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Regards sur l'enfance au XVIIe siècle

Regards sur l'enfance au XVIIe siècle

Publié le par Sophie Rabau (Source : Denis LOPEZ)

Regards sur l'enfance au XVIIe siècle
(des années 1590 aux années 1720)

Université Michel de Montaigne Bordeaux 3,

24-25 novembre 2005


Le Centre de recherches sur le XVIIème siècle européen organise à Bordeaux, les 24 et 25 novembre 2005, un colloque interdisciplinaire sur l'enfance au XVIIe siècle.

L'histoire de l'enfance à l'époque moderne a en effet longtemps été dominée en France par la figure tutélaire de Philippe Ariès et par son ouvrage, L'enfant et la vie familiale sous l'Ancien Régime (1960). Les théories et les intuitions d'Ariès ont été rapidement discutées, voire contestées et, après une période de latence, un renouveau des recherches sur l'enfance, du Moyen-Age à l'époque contemporaine, s'est manifesté depuis une quinzaine d'années.

En histoire, des recherches approfondies ont été menées, des synthèses existent : les études démographiques restent majoritaires, et l'intérêt s'est parallèlement porté sur les institutions d'assistance et d'éducation. Pour ce qui est du rapport entre les adultes et les enfants, les études se sont surtout resserrées sur l'évolution des relations d'autorité entre le père et les autres membres de la famille. Par ailleurs, le XVIIIème siècle, que Philippe Ariès désignait, à la suite de bien des observateurs, comme l'époque d'une transformation fondamentale de la perception de l'enfance, reste la période la plus scrutée laissant dans une ombre relative un long XVIIème siècle, période s'étendant de la fin des guerres de religion jusqu'aux années 1720.

Dans le domaine de l'art, les travaux actuels montrent une présence importante des personnages d'enfants, qui contraste avec leur relative mise à l'écart du champ social, ce que reflète leur faible place dans la littérature. Sous l'effet conjugué d'une tradition aristocratique (portraits d'enfants de famille noble), d'une tradition religieuse très prégnante (enfants-Jésus, petits anges) et d'une imprégnation mythologique au quotidien (putti, petits amours), l'enfant est partout : dans la peinture d'histoire, les scènes de genre, la statuaire, les arts décoratifs, la tapisserie

Dans le domaine littéraire, la plupart des travaux mettent en valeur non pas l'enfant lui-même ou l'enfance, mais l'usage que font les adultes de l'image de l'enfant, et pour cause : la représentation passe par la médiation de l'artiste adulte, sauf exception notable. Les récits d'enfance sont rétrospectifs ou imaginaires, et relèvent de la même distance. On a perçu déjà comment l'esprit d'enfance a envahi une époque, dans un environnement philosophique, socio-politique et religieux spécifique, quelle conséquence cela a pu avoir sur la promotion des genres littéraires humbles, fables, contes, sur les styles utilisés, faussement puérils, pleinement lettrés. De récents colloques ont posé précisément la question de la littérature pour enfants, contestant qu'elle puisse déjà exister, de la littérature narrative sur l'enfance, qui ne retient apparemment de l'enfant que les signes précurseurs de son devenir, tandis que les éducateurs se pencheraient sur lui principalement pour corriger les vices et les imperfections de son âge. Des études ont montré cependant combien on investit sur l'enfant en infusant de larges pans de science ancienne et nouvelle dans le domaine éducatif. Mais une paideia décalée et a-pédagogique a pu aboutir à faire en vain de l'enfant un savant lettré avant même qu'il ait appris à penser. Partout les adultes semblent pleinement impliqués et semblent tirer l'enfance à eux.

D'où le titre proposé pour le colloque annoncé :

Regards sur l'enfance au XVIIème siècle.

Dans une démarche conjointe les historiens, les littéraires, les historiens de l'art qui participeront à ce colloque chercheront à faire le point sur l'état des recherches en la matière, quarante-cinq ans après Ariès. Les catégories que proposait l'illustre précurseur restent en effet très prégnantes : le sentiment de l'enfance (âges de la vie, découverte de l'enfance, l'habit, les jeux, de l'impudeur à l'innocence), la vie scolastique (l'école, le collège, l'origine des classes scolaires, les âges des écoliers, la discipline, la durée de l'enfance), la famille (images de la famille, la famille moderne, famille et sociabilité). Mais ces thématiques peuvent se recomposer, se répartir différemment, s'éclairer d'études nouvelles, se compléter de champs peu exploités, particulièrement du champ littéraire, que l'on cherchera à croiser avec les données historiques et artistiques.

Trois axes d'étude favoriseront ces rapprochements.

