Questions de société

"Rentrée : que reste-t-il des réformes Darcos ?" par V. Soulé (Libération, 31/08/2009)

Publié le par Bérenger Boulay

Rentrée : que reste-t-il des réformes Darcos ?

http://www.liberation.fr/societe/0101587886-rentree-que-reste-t-il-des-reformes-darcos

Par VÉRONIQUE SOULÉ, Libération, 31/08/2009

En deux ans, l'ancien ministre a fait une multitude d'annonces. Certaines ont abouti, d'autres pas.

Réformes du primaire, de la formation des enseignants, du lycée, dela voie professionnelle, suppression de l'école le samedi, introductiond'un service minimum, assouplissement de la carte scolaire, etc. Durantdeux ans, Xavier Darcos, le ministre de l'Education passé à l'Emploi, amultiplié les annonces. Un tourbillon de promesses dont certaines sontaussitôt entrées en application, d'autres partiellement et d'autresenfin sont tombées dans l'oubli.

A la veille de la rentrée - demain pour les 850 000 enseignants,mercredi et jeudi pour les 12 millions d'élèves -, un bilan s'imposait.Xavier Darcos avait annoncé qu'il ne ferait pas comme ses prédécesseursdes réformes à tout va, mais qu'il préférait le gradualisme. En fait,il a bousculé la machine.

Rien d'étonnant, dès lors, que son successeur Luc Chatel se place dans sa «continuité».Venant du ministère de la Consommation, également porte-parole dugouvernement, il connaît mal les dossiers. Mais surtout la priorité estpour lui de calmer le jeu, de rétablir un climat serein dans sesrelations avec les syndicats et les enseignants, notamment du primaire.Imposées sans avoir été suffisamment débattues, certaines réformespassent mal. D'autres ont été laissées en plan, comme celle du lycée,face à la contestation de la rue.

En multipliant l'offre de «services» aux élèves et auxfamilles, Xavier Darcos et Luc Chatel, qui en assume l'héritage,estiment avoir amélioré le système. Pour d'autres, en poursuivantl'hémorragie des professeurs - 13 500 postes supprimés cette année, 16000 l'an prochain -, l'école au contraire s'appauvrit, d'autant que lesréformes n'ont pas touché aux points les plus durs, comme la pédagogieou le collège. Mais là, les avis divergent.

Pour lutter contre les inégalités, l'aide individualisée

En supprimant l'école le samedi matin, Xavier Darcos a introduitdeux heures d'aide individualisée par semaine pour les élèves endifficulté. Les enseignants «désobéisseurs» jugent ledispositif nuisible - ils ne sont pas formés pour cela, et les enfantssont stigmatisés. Et ils refusent de l'appliquer. Les autres sontsouvent sceptiques sur l'efficacité de cette aide. Luc Chatel a proposéde remettre à plat le dispositif qui pourrait évoluer. Toujours pour «mettre le paquet» sur ceux qui en ont le plus besoin et ne peuvent s'offrir de petits cours, Darcos a mis en place un «accompagnement éducatif»,deux heures d'aide aux devoirs et d'activités gratuites après16 heures. Cela marche. Mais le dispositif ne sera pas étendu commepromis à toutes les écoles primaires, apparemment pour des raisonsd'économie.

Des stages de remise à niveau

C'est l'une des innovations de Xavier Darcos. L'Education nationalepropose pendant les vacances des stages gratuits d'une semaine de «remise à niveau» en français et en maths pour les CM1 et les CM2, ainsi que dans les 200 lycées «de réussite scolaire» desstages pour préparer l'entrée en terminale ou dans le supérieur. Cetété, 138 000 écoliers en ont profité. Des voix critiques estiment qu'aulieu de multiplier ces dispositifs, on ferait mieux d'investir surl'école, en arrêtant de supprimer des postes et en permettant detravailler en petits groupes en classe.

