuite, peut être interprété comme toute allégorie à différents niveaux. Considérées ensemble, ces « strates sémantiques » donnent l’image d’une vaste allégorie inversée de l’harmonie du monde, au sein de laquelle se dissimule un propos éminemment politique, qui transparaît à travers les rapports ambigus du visuel et du verbal.

Dans l’atelier d’Industrie, les nouvelles « machines » théâtrales. Danse et allégorie aux Théâtres de la Foire, par Paola Martinuzzi
Cet article concerne la danse au XVIIIe siècle, aux théâtres de la Foire. L’objectif est de voir comment opèrent les images allégoriques dans les pièces chorégraphiques de la première moitié du siècle. Déjà à l’âge baroque, l’allégorie était sortie du cadre de la recherche d’une harmonie universelle, pour s’adresser à la satire ou à la recréation d’un monde qui avait perdu son ordre. Au XVIIIe siècle la danse théâtrale foraine fait recours à l’imitation de la vie et les nouvelles personnifications se nourrissent d’un esprit critique, satirique, renovateur, qui vise à parodier les modèles théâtraux existants en faisant circuler des concepts appartenant aux débats culturels et sociaux de l’époque.

Conclusion : Rémanence de l’allégorie dans le théâtre contemporain, par Martial Poirson
Loin de connaître l’éclipse à laquelle elle était pourtant prédisposée, l’allégorie se caractérise par une curieuse rémanence au sein du théâtre contemporain : très présente comme figure identifiée, elle permet en outre de mettre en place des systèmes globaux d’interprétation, aussi bien dans le théâtre de répertoire (Genet, Novarina, Vinaver) que dans les formes hybrides d’un théâtre de création collective (Rambert, Meyssat, Creuzevault), se saisissant des questions sociales, économiques, politiques, religieuses, parfois au prix de violentes controverses (Castellucci, Bailey). L’allégorie théâtrale, en exprimant paradoxalement la crise de la représentation, s’inscrit au cœur de la sphère publique au moyen d’une politique des gestes dont les protocoles mettent au premier plan des dispositifs immersifs efficaces, quitte à diluer, voire compromettre les codes de la figuration allégorique. Davantage qu’une simple figure aux enjeux esthético-idéologiques, c’est donc la matrice d’un théâtre contemporain soucieux de renouer, par l’intermédiaire du corps et de la matière, avec la dimension symbolique.