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Appels à contributions
Représenter l’auteur-e de bande dessinée (Comicalités)

Représenter l’auteur-e de bande dessinée (Comicalités)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Comicalités)

La revue Comicalités relance un appel à contributions sur la thématique « Représenter l’auteur-e de bande dessinée » dans une version mise à jour.

Modalités pratiques :

Le présent appel à contributions est ouvert à tous les chercheurs, quel que soit leur statut et leur origine. Nous les invitons à nous répondre avant le 29 avril 2018 en nous soumettant deux documents :

- Une fiche signalétique prenant la forme d’un court curriculum vitae exposant les axes de recherche du candidat.

- Un texte anonyme en français ou en anglais de 3000 signes espaces compris, présenté sans aucun enrichissement autre que l’italique ou le caractère gras, et adoptant une présentation standardisée (Times New Roman 12 pts pour le corps de texte, 10 pts pour les notes, aucun alinéa ou retrait de paragraphe, interligne 1,5).

- Pour chacune des approches présentées ci-dessous, il est possible d’envisager un format différent de celui d’un article : nous acceptons donc également les entretiens ou les propositions d’analyse d’une planche ou d’une case.

La proposition sera évaluée de façon anonyme par deux membres du comité scientifique de la revue et un retour la concernant sera renvoyé le 27 mai. Son acceptation vaudra encouragement et suggestions quant à un article d’une taille comprise entre 25 000 et 40 000 signes espaces compris, à remettre avant le 6 octobre 2018. Elle doit nous parvenir aux adresses électroniques suivantes :

jessica.kohn23@gmail.com

benjamin.caraco@gmail.com

Texte de l’appel :

Quoique n’étant jamais présentés de manière unanime comme des artistes ni comme des écrivains, les producteurs et productrices de bande dessinée sont désormais presque toujours désignés comme des auteur-e-s, et c’est d’ailleurs sous cette appellation qu’ils défendent leurs droits. Loin d’être seulement un questionnement sur leur dénomination professionnelle, la question de la place et du statut de l’auteur s’interroge également en analysant leurs dessins.

D’une part, en se représentant dans leurs productions graphiques, les auteur-es de bande dessinées ne construisent-ils pas leur posture et leur éthos d’auteur, tout comme c’est le cas pour les écrivains ? Le sociologue de la littérature Jérôme Meizoz désigne par le terme de posture « la présentation de soi de l’écrivain, [qui] met […] l’accent sur la construction d’une figure d’auteur singulière par le biais d’un ethos linguistique et de conduites littéraires publique ». Il définit l’éthos comme le versant discursif de la posture d’auteur, c’est-à-dire l’image de l’inscripteur donnée dans un texte singulier et pouvant se limiter à celui-ci tandis que la posture est l’image de l’écrivain formée au cours d’une série d’œuvres signées de son nom.

D’autre part, la représentation individuelle du métier pose également la question du regard collectif porté sur cette activité professionnelle : en représentant l’auteur, c’est également une fonction qui est mise au jour et livrée aux commentaires et aux interprétations. Il faut donc également interpréter sous ce prisme les mises en scène du travail de soi ou des autres qui sont tour à tour réalistes, imaginaires, fantasmées ou idéal-typique.

Cette thématique invite les chercheur-e-s à s’appuyer sur des dessins représentant les auteur-e-s de bande dessinée dans le cadre de leur activité professionnelle, que celle-ci apparaisse au détour d’une case ou détermine une partie du récit. Nous sommes donc ouverts à l’analyse de toutes sortes de productions que nous pouvons sommairement ranger dans deux catégories :

Autoreprésentation lorsque l’auteur se met en scène lui-même, comme dans le cas de l’autobiographie ou de l’autofiction, selon des modalités qu’il serait intéressant d’étudier (Fabrice Neaud se représente ainsi, dans le quatrième tome de son Journal, sous les apparences d’un petit personnage rappelant une marionnette et contrastant avec le trait précis du reste du récit, alors que Jean-Christophe Menu semble osciller dans Livret de phamille entre dessin d’après nature et caricature). On pourra notamment interroger la mise en abyme des outils et du geste de la création, ainsi que celle de l’album ou de la planche en train d’être créés dans ce qui s’apparente alors à des autoportraits. Seront les bienvenues des propositions se demandant quels rapports (contestation ? imitation ? indifférence ?) entretiennent ces représentations avec les postures auctoriales littéraires et se demandant quels nouveaux modes d’apparition se construisent avec l’auteur de bande dessinée.

