Questions de société

"Réforme du lycée technologique, nouveaux programmes de seconde: deux visages d'une même politique de régression éducative" (sur le Cse du 01/04/10)

Publié le par Bérenger Boulay

[ Réforme des lycées ]

CSEN* du 31 Mars et du 1er avril 2010 Déclaration de la Fédération SUD Éducation

jeudi 1er avril 2010

* CSEN= Conseil supérieur de l'éducation nationale


Réforme du lycée technologique, nouveaux programmes de 2nde : deux visages d'une même politique de régression éducative.

M. le Ministre,

Ce « super CSE » des 31 mars et 1er avril nous offre un condensé de votre politique.

Après la reforme du lycée général, vous nous présentez enfin celle de la voie technologique ; sans surprise elle apparaît comme le dernier élément d'une machine à supprimer des postes.

D'autre part, les nouveaux programmes des séries générales illustrent parfois par leur enveloppe horaire, parfois par leur contenu une réduction de la qualité des enseignements que nous avons déjà critiqué.

Votre reforme de la voie technologique suscite de notre part les mêmes critiques que celle de la voie générale. Tronc commun conçu dans l'objectif d'opérer des regroupement d'élèves de spécialités différentes avec à la clé des classes plus chargées et des postes supprimés. Autonomie des établissements pour les heures dédoublées et l'accompagnement avec d'inévitables inégalités de traitement d'un établissement à l'autre et au sein des équipes d'un même établissement. Enfin une hécatombe horaire avec des enseignements technologiques qui perdent environ un quart de leurs moyens !

La réduction des spécialités en STI et en STL, la fin de nombreux dédoublements, de futurs programmes limitant l'approche pratique d'origine de ces enseignements au profit d'une démarche limitée à la modélisation numérique va dénaturer cette voie. Elle permettait la réussite d'élèves moins à l'aise en enseignement général mais qui savaient montrer leurs qualités au travers d'un enseignement technique exigeant, leur apportant de réels atouts pour s'engager dans des cursus de type BTS ou DUT ou des filières plus longues. L'introduction d'une 2e LV ne parvient pas à masquer qu'il s'agit d'un mauvais coup porté à l'enseignement technologique. Cette réforme va freiner l'orientation des élèves vers cette voie et risque de provoquer à terme un détournement de certains élèves vers la voie professionnelle. Il est vrai que cela est en cohérence avec la fermeture des postes au CAPET depuis 5 ans et les propositions de reconversion dans d'autres disciplines ou le privé que reçoivent de jeunes collègues !

C'est donc une liquidation programmée et tout le contraire du rapprochement réel des voies que nous souhaitons dans la perspective d'un lycée réellement polytechnique.

De nouveaux programmes nous ont été présentés hier.

Concernant les enseignements dits « d'exploration » la structure proposée dénature l'enseignement des disciplines qui y sont enseignées : 90 minutes par semaine, dédoublements non statutaires, absence de prise en compte pour le passage en première.

De plus avec un tel saupoudrage aucune discipline nouvelle en seconde ne peut vraiment être appréhendée par des élèves. C'est particulièrement choquant lorsque certaines d'entre elles ouvrent sur des séries dont elles sont la spécificité : SMS, STI, STL et aussi SES et économie gestion, ces dernières formant le « pivot » respectif de la série ES et de la série STG, 2e et 3e séries en termes d'effectifs dans le cycle terminal. Cette situation en dit long sur l'avenir de ces enseignements dans la voie générale.

Mais plus généralement certains choix de contenus sont à eux seuls inquiétants. Par exemple dans la voie technologique, le programme de création et innovation technologique (axé recherche et développement) sans doute pour séduire, ne représente qu'une infime partie du monde industriel. D'un point de vue technique cet enseignement est un leurre, promettant à des débutants de réaliser un travail d'ingénieur en très peu d'heures, sans moyens et en classe entière. Dans les Principes Fondamentaux de l'Économie et de la Gestion, l'abandon, au profit d'une approche plus généraliste, de l'apprentissage des techniques qui permettait d'aborder les différentes spécialités de STG puis de BTS en offrant ainsi une voie de réussite à de nombreux élèves, pose la question de l'avenir professionnel des jeunes de ces sections qui ne parviendront pas à l'université.

En Sciences économiques et sociales le tollé provoqué par la 1ère mouture ministérielle a entraîné des modifications qui restent pour nous insuffisantes avec un seul thème obligatoire en sociologie, le recentrage sur les fondamentaux abstraits de l'économie de marché demeure. On voit d'ailleurs que la volonté affichée d'offrir à tous les élèves de seconde une culture économique correspond toujours à une tentative de formatage et de soumission à la « culture » d'entreprise et à l'économie de marché.

En histoire-géographie aussi vos choix restent contestables. La disparition d'une réelle étude du monde arabo-musulman en histoire au profit du monde de l'Occident chrétien est une option idéologique en décalage avec la laïcité et le caractère multiculturel de la société française du XXIe siècle. Au total avec autant de thèmes à traiter que dans la version précédente mais en moins de temps, souvent sans pré requis c'est un programme élitiste et bien peu pédagogique. Il cède aux sirènes du moment : développement durable à tous les étage en géographie et repli européo centriste en histoire.

Nous avons donc voté contre la plupart des nouveaux programmes qui annoncent une régression éducative parce que leur volume horaire est insuffisant mais aussi parce que leur contenu est souvent inadapté et parfois inacceptable pour la formation de la pensée critique des élèves.

Parce qu'elle est le moyen de supprimer encore des postes tout en remettant en cause la culture technique nous voterons contre votre réforme de la voie technologique comme nous l'avions fait pour la voie générale.

Ces prétendues réformes ont pour priorité d'atteindre des objectifs budgétaires dans le cadre de la Révision Générale des Politiques Publiques, et leurs contenus pédagogiques sont souvent au mieux des leurres, au pire pour certains d'entre eux, des régressions idéologiques douteuses et dangereuses.

Saint-Denis le 31 mars