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Regrets, Repenirs, Rédemption

Regrets, Repenirs, Rédemption

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Marc Rolland)

Symposium pluridisciplinaire CERCLE Laboratoire HLLI

Organisateurs : Bénédicte Brémard, Marc Rolland

Regrets, Repentirs, Rédemption Université du Littoral-Côte d'Opale (Boulogne-sur-Mer)

 

12, 13 et 14 mars 2008

«J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans… » l’histoire d’une vie, à plus forte raison celle d’une collectivité ou d’une nation, est marquée par la conscience aiguë de ce qui est, a été, de ce qui aurait pu, aurait dû être. Plus l’éventail de choix s’ouvre à nous, plus il y a d’occasions de déplorer ceux qu’on a effectués, de regretter ceux qu’on a laissés passer. La liberté de choisir – que les sociétés occidentales érigent en valeur suprême – est donc indissociable de l’insatisfaction, voire de regrets ou de remords. « Pouvons-nous étouffer l'implacable Remords? », se demande le Poète. Vauvenargues, quant à lui, distingue trois sentiments : « Le regret consiste dans le sentiment de quelque perte ; le repentir, dans celui d'une faute ; le remords, dans celui d'un crime et la crainte du châtiment. » Mais le repentir est aussi au coeur de l'acte de création artistique. Rares sont ceux qui tracent les lignes de leur vie de la main ferme du calligraphe, dont la plume ne s’attarde jamais un instant de trop au contact du papier et dont les traits sont sans repentir. Le sens pictural du terme a inspiré plus d'une trame romanesque à succès, tel Le Tableau du maître flamand d'Arturo Pérez-Reverte. L’être humain se définissant comme un animal doué non seulement de déraison mais aussi de morale, ses choix, ou ses absences de choix, peuvent aussi nourrir postérieurement une culpabilité à titre individuel ou collectif. Même dans son expression individuelle, le repentir n'est pas nécessairement limité à une dimension intime : on songera par exemple à l'autobiographie, sorte de confession publique. Depuis quelque temps, on rencontre fréquemment le terme de repentance, sorte d’exorcisme collectif censé atténuer la brûlure de forfaits anciens tant chez les successeurs des responsables (en quête de rédemption et dans la crainte de la pénitence) que chez les descendants des victimes. Besoin moral, indispensable à l’établissement de relations saines et dépassionnées, à une réconciliation durable? (On pourra penser à l'Espagne actuelle qui n'a de cesse de remettre en question le « pacte de l'oubli » de la Transition démocratique.) Effets d’une judiciarisation accrue de nos sociétés – se repentir n’est-ce pas aussi se dédouaner ? Au risque d’offrir à la victime ainsi qu’à ses descendants un chèque en blanc ? Est-ce un signe de force, un signe de faiblesse ? Les sociétés humaines marquées par une forte cohésion – l’assabiya, ou esprit de groupe cher à l’historien Ibn Khaldûn – ont du mal à reconnaître ce type de culpabilité. Se repentir, pour l’individu ou la collectivité, est-ce un signe de force, permettant d’aller de l’avant, ou une faiblesse, la culpabilisation paralysante prenant le pas sur la force morale ? Se repentir conduit-il invariablement à la réparation, d’une faute ou d’une erreur, par le rétablissement du statu quo ante, avant que le crime ou le désordre n’aient bouleversé l’harmonie initiale ? Et que dire, alors, de la notion de rachat, autrement dit, stricto sensu, de rédemption ? Aussi pourra-t-on s’interroger sur la figure du Rédempteur – ce héros sacrificiel, venu du fond des âges, qui rétablit ce qui doit être, ce qui a été perdu, ce Rédempteur dont on peut attendre le Retour, s’incarnant avec une persistance indéniable dans les littératures et le cinéma populaire. On songe, bien entendu, à Jésus-Christ, rachetant le genre humain par ses actions et surtout par sa mort, les actes et les paroles ne suffisant pas. Tout héros du sacrifice est-il, pour autant, rédempteur ? Le roi Arthur, lavant par sa mort les désordres du Royaume de Logres, le général Custer « mort pour les péchés » de l’Amérique blanche selon l’expression célèbre de Dee Brown (Custer Died for Your Sins) ; dans la martyrologie chiite, l’Imam Husain, mort à Kerbala sous les coups de la soldatesque ommeyade, est-il Rédempteur ou, tout simplement, « Martyr d'un chemin mauvais »? Finalement, on pourra faire la différence entre la rédemption/expiation de ses propres péchés, collectifs ou individuels (la Chapelle expiatoire, élevée sous la Restauration pour expier l’assassinat de la famille royale), ou quand le légionnaire du Premier REC, « frappé d’une balle », chante « toutes mes fautes je les ai expiées », et l’acte de rachat du Rédempteur innocent qui offre sa vie pour les autres. On s'interrogera également sur les connotations de certains termes, qui diffèrent parfois d'une langue à l'autre. Il en va ainsi de l'aspect mercantile du rachat, dénoncé par Paul Valéry : « Tu souffres, donc tu payes. Tu achètes, tu rachètes. Étrange commerce. Cette idée naquit donc après le commerce, et parmi des peuplades mercantiles. » Ce symposium s'inscrira donc dans la continuité du travail pluridisciplinaire mené en mars 2007 sur «Âges d'or, décadence, nostalgie », avec toutefois le souhait d’ouvrir notre réflexion à de nouveaux participants.

 

Les propositions sont à envoyer avant le 15 décembre 2007 à garryowen@wanadoo.fr et Benedicte.Bremard@univ-littoral.fr, sous forme d’un résumé d’une dizaine de lignes accompagné d’un bref curriculum.

  • Responsable :
    Marc Rolland
  • Adresse :
    Université du Littoral, Boulogne sur Mer, Centre du Musée