Représentation de ses pairs lorsque l’auteur semble vouloir porter un regard sur d’autres auteurs, que celui-ci soit particulièrement sarcastique (dans le cas des Mauvaises hu­meurs de James et la Tête X, voire d’Approximativement de Lewis Trondheim) ou mette l’accent sur leur place au sein d’un dispositif de publication (à l’instar du Journal de Serge Clerc qui relate la création de Métal Hurlant et des Humanoïdes Associés ou encore de La Véritable Histoire de Futuropolis). Le travail biographique consistant à évoquer la vie ou l’œuvre d’autres auteur-e-s se fait selon des modalités différentes : au parti-pris que l’on pourrait dire « critique » du McCay dessiné par Bramanti et construit autour de la notion « d’attraction » chère au scénariste Thierry Smolderen, s’oppose ainsi sans doute le parti-pris « épique » de la très longue biographie consacrée à Tezuka…

Cette liste est très loin d’être exhaustive et nous invitons des chercheurs à la compléter par des œuvres ou des représentations d’auteur-e-s qu’elles soient issu-e-s de bandes dessinées franco-belges, japonaises, américaines ou d’autres aires culturelles. Nous entendons avant tout permettre le traitement le plus exhaustif possible d’une question : quels enjeux recouvrent la représentation de l’auteur de bande dessinée, à la fois du point de vue de son milieu professionnel et de sa pratique et en dehors de ceux-ci ?

Il est en effet frappant de constater qu’une représentation de l’auteur qui émerge seulement dans les années 1960 et se limite souvent à la représentation du travail au sein d’une rédaction plutôt qu’à la mise en scène auctoriale (au sens propre, pensons aux « Hauts de page » de Yann et Conrad ou au caractère cocasse des signatures de Franquin qui s’exprimait en périphérie de la planche) est aujourd’hui extrêmement courante et nous semble pouvoir donner lieu à plusieurs approches que nous soumettons à titre d’exemples.

- Approche éditoriale : il serait intéressant de s’interroger sur les différents modes de publication (publications périodiques, collections, traductions…) des œuvres concernées par la représentation des auteurs de bande dessinée, en apportant un éclairage historique et/ ou géographique. Plus spécifiquement, on pourrait également étudier l’aspect structurant de cette pratique, au sein de la pratique du blogging par exemple, ou encore à travers la définition du roman graphique.

- Approche sociologique : il est possible d’approcher la représentation des auteur-e-s en se demandant quelle vision du groupe social et quelle identité professionnelle ressortent des représentations que les auteur-e-s font d’eux-mêmes ou de leurs collègues. Dans ce cadre, il serait pertinent de lier ces représentations aux luttes sociales actuelles pour la reconnaissance du métier ; on pourrait par exemple imaginaire une analyse des représentations militantes qui émergent actuellement.

  • Approche esthétique : il s’agit de cerner les modalités d’apparition de l’auteur, que ce soit sur le plan graphique (s’apparente-t-elle à des genres comme le portrait, la caricature ?) ou narratif (l’auteur devient-il un personnage à part entière ou est-il traité sur le mode de la référence, voire de la connivence ?). Qu’est-ce que le dessinateur lui-même suggère comme traits (narratifs ou graphiques) propres à l’auctorialité, qui le distinguerait de ces autres personnages ? Comment la représentation de l’auteur dialogue-t-elle avec l’enjeu autobiographique de certaines œuvres ? Plus spécifiquement, il y a-t-il des stratégies stylistiques, voire une rhétorique de la représentation de l’auteur, visant à créer une connivence avec le lecteur (en installant par exemple le narrateur dans le statut de témoin, comme le font Joe Sacco ou Étienne Davodeau, ou dans une posture de badaud, comme Guy Delisle).
  • Approche symbolique : elle s’interroge sur la valeur qu’acquiert cette représentation de l’auteur sur le plan des filiations (comment se réclame-t-on d’un auteur ou d’une école en bande dessinée ?) ou plus largement d’une inscription dans le champ de la littérature (en représentant un auteur de bande dessinée à côté d’écrivains ou en s’inscrivant dans un dispositif comme le pacte autobiographique) ou artistique (en se référant par exemple à des représentations courantes dans le domaine de la peinture, comme l’atelier, le modèle). Pastiche et hommage, ou parodie et subversion des héritages, pourront notamment être examinés à l’aune de la question des filiations ou au contraire des avant-gardes dans la création artistique initiée par la bande dessinée.