En premier lieu seront abordés les âges et les formes de l'enfance. La sortie de la petite enfance, l'âge de raison ou encore la puberté sont des moments particuliers de l'enfance, des temps de passage, qu'évoque une grande variété de sources. Au-delà des frontières biologiques des âges, frontières souvent problématiques, on ne s'interdira pas de préciser, au regard des études existantes, comment se manifeste chez l'adulte « l'esprit d'enfance », dans les domaines pouvant toucher à la spiritualité, à la culture, aux lettres, aux arts et aux divertissements. Une place particulière sera faite aux enfances singulières qui amènent le jeune individu à dépasser ou à transgresser les limites généralement assignées à son âge : l'enfant roi ; l'enfant prodige, intellectuel ou musical, figure emblématique du XVIIIème siècle finissant et surtout du XIXème siècle, mais qui trouve ses racines au coeur de l'époque moderne ; l'enfant captif, aux mains des Barbaresques ou des « sauvages » d'une Amérique du Nord en cours d'exploration ; l'enfant bâtard dont le statut juridique et familial se transforme sous l'effet des Réformes protestante et catholique.

Le deuxième axe d'étude tournera autour de l'éducation des enfants. On insistera sur les réalités que recouvre l'expression anglo-saxonne child-rearing. L'accent sera mis sur la transmission des valeurs ou de la mémoire familiales ou encore sur la structuration de la personnalité de l'enfant et, pour cela, sera privilégiée l'étude des rapports entre les adultes (et pas seulement les parents) et les enfants au sein de l'espace domestique. En dehors du cercle familial, on s'intéressera moins aux établissements éducatifs dans leurs aspects institutionnels, souvent assez connus, qu'aux méthodes pédagogiques employées et aux contenus véhiculés. L'usage des instruments de l'éducation pourra ainsi être étudié, ou réétudié : les programmes scolaires, les lectures personnelles, souvent prohibées, mais pratiquées (comme la littérature contemporaine, surtout romanesque), les livres d'emblèmes, les fables, les contes, la littérature morale en général, le théâtre au collège, la pratique de l'éloquence Une place pourra être faite, dans la perspective de l'« institution » des enfants, aux chansons, aux comptines, aux objets qui leur étaient spécifiquement destinés (en particulier les jouets). On s'intéressera aussi à la diversité des éducations spécialisées selon le rang l'éducation des princes , selon les milieux sociaux, la religion, la profession, le sexe...

Le troisième axe évoluera autour d'une forme, le récit d'enfance, quelle que soit sa nature (historique, littéraire, pictural). Les adultes en sont généralement les auteurs. Il peut s'agir du regard distancié du mémorialiste ou de l'autobiographe, de la construction romancée des « enfances » des héros, dans les oeuvres romanesques, semi-biographiques ou non, des larges reconstitutions des épopées, des rapides trajectoires exprimées dans les contes, où pourtant l'absence, la naissance, l'enlèvement d'un enfant sont autant d'événements déterminants, des interminables détails des « journaux », des expériences transposées dans les lettres. Il peut s'agir également des scènes peintes édifiantes, des scènes de genre Quelle place les enfants y occupent-ils ? Quelles fonctions leur sont dévolues ? Comment approchons-nous ces oeuvres et ces témoignages ? Les spécialistes pourront confronter leurs méthodes et chercher à affiner, au vu des progrès de la recherche, l'idée que nous pouvons nous faire de la représentation de l'enfance au XVIIème siècle, en relation dynamique avec les réalités historiques. Des croisements sont obligatoirement attendus avec les deux premières approches, exposées plus haut, qui partent de phénomènes sociétaux et y intégrent leurs figurations. Cette inversion d'optique qui organise le point de vue à partir des formes artistiques et des transpositions, mais qui ont l'histoire, les realia et la culture en fond de tableau, devrait favoriser les validations venues des superpositions et des croisements.


Pour toutes précisions, contacter les organisateurs du colloque, cosignataires de cette présentation. Les propositions de communication sont à leur soumettre :

avant le 15 février 2005


· Anne Defrance (Bordeaux 3, lettres), anne.defrance@u-bordeaux3.fr
· Denis Lopez (Bordeaux 3, lettres), denis.lopez@u-bordeaux3.fr
· François-Joseph Ruggiu (Bordeaux 3, histoire), francois-joseph.ruggiu@paris4.sorbonne.fr




Centre de recherches sur le dix-septième siècle européen
Directuer : Charles Mazouer
Université Michel de Montaigne Bordeaux 3, UFR de Lettres
Domaine universitaire, 33607 Pessac, France
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