Essai
Nouvelle parution
R. Yeoland, La Contribution littéraire de Camille Mauclair au domaine musical parisien

R. Yeoland, La Contribution littéraire de Camille Mauclair au domaine musical parisien

Publié le par Sophie Rabau (Source : Rosemary Yeoland)

Rosemary Hamilto Yeoland, La Contribution littéraire de Camille Mauclair au domaine musical parisien

The Edwin Mellen Press, hors collection, 2008, 364 p.

9780773448605

$119.95 US



Présentation de l'éditeur :

Jusqu'à présent, le seul ouvrage qui examine l'importante contribution de Camille Mauclair (1872-1945) à l'éducation musicale du public parisien, La Contribution littéraire de Camille Mauclair au domaine musical parisien traite l'esthétique musicale de cet auteur français et documente son approche littéraire de la musique dans ses ouvrages de fiction, Le Soleil des morts (1898) en particulier, et ses textes qui portent directement sur la musique : Schumann (1906), La Religion de la musique (1909), Histoire de la musique européenne de 1850-1914 (1914) et Les Héros de l'orchestre (1921). Pour communiquer son amour de la musique à ses lecteurs, celui dont la dévise était "de faire aimer la musique", bien qu'il n'eût jamais reçu de formation théorique dans cet art, emploie en effet diverses techniques littéraires.

À l'origine de son esthétique musicale, des idées symbolistes, acquises par le jeune homme quand il fréquente Stéphane Mallarmé et son entourage. Durant sa longue carrière, des influences sociales, culturelles et politiques contribuent également à l'évolution de son esthétique.

Cette monographie fournit également un aperçu du milieu artistique parisien à un moment charnière et des idées qui ont façonné l'époque à la fin du dix-neuvième siècle. Puisant dans des sources diverses et multiples (documents d'archives, articles de revues oubliés, manuscrits, correspondances), elle offre une étude détaillée destinée aux chercheurs et aux étudiants de nombreux domaines (