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Rencontres européennes Edward Bond. Un tragique pour le XXIe s.

Rencontres européennes Edward Bond. Un tragique pour le XXIe s.

Publié le par Marc Escola (Source : jerome hankins)

Appel à communications

 

RENCONTRES EUROPEENNES EDWARD BOND

Un tragique pour le XXIème siècle

 

La logique du théâtre selon Edward Bond —

à la lumière des "TiE Plays"

(pièces pour Theatre-in-Education)

 

 

Pour un colloque international organisé par

le Centre de Recherche en Arts et Esthétique (CRAE), et le Laboratoire "Conflits, Représentations et Dialogues dans l'Univers Anglo-Saxon" (CORPUS),

Université de Picardie Jules Verne (Amiens)

 

En Partenariat avec

l’IRET – Institut de Recherche et d’Etudes théâtrales Paris / Sorbonne Paris III

Maison du Théâtre (Amiens)

Centre Culturel Jacques Tati (Amiens)

-    Compagnie Big Brum (Theatre-in-Education), Grande Bretagne

Compagnie InSite, Hongrie

Compagnie Patio Bondiano (Espagne)

 

Du 8 au 10 novembre 2016

 

Note d’intention scientifique

En nous fondant (non exclusivement) sur les dix pièces écrites par Bond depuis 1994 pour être jouées pour et avec des collégiens et lycéens, les "Rencontres européennes Edward Bond, Paris-Amiens 2016" viseront à explorer, dans un cadre universitaire, mais aussi sur les plateaux et les scènes de théâtre, les outils théoriques et conceptuels — proprement "poétiques" — que Bond forge et met en pratique pour l'art dramatique depuis plus de cinquante ans, en vue de l'urgente et nécessaire ré-invention d'une dramaturgie apte à regarder les yeux dans les yeux notre crise présente (que Bond nomme depuis 2012 la "Troisième Crise" de la culture occidentale).

Ces rencontres qui se dérouleront (c'est essentiel) à part égale dans des théâtres et dans l'Université — et en présence, chaque fois que possible, des jeunes gens impliqués dans les divers projets de création, d'ateliers, de master class — chercheront à cerner les contours de cette nouvelle utilisation de la scène et du tragique telle que la préconise, et la met en œuvre (en "actes"), Edward Bond — une scène et un tragique qui redonnent sa centralité à l'acteur afin qu'il aide le spectateur à retrouver la vue, et à exercer le regard libre de l'imagination.

 

AXES D'EXPLORATION ET DE RECHERCHE

 La naissance de la tragédie selon Bond : définir les critères et les formes du tragique bondien.

À partir de pièces telles que Lear (1971) et La Femme (1978), qui prennent pour personnages principaux ceux de Shakespeare et d'Euripide, ou d'œuvres comme les Pièces de guerre (1983-85) et Dans la compagnie des hommes (1987-88), hantées par les figures de Hamlet et Macbeth, peut-on retracer une évolution synchronique dans la réflexion de Bond sur le tragique ?

La question est de savoir si Edward Bond est parvenu, jusque dans ses pièces les plus récentes — notamment avec Déa (pièce encore inédite, et terminée en 2014, où une Me-dea futuriste, plusieurs fois infanticide, se transforme, sous la pression d'une guerre totale, en Agavé fracassant à coups de pied la tête de son fils décapité), ou avec Les Routes en colère (2014), écrite d'abord pour lycéens (pièce où un fils ne peut apprendre le secret meurtrier de son père — incapable de communiquer avec lui par le langage — que par le biais de coups frappés sur une table, alphabet morse habité par la folie du monde) — si Bond est parvenu, donc, à réaliser le projet de synthèse, plusieurs fois annoncé, qui ferait de nous les "Grecs-Jacobéens", capables de nous retrouver autour d'un théâtre implacablement focalisé sur les situations extrêmes qui nous définissent et nous obligent à définir de nouvelles responsabilités.

À ce titre, une pièce comme Auprès de la mer intérieure (1995), qui constitue la première tentative de Bond d'écriture pour jeunes publics dans leur propre salle de classe, parvient-elle à inventer la forme de fiction tragique adaptée à la question de la représentation/monstration de la Shoah ?

De Sauvés (1964) au Bol affamé (2012), peut-on définir une spécificité, une idiosyncrasie, une forme bondienne spécifique de la tragédie ?

