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L’adaptation de la littérature au cinéma égyptien : nouvelles perspectives (revue Regards)

L’adaptation de la littérature au cinéma égyptien : nouvelles perspectives (revue Regards)

Publié le par Marc Escola (Source : Toufic El-Khoury)

Regards. Revue des arts du spectacle

L’adaptation de la littérature au cinéma égyptien : nouvelles perspectives

 

 

Dans la diversité des rapports entre littérature et cinémas arabes, l’adaptation est un phénomène majeur. À cause d’une longue histoire commencée en 1896, d’une industrie nationale solide née au début des années 30, et d’un vaste marché rentabilisant l’exploitation cinématographique, le septième art égyptien s’est largement diffusé dans tout l’espace arabophone. L’adaptation de la littérature a joué un rôle considérable dans l'expansion de ce cinéma, avec un grand nombre d’adaptations d’œuvres et de motifs littéraires d’origines arabes ou occidentales.

Comment le dialogue entre le cinéma égyptien et ses littératures s’est-il engagé ? Et quel rôle a joué l’adaptation dans ces échanges ?

La recherche contemporaine sur l’adaptation n’est plus prisonnière de la question de fidélité du film à son origine littéraire et de ses critères normatifs. L’adaptation est considérée moins comme une traduction des mots en images qu’une création engagée avec un matériau différent. Cette approche sémiotique informe les travaux de Christian Metz et de Francis Vanoye, par exemple, qui se penchent sur le caractère propre des systèmes de signification littéraires et cinématographiques. Ainsi, le sens produit par le mot écrit est forcément différent du sens produit par la conjugaison du mot, du son et de l’image réunis dans le film. Aussi les études sur l’adaptation se concentrent-elles sur l’analyse des transformations sémiotiques que subit un film comparé à son origine littéraire.

De nouvelles approches de l’adaptation envisagent cette pratique comme un phénomène de réécriture : le film, comme palimpseste, se pose sur l’œuvre littéraire pour écrire dessus, retracer ses contours, remplir ses vides, nuancer ses lignes. Dans cette vision propulsée par Marie-Claire Ropars-Wuilleumier, les rapports entre œuvre littéraire et film sont saisis en termes d’intertextualité. Une autre approche est proposée par Michel Serceau qui considère l’adaptation comme un mode de réception et une opération de transfert culturel. Le film devient une lecture/interprétation de l’œuvre littéraire

1-Adapter, égyptianiser, moderniser :

L’adaptation au début du XXe siècle est l’un des modèles de transfert de la modernité adoptés par le monde arabe. Adapter les œuvres littéraires occidentales au cinéma dès les années 30, était une garantie de la valeur esthétique et une caution confirmant la modernité, le réalisme et la crédibilité éthique et sociale d’un film.

Entre 1930 et 1950, le cinéma égyptien recourait essentiellement aux sources anglophones et françaises, quand il adaptait des œuvres littéraires, sans compter les cas où les cinéastes s’inspiraient seulement de ces sources-là. Depuis 1960, la plupart des films égyptiens adaptés de sources étrangères sont tirés de films américains. Ce schéma reflète sans doute l’évolution de l’hégémonie culturelle occidentale sur l’Égypte. Par ailleurs, la baisse de l’influence des sources littéraires occidentales sur les adaptations égyptiennes est également due à l’augmentation d’adaptations cinématographiques de romans égyptiens depuis la fin de la deuxième guerre mondiale.

-Une poétique de l’adaptation est-elle possible? Comment comprendre les altérations du sens, l’intertextualité, les effets du changement de système sémiotiques d’un médium à l’autre dans l’adaptation et le remake?

-Quels sont les effets culturels engendrés l’adaptation? Celle-ci est-elle un transfert qui opère une appropriation de récits occidentaux et des valeurs socio-culturelles de la modernité?

-Dans la perspective d’études d’adaptations comparées, quelles sont les fortunes des œuvres littéraires égyptiennes et occidentales adaptées par le cinéma égyptien et comment celui-ci produit-il du sens à partir de la littérature?

