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Relations familiales entre générations sur les scènes européennes (1750-1850)

Relations familiales entre générations sur les scènes européennes (1750-1850)

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Françoise Le Borgne - Fanny Platelle)

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Relationsfamiliales entre générations sur les scènes européennes

1750-1850

CELIS – équipe « Lumières etromantisme »

Clermont-Ferrand

16, 17 et 18 juin2011

Appel à communication

Comitéd'organisation : Françoise LeBorgne, Maître de conférences en littérature française à l'Université BlaisePascal (Clermont-Ferrand II) etFanny Platelle, Maître de conférences en langue et littérature germaniques àl'Université Blaise Pascal.

Comitéscientifique : Pierre Degott,Professeur de langue et littérature anglaises à l'université de PaulVerlaine-Metz, Paola Roman, Maître de conférences en langue et littératureitaliennes à l'Université Blaise Pascal, Stéphanie Urdician, Maître deconférences en langue et littérature espagnoles à l'Université Blaise Pascal.

Aristote placeau fondement du théâtre occidental le conflit familial : d'après LaPoétique, la tragédie ne peut susciterterreur et pitié qu'en mettant en scène la rupture des alliances naturelles etsociales, « par exemple le meurtre, ou quelque chose de semblable, quel'on projette ou que l'on exécute, d'un frère contre un frère, d'un fils contreun père, d'une mère contre un fils ou d'un fils contre une mère » (Poétique, 14). La comédie suscite également, dès l'antiquité,un « rire tendancieux » en orchestrant la rivalité amoureuse du pèreet du fils et, plus généralement, un conflit d'intérêt entre générations.Omniprésent dans la tragédie et la comédie, la perte du lien familial – suite àla disparition des parents, à l'abandon ou au rapt des enfants – ménage desscènes de reconnaissance opportunes ou terrifiantes.

Ledix-huitième siècle hérite de cette tradition, réactivée par le théâtreélisabéthain et, à l'époque classique, par les principaux auteurs tragiques(Corneille, Racine, Crébillon père, Voltaire...) et comiques (Molière). Maisvers le milieu du siècle se met en place, en France comme en Allemagne et enItalie, une dramaturgie nouvelle, vouée à la représentation édifiante de la viefamiliale bourgeoise. Ainsi Louis-Sébastien Mercier, dans Du Théâtre, présente le drame non plus comme une « actionforcée, rapide, extrême » mais comme « un beau moment de la viehumaine, qui révèle l'intérieur d'une famille, où sans négliger les grands traitson recueille précieusement les détails. » Dans ce contexte, la crisefamiliale vient mettre en évidence le dévouement absolu des pères et des mèresde famille, chez qui s'exprime le pouvoir socialisant d'une morale naturelle, ouillustre, dans la tragédie bourgeoise de Lessing et Schiller, l'antagonisme desvaleurs bourgeoises et aristocratiques. Denouveaux types dramatiques – grands-parents, adolescents, mère allaitante,parents adoptifs – font leur apparition sur les planches de ce théâtre desLumières et le théâtre d'éducation renchérit sur cette exaltation des vertusfamiliales. Carlo Goldoni fait également de la représentation des relationsfamiliales l'un des piliers de sa réforme tout en mettant en évidence lecaractère oppressif du rapport père/enfants.

On peut eneffet s'interroger sur les dérives perverses et la violence refoulée derrièreces tableaux idylliques, telles qu'elles apparaissent dans certains drames (quiorchestrent à plaisir la malédiction du fils par le père, l'écrasement sadiquede la mère coupable ou le sacrifice social de la fille, monnayée par lafamille), dans l'exaltation mélodramatique de la persécution ou dans lafascination croissante exercée par le théâtre shakespearien, adapté ou traduitde plus en plus fidèlement sur toutes les scènes européennes.

La violence etla perversité familiales, omniprésentes dans le théâtre du Sturm und Drang ou dans les tragédies italiennes de Vittorio Alfieri(Bruto Minore, Mira) ou de Giovanni de Gamerra (La Madrecolpevole) qui réactualisent sur scène des thématiques tellesque la rébellion des fils contre les pères ou l'infanticide par exemple, fontouvertement retour dans le drame romantique. La bâtardise des héros de Dumascomme Antony ou Richard Darlington, la perversité des parents abusifs ouincestueux (Lucrèce Borgia deHugo, Marie de Bourgogne dans La Tour de Nesle de Dumas), leur impuissance (Le Rois'amuse de Victor Hugo repris dans le Rigolettode Verdi), le conflit père/fils ou latrahison des enfants (Lorenzaccio deMusset, Adelchi de Manzoni ou DonCarlo de Verdi, adaptation du DonCarlos de Schiller) vient thématiser lesangoisses d'une jeunesse romantique en rupture de ban, privée de repères etincapable de s'inscrire dans une filiation et une continuité historiques. Lacrise familiale permet ainsi de mettre en scène la quête d'identitéindividuelle et le conflit du moi et de l'ordre social, particulièrement âpredans des sociétés conservatrices comme la société espagnole dont les drames secristallisent autour de problématiques théologiques (Don Alvaro o lafuerza del destino du Duque de Rivas,adapté dans le livret de La Force du destin de Verdi) ou de principes archaïques (la question del'honneur familial, héritée du Siècle d'Or, dans le Don Juan Teorio de José Zorrilla).

A l'inverse,la famille peut aussi apparaître comme un idéal et un refuge après lesbouleversements de la période révolutionnaire et napoléonienne et larestauration d'un ordre conservateur, comme on le voit en Allemagne et enAutriche à l'époque dite « Biedermeier » (Grillparzer, théâtrepopulaire viennois jusqu'aux années 1830).

Ce colloquenous conduira ainsi à envisager à l'échelle européenne les différents enjeux dela mise en scène de configurations intergénérationnelles au sein de la familleentre Lumières et romantisme. Plusieurs pistes pourront être envisagées :

- la prégnance et latransgression des scénarios archaïques (rivalité du père et du fils,autoritarisme paternel, violence maternelle, désirs incestueux, trahisonfiliale...) : comment ces motifs sont-ils réinvestis dans les répertoiresde la deuxième moitié du XVIIIe siècle et de la première moitié duXIXe ? Quelle est leur signification dans des sociétés où lesrepères politiques, religieux et sociaux sont mis à l'épreuve et où émergent –ou non – de nouveaux modèles familiaux ?

- l'apparition surscène de nouveaux personnages et de nouvelles thématiques familiales :quelles en sont les manifestations, y compris scéniques (pantomimes, acteurs,costumes...) ? En quoi accompagnent-elles une évolution desmentalités ? Quelle est la fonction de ces représentations et que nousapprennent-elles quant aux fins assignées à l'époque aux genres dramatiquesconcernés ?

- le traitementgénérique des motifs intergénérationnels et plus particulièrement, laquestion des registres : certains genres sont-ils plus particulièrementdévolus au traitement des problématiques familiales ? En quoi cettespécialisation influe-t-elle sur leur esthétique ? A quoi tient ladifférence de traitement que la tragédie, l'opéra, le drame, la comédie,l'opéra-comique, la parodie, etc. proposent d'un même topos dramatique ?

Les communications se feronten français. Les propositions (2000 signes environ) sont à envoyer avant le 15décembre 2010 à Françoise Le Borgne (flb75@yahoo.fr)et Fanny Platelle (ou à Siham Olivier, CELIS, équipeLumières et romantisme, Maison des Sciences de l'Homme, 4, rue Ledru, F-63057Clermont-Ferrand cedex 1. Tel : 04 73 34 68 44.