Des lycées ouverts le dimanche

En visite en juin dans un établissement, Nicolas Sarkozy avaittrouvé «pas normal» que les lycées sont fermés quatre mois de l'annéeet le week-end. Xavier Darcos, toujours prompt à mettre en musique lesidées du Président, avait ensuite annoncé une «réflexion sur lapossibilité d'allonger les périodes et les horaires d'ouverture deslycées pour permettre le développement de nouvelles activités auservice des élèves et des familles». On en est là. En clair, il ne sepassera rien à la rentrée. Pour ouvrir les lycées le week-end afin queles élèves puissent venir regarder des films comme le voulait lePrésident, il faut du personnel. Or on est en période de réductionsdrastique. Les proviseurs avaient d'ailleurs tiqué à l'idéeprésidentielle. Il faut en outre rappeler qu'il existe déjà undispositif «Ecole ouverte» (permettant l'ouvertured'établissements hors temps scolaire) créé en 1991 par Lionel Jospin,alors ministre de l'Education, et qui marche bien.

Des portiques contre la violence

Après l'agression d'une enseignante par un collégien à Fenouillet(Haute-Garonne) le 15 mai, Xavier Darcos avait frappé un grand coup. Ilavait promis, en vrac, de créer une «force mobile d'agents», d'installerdes portiques de détection des métaux à l'entrée des établissements,d'autoriser la fouille des cartables et des élèves, enfin de prévoirdes sanctions financières contre les «parents démissionnaires».A la veille des élections européennes, la polémique avait nourri lacampagne. Qu'en reste-t-il aujourd'hui ? Pour les portiques, seul leconseil général des Alpes-maritimes a décidé d'en acheter trois, quiseront mis à disposition des collèges qui le demandent. C'est laquestion qui a soulevé le plus de protestations. On ne peut pas traiterles écoles comme les aéroports, s'est même insurgée la Peep, secondefédération de parents d'élèves proche du pouvoir. Officiellement, dessortes de «brigades de la paix scolaire» vont êtreconstituées dans les académies pour épauler les équipes confrontées àla violence : il s'agirait de CDD embauchés sur dix mois -surveillants, psychologues, etc. Mais on n'en sait guère plus. Leministère a aussi prévu de distribuer un «Code de la paix scolaire» dansles établissements, rappelant les règles à suivre et les sanctions. Unenouveauté aussi sur le plan juridique : l'agression d'un personnel del'éducation est désormais une circonstance aggravante.

Une agence de remplacement pour les profs

Les lycéens sans prof de maths ou d'anglais pendant des semaines,des enseignantes enceintes dont on n'a pas prévu de remplaçants, c'estl'une des hantises des parents d'élèves. Toujours soucieux de plaireaux familles, Xavier Darcos avait promis de résoudre le problème encréant une agence de remplacement. Il estimait que les enseignantschargés d'effectuer des remplacements - appelés les TZR (titulaires surzone de remplacement) - n'étaient pas utilisés au mieux et qu'il yavait de la perdition dans la machine : par exemple, un TZR nommé surune académie ne pouvait être envoyé dans l'académie voisine, même àquelques kilomètres de chez lui. Géré au niveau central, tout iraitmieux… L'idée paraît enterrée. Luc Chatel vient de charger le directeurdes affaires financières du ministère, à la retraite fin septembre,d'une mission sur la «faisabilité» de cette agence. Lessyndicats, hostiles à cette idée, craignent le recours à du personnelprécaire et dénoncent la suppression de 3 000 emplois de remplaçants àla rentrée.

Le bac pro en trois ans

C'est l'une des rares réformes qui entre en application à cetterentrée : la généralisation du bac professionnel en trois ans. Dans lamajorité des cas, il se préparait en quatre ans : deux ans pour passerun BEP (Brevet de l'enseignement professionnel), puis pour ceux quisouhaitaient continuer, deux ans pour préparer le bac. Afin de «redonner de la dignité» àcette filière méprisée, Xavier Darcos a décidé de l'aligner sur le bacgénéral et le techno qui se préparent en trois ans. Plusieurs syndicatsdénoncent aujourd'hui le fait que contrairement aux promesses, leministère n'a pas ouvert assez de filières de bac pro et que denombreux élèves n'aient pas trouvé de place.