Bond revendique une tâche qui est de raconter et d'explorer la "quatrième histoire" (ou "troisième crise") qui est la nôtre et qui frôle, selon lui, pour la première fois dans l'évolution de l'humanité, l'absence ou la perte de notre Histoire humaine.

Comment définir cette "logique de la tragédie" à laquelle Bond fait si souvent allusion, et qu'il règle sur, ou assimile avec la "logique de l'imagination" propre à l'être humain, et qui permet à celui-ci, justement, de rester humain ou de revendiquer le "droit d'être humain" ?

L'Odyssée de la monade : "l'enfant dramatique" selon Bond.

Dans l'essai central de La Trame cachée : "La Raison d'être du théâtre" (1988), l'enfant et son fonctionnement psychique sont étudiés quasi scientifiquement dans un vaste brassage de réflexions qui mêlent la psychologie, la psychanalyse, les neurosciences (dont la neuropathologie), les sciences de l'éducation[1].

Cette monadologie, librement inspirée de Leibniz, permet à Bond d'élaborer de nombreuses hypothèses et assertions, régulièrement reprises et reformulées, concernant la genèse de la conscience de soi et les fondements de la psyché — hypothèses qui se veulent post-freudienne et post-lacanienne, notamment du point de vue du pessimisme fataliste que Bond lit, par exemple, dans la notion (qu'il conteste) de "pulsion de mort".

Le nouveau-né apparaît, dans les textes théoriques de Bond (de même qu'il apparaît concrètement en tant que "personnage", ou "objet" dans la plupart de ses pièces depuis Sauvés), comme le protagoniste naturellement héroïque, martyr et triomphant d'une titanesque et angoissante odyssée ontologique qui le conduit aux frontières mêmes de l'univers et de la mort.

Depuis le début des années 2000, Bond va même jusqu'à affirmer que le big-bang (ou "singularité") qui "permet au cerveau de devenir entité pensante" est, dès les premières sensations de chaque être humain, l'occasion de penser le plaisir et la douleur en les transformant en "concepts" du Tragique et du Comique, pour en endosser la "responsabilité".

Une telle conception du fonctionnement de l'esprit humain mérite d'être soumise à la réflexion, voire à la critique.

Des outils théoriques pour une nouvelle "Poétique de la scène".

Si l'esthétique bondienne du théâtre se nourrit de références et d'emprunts aux formes esthétiques du passé, et aux esthétiques qu'elles ont permis de fonder, elle manifeste simultanément, et sans doute par rebond, un dynamisme conceptuel imposant qui s'est amplifié dans les années 90, trouvant son accomplissement dans La Trame cachée. L'inventivité terminologique propre à l'écriture théorique de Bond, s'appuyant à la fois sur des images poétiques et des néologismes, paraîtrait défier toute tentative d'analyse et de classification, car les préfaces, les essais, et, de façon croissante, les notices, les entretiens et les articles disséminés dans des revues et des journaux, accompagnés enfin de la masse tentaculaire de la correspondance, publiée ou inédite, formulent sans relâche de nouvelles idées, élaborent de nouveaux principes, tous plus originaux, et parfois déconcertants, les uns que les autres : les définitions et les propositions, les formules et les axiomes se succèdent, se font écho, se corrigent, disparaissant parfois pour ré-émerger sous la forme de nouveaux avatars ; des concepts encore en attente de définition font abruptement irruption, pour appuyer les analyses et les conseils aux metteurs en scène et aux comédiens, avec pour seule éclaircissement la force de suggestion des images ou des métaphores qui les incarnent, afin d'apporter des conseils qu'exige l'urgence des répétitions.

Jaillissement discursif exponentiel d'une pensée audacieuse qui multiplie les références à la science et l'astrophysique contemporaines, aux recherches les plus pointues en matière de neurologie et de génétique, lançant avec une énergie visionnaire les hypothèses et les postulats, entraînant l'observateur au cœur d'un laboratoire esthétique dont les extensions et les chambres secrètes paraissent se multiplier à l'infini.

Bond jongle ainsi avec des concepts philosophiques et même psychanalytiques (le moi, la conscience, la raison, l'imagination…), mais il les inscrit dans des fables ou des récits imprégnés de références bibliques et mythiques. Quand le détournement, ou la transmutation, du lexique philosophique existant ne suffisent pas, Bond propose des néologismes ou des jeux de mots exploitant la polysémie naturelle du langage : c'est le cas de termes élémentaires tels que "centre", "objet" ou "site".

