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Rencontres Ste-Cécile

Rencontres Ste-Cécile

Publié le par Florent Albrecht (Source : E. Rallo-Ditche)

Pré-programme des Rencontres Ste Cécile 06

Présencedes dieux à l'opéra

6 - 13 juillet 2006, Aix-en-Provence

Dans unarticle de 1929, Kurt Weill vitupère contre Wagner et contre Strauss : « L'époquedes dieux et des héros est révolue ! ». Révolue ? C'est à voir.Et, pour les participants des Rencontres Sainte-Cécile 2006, la production de la Tétralogie wagnérienne parle festival d'Aix-en-Provence fournit justement l'occasion rêvée de revenir surles enjeux et débats qui ont pu mener à une telle affirmation, et d'en mesurerla pertinence.

Pourquoi, toutd'abord, l'éternel retrait, mais aussi –de Monteverdi à Gluck, de Wagner àStrauss, de Szymanowski à Liebermann- l'éternel retour des dieux sur la scènelyrique ? « Afin que l'état d'âme tragique ne périsse pas »répond Nietzsche. Les dieux reviennent à des époques bien précises quand ils sesentent menacés. Jung parlait du « retour de Wotan », ce grand ventd'irrationnel par lequel les dieux, relégués dans la forêt, venaient prendreleur revanche contre un processus civilisateur imparfaitement accompli. Lanature de cet « état d'âme tragique », cette présence des dieux quela religion ne suffirait pas à combler, que la religion chrétienne a parfoismême refoulée, mais qui devait cependant trouver son espace et sadramaturgie dans un palais adjacent à l'église, au temple ou à lasynagogue –et rival, comme le révèle l'oratorio (cet opéra déguisé) : voilà unpremier enjeu qu'il faudra s'employer à définir. Car pourquoi revenirincessamment aux Anciens pour aller de l'avant ? Quel est ce sacré quecélèbre l'opéra qui –selon Lévi-Strauss- est héritier et continuateur desmythes ? De quel sacrifices et rituels antiques répète-t-il legeste ? Enfin : l'homme honore-t-il vraiment les dieux ou seulementla belle image de sa propre communauté –éventuellement nationale- sublimée par letemps magique de la représentation ?

Car Dieu etles dieux sont rivaux. Mais aussi, dans une Europe travaillée par les rivalitésmimétiques, les dieux du Nord et les dieux du Sud ; les dieux romantiqueset les dieux classiques. Et encore : les dieux et les hommes. « Dieuxvengeurs », « dieux implacables », « dieux justes etbons » ne cesse-t-on d'entendre implorer chez Charpentier, Rameau Berlioz –etmême Verdi. Les dieux exigent d'atroces sacrifices. Mais c'est pour revenir in extremisdeus ex machina et lieto fine-clore le grand cycle de la terreur et de la pitié qu'ils avaient déchaîné(Gluck). C'est que, sur la scène lyrique, la dialectique de l'humain et dudivin est particulièrement tendue. Les hommes ont un désir de divinité qui lesconsume (certains Haendel), cependant que les dieux se mettent à rêver demétamorphose et de finitude (Wagner, Strauss). Parfois, enfin, les dieux seretirent dans les cintres de l'opéra et s'opposent par médiateurs interposés.Démons, diables, esprits, anges, prophètes, prêtres, pythies, inquisiteurs,oracles, ermites : riche est le personnel « religieux » sur lascène lyrique pour faire souffler le vent de l'au-delà, de l'irrationnel, dufantastique. Multiples et complexes, ainsi que le rappellent les travauxpsychanalytiques de M. Poizat, les possibilités de lui donner un corps, unevoix, un chant. Et durable, sous la coupole où chantent les anges purs etradieux, dans la fosse où s'étreignent les génies de la luxure, cetteopposition archétypale entre le saint fanatique et la prostituée repentante(Meyerbeer, Gounod, Massenet).

Cetantagonisme se reporte sur l'opéra comme lieu et comme pratique. Avec sanostalgie de l'amphithéâtre antique et du mystère médiéval, l'opéra est-il untemple sacré qui se prendrait un peu trop au sérieux, ou, avec ses bustesimpérieux et son poids de références érudites, un manuel de haute culture, etencore, avec ses idoles à la feuille d'or et ses statues de stuc (Apollon qui protègedes fantômes dans le roman de Gaston Leroux), un hôtel bourgeois qui necélèbrerait rien d'autre que le plaisir –et la société de luxe et d'argent quiva avec ? Car la débauche de machineries merveilleuses qui meuvent lemicrocosme de l'opéra, ne dit rien d'autre que cela : l'homme démiurge quis'amuse –mais s'amuse seulement- à se prendre pour un dieu et à imiter le jeude la nature. Et que dire de l'extase lyrique, et du culte maladif etpittoresque dont jouissent, depuis quatre siècles, nos -bien nommés- divos et divas ? Enfin, de cette ambiguïté fondamentale de l'opéra découlentdeux questions capitales : face aux dieux, qu'ils soient vrais oucontrefaits, faut-il rire (Offenbach) ou frémir (Schönberg) ? Et, sur scène etselon nos propres convictions à propos de la sempiternelle question de la« mort de dieu » et du « crépuscule des idoles » : faut-illes voir ou les suggérer, les glorifier ou les ridiculiser (cf. la scénographiewagnérienne, de Wieland à Konwitschny, en passant par Chéreau, Kupfer, Wilsonet bien d'autres) ? On le voit : c'est par l'approche interdisciplinaire seule(mêlant psychanalyse, anthropologie, philosophie, sociologie, mais aussihistoire culturelle, littérature, musicologie et dramaturgie) que les participantsaux Rencontres Sainte-Cécile 2006 pourront comprendre pourquoi, à l'opéra, « dulever au baisser du rideau, tout se meut sur le mode orageux du sacré, sansrelâche, parmi les relents de bazar mêlés au ferraillement d'automates àquelques sous. » (M. Leiris).



Conférences:

Les conférences ont lieu lematin

JeanMolino Musique et sacré

Christian Merlin Wagner

Pierre Flinois Wagner, mise en scène

Jean-Claude Yon Offenbach 

Fabio Vittorini Les dieux de Verdi

Ernesto Napolitano Mozart  La Flûte

Séminaires:

Les séminaires ont lieul'après-midi

1- TimothéePicard « Présence des dieux à l'opéra »

2- PaoloRicagno : Orfeo mis en scène (en italien)

3- séminaire en anglais