2 - Réalisme et cinéma :

Depuis la révolution républicaine de 1952, l’influence de la littérature occidentale sur le cinéma égyptien s’est affaiblie, cédant la place à la littérature arabe.  Il était largement admis que le cinéma s’approche davantage du réalisme et devienne de qualité artistique et culturelle supérieures, à mesure qu’il s’appuie sur la littérature ‘nationale’. Mais dès 1980, la littérature - qu’elle fût occidentale ou arabe - a perdu son influence comme source du cinéma égyptien. Le phénomène accompagnait la montée du discours sur le réalisme cinématographique comme engagement direct avec le ‘réel’ sans la médiation de la littérature.

- La médiation par la littérature réaliste pour produire un réalisme cinématographique permet-elle de mieux saisir le réel, ou produit-elle un genre artistique distinct dit « réalisme »?

-Comment se déploie l’adaptation comme phénomène transmédiatique : du roman, au théâtre, à l’écran (cinématographique ou télévisuel)? Comment la télévision donne-t-elle une nouvelle vie à des romans non commerciaux, tels que ceux de Sonallah Ibrahim?

3 - Cinéma d’auteur et nouveaux romans

Avec les années 1970 et 1980 surviennent de nouvelles générations d’écrivains et de cinéastes rebelles, révoltés contre les traditions littéraires et cinématographiques et ouverts à l’expérimentation. L’émergence d’une littérature nouvelle est parallèle à celle d’un cinéma d’auteur qui se détourne de l’adaptation et cherche à acquérir un statut artistique indépendant. Les cinéastes créent de nouveaux modèles d’adaptation pour pallier les difficultés que pose la transposition à l’écran d’œuvres romanesques qui mettent en crise le récit et contestent les valeurs admises et les discours dominants.

Les années 1990 et 2000 témoignent d’une transformation de la scène littéraire. Désormais les romans cultivent les effets émotionnels et retournent à une écriture du plaisir. Ainsi, les romans bestellers passent à l’écran et rencontrent de grands succès publics et internationaux. Dans cet ensemble, l’adaptation semble vouloir exploiter un mouvement littéraire de bestseller où films et romans interagissent dans des processus complexes de concurrence et parfois de complémentarité qui abolissent les visions hiérarchiques les ayant souvent séparés.

-Comment l’adaptation s’accommode-t-elle de la loi du marché : le bestseller littéraire et le star-système déterminent-ils la forme et l’effet de l’adaptation? Quel effet sur le cinéma ont-eu les romans populaires les mieux vendus?

-Historiquement, cette loi a-t-elle favorisé l’adaptation de certains auteurs plutôt que d’autres au cinéma, comme à la télévision?

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Modalités de soumission

Les chercheurs désireux de soumettre un article (en français, anglais ou arabe) sont invités à l’envoyer à l’adresse suivante : regards@usj.edu.lb, avant le 20 novembre 2020.

Le message doit comporter:

  • Le résumé (abstract) de l’article (approx. 500 mots).
  • Les Mots-clés.
  • L’article (approx. 4000-4500 mots)
  • Une notice bio-bibliographique (approx. 100 mots).

Les articles seront examinés par le comité de rédaction, et les auteurs recevront une réponse avant le 30 décembre 2020.

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Comité scientifique

La revue Regards est dotée d’un comité scientifique tournant, nommé pour trois ans, ainsi que d’un comité de lecture international. Le comité scientifique est composé des membres suivants :

  • Hamid Aidouni, PR (Université Abdelmalek Essaadi, Maroc)
  • Karl Akiki, MCF (Université Saint-Joseph de Beyrouth, Liban)
  • Riccardo Bocco, PR (Graduate Institute of International and Development Studies Genève, IHEID, Suisse)
  • Fabien Boully, MCF (Université Paris Nanterre, France)
  • André Habib, PR (Université de Montréal, Canada)
  • Dalia Mostafa, MCF (University of Manchester, Angleterre)
  • José Moure, PR (Université Paris Panthéon Sorbonne – Paris 1, France)
  • Jacqueline Nacache, PR (Université Paris Diderot – Paris 7, France)
  • Ghada Sayegh, MCF (IESAV, Université Saint-Joseph de Beyrouth, Liban)
  • Kirsten Scheid, Associate PR (American University of Beirut, Liban)

Rédacteur en chef : Joseph Korkmaz, PR (Université Saint-Joseph de Beyrouth, Liban)

Directeurs du dossier thématique : Walid El Khachab (Université York / Toronto) Salma Mobarak (Université du Caire)