Vu ce recours incessant à la polysémie et au miroitement labile des connotations et des homonymies qui donne sa souplesse acrobatique à la pensée du théoricien-poète, toute tentative d'ouvrir et d'inventorier la "boîte à outils" théâtrale bondienne doit donc louvoyer entre le permanent et le fluide, le stable et le mouvant, le fixe et le flou. Les pièces pour Theatre-in-Education constituent des  précieux instruments de fouille afin de décrire les "outils dramatiques" que sont l'Événement dramatique (Dramatic Event), le "site/situation" ("Site and Situation"), le "Centre-de-la-pièce" ("Play's centre"), l'"Objet invisible" ("Invisible Object"), le Temps-accident ("Accident Time"),  la béance ("gap"), l'"agir" ("enactment") par opposition au jeu de l'acteur traditionnel ("acting")…

Le problème méthodologique est aussi celui du choix de perspective : diachronique ou synchronique ? Pratique ou théorique ?

Bond ne cesse de le dire : il préférerait "montrer" plutôt que "parler", et regrette amèrement de ne pas avoir, comme Brecht, de lieu théâtral propre où mettre en pratique et prouver, dans le concret de la scène, l'utilité de ses concepts. Bond est un homme de plateau : il connaît les caractéristiques de la communication dans l'espace des répétitions et des improvisations ; il faut être, avec l'acteur, d'un pragmatisme discursif qui ne peut trop longtemps se complaire dans la spéculation abstraite et la réflexion intellectuelle.

C'est pourquoi ces Rencontres européennes mobiliseront de manière constante (et militante !) des acteurs et metteurs en scène, des enseignants, des collégiens et des lycéens de toutes provenances pour faire alterner communications universitaires et démonstrations pratiques. Le troisième jour de ces Rencontres sera organisé sous forme d'ateliers ou de Master classes avec divers intervenants, afin de permettre des contacts et des échanges plus directs entre participants.

La création par Jérôme Hankins des pièces Les Enfants et Le Bord (en partenariat avec la Maison du Théâtre et le Centre Culturel Jacques Tati, à Amiens), la présence de metteurs en scène européens (Hongrie, Espagne, Grande Bretagne) qui développent depuis des années un travail approfondi sur les pièces de Bond pour jeunes publics, devraient permettre de cerner les contours contradictoirement précis et "tremblés" de la poétique bondienne, en respectant son énergie toujours projetée en avant, en attente de nouvelles propositions de travail, et de remise en jeu de notre "être-humain".

 

Conditions de présentation des propositions

Sous forme d’un document word comprenant :

-         Titre de la communication

-         Références du ou des auteurs (statut, institution, adresse mail)

-         Résumé en 1500 signes

-         5 mots-clés

-        5 titres de références bibliographiques

-         Prévoir la traduction en anglais du titre, des références du ou des auteurs, du résumé et des mots-clés.

 

Calendrier

Date limite de soumission des propositions à communication :

janvier 2016

Evaluation des propositions par le comité Scientifique : 

31 mars 2016

 

Propositions de communication adressées à :

jeromehankins@gmail.fr

 

Président d'honneur : Rudolf Rach (directeur des éditions de l'Arche)

Comité Scientifique : Jérôme Hankins (MCF Études Théâtrales, UPJV), Camille Fort (Professeur Études anglaises, UPJV), Jean-Louis Estany (directeur de la Maison du Théâtre), Catherine Naugrette (Professeur Études Théâtrales, IET/Sorbonne Nouvelle, Paris III)

 

Comité d’organisation et comité de lecture pour la publication (en cours de constitution) : Christophe Bident (Professeur Études Théâtrales/Directeur de l'UFR des Arts, UPJV), Arlette Meunier (MCF Sciences de l'éducation), Étienne Desjonquères (directeur du Centre Culturel Jacques Tati)

 

Conditions de remise des textes des auteurs sélectionnés et conditions de mise en forme de ces textes

Sous forme d’un document Word

Remise fin juin 2016

Texte de 30 000 signes y compris les espaces avec 5 illustrations maximum en noir et blanc ou en couleur et une bibliographie de 30 titres maximum placés à la fin du texte.

 

 

[1] The Hidden Plot: Notes on Theatre and the State, Londres : Methuen, 2000 (traduction : La Trame cachée, Paris : L'Arche, 2003)