Questions de société

"Réformes Darcos et Pécresse : le recul mot à mot", par Véronique Soulé (Libération, 04/03)

Publié le par Florian Pennanech

Commenttrouver les mots pour ne pas le dire… Deux ministres - Xavier Darcos àl'Education nationale et Valérie Pécresse à l'Enseignement supérieur -viennent de se livrer à l'exercice : contraints de suspendre leurréforme, ils ont tenté de faire croire qu'ils ne reculaient pas, touten reculant. La palme de la tergiversation revient à Valérie Pécresse.Elle s'est battue jusqu'au bout à coup de circonvolutions, avantd'avouer, vendredi, que son décret sur le statut desenseignants-chercheurs serait tout bonnement « réécrit ».

« Conservatismes ». Lestemps sont durs pour les ministres zélés. Chacun dans leur style -pressé et parfois brutal pour Xavier Darcos, pressé mais plus policépour Valérie Pécresse -, tous deux ont voulu mettre en oeuvre au plusvite les réformes voulues par Nicolas Sarkozy. Certaines sont passées,non sans mal. Mais d'autres ont buté face aux protestations. Et cen'est pas facile d'avouer que l'on doit céder lorsque l'on est sûrd'avoir raison face aux « conservatismes » (Xavier Darcos) ouconvaincue de « moderniser » une université abandonnée depuis vingt ans(Valérie Pécresse).

« Charte ». La ministrede l'Enseignement supérieur a mis un certain temps à mesurer l'ampleurde la contestation. Alors que la grève s'étend en janvier dans lesuniversités, elle ne parle que de « donner des garanties » et de« rassurer » les enseignants-chercheurs. « Le retrait du texte[réformant leur statut] serait un recul considérable », assène-t-elleencore le 3 février.

Au mieux, elle concède qu'il faudrait mettre au pointune « charte de bonne application » avec les présidents d'université.Le but étant toujours de « rassurer » les enseignants-chercheurs quis'inquiètent de leur toute puissance.

Mais des dizaines de milliers d'universitaires défilentdans toute la France. La ministre parle alors de « réexaminer » ou de« retravailler » le texte. Le 9 février, elle nomme une médiatrice,Claire Bazy-Malaurie. « Il me revient d'essayer de construire un textenouveau qui sera probablement quand même sur les bases du texte actuel,avec des aménagements », déclare la médiatrice le 11 février en lançantsa mission. Le texte est de facto enterré. Mais l'heure n'est pasencore à la transparence.

« Caduc ». Le 15 février,Valérie Pécresse atteint des sommets rhétoriques. Le Snesup-FSU,premier syndicat du supérieur, lui a demandé de déclarer son texte« caduc ». Interrogée sur radio J, elle répond : « Il est remis sur lemétier. Mais il n'est pas caduc car il n'existait pas. » Elles'accroche encore à ses « principes fondateurs ». Le 25 février, presséd'en finir, François Fillon porte l'estocade linguistique. Il annoncel'arrêt des suppressions de postes à l'université en 2010 et 2011 etdemande que le décret soit « entièrement réécrit ». Pécresse rend alorsles armes.

Xavier Darcos a été plus expéditif. Le 15 décembre2008, lorsqu'il annonce la suspension de sa réforme du lycée, ilcherche à sauver la face : il affirme vouloir « laisser plus de tempspour sa mise en oeuvre » et « retrouver un consensus ».

« A zéro ». Mais il luifaut ramener le calme dans les lycées. Et ça ne suffit pas. Alors lelendemain, il n'a plus ces pudeurs : « Nous allons repartir à zéro,nous ne ferons pas cette réforme sans la jeunesse. » Mais pour lui,c'est plus facile. D'abord il assure que « c'est reculer pour mieuxsauter ». Entendez : il fallait sacrifier momentanément la réforme pourmieux la sauver. Ensuite, il explique que ce n'est pas elle qui coincemais le « malaise de la jeunesse ». Enfin, il reste dans les petitspapiers de Nicolas Sarkozy qui lui donne du « Xavier » à tour de bras.Ce qui vaut bien d'avaler quelques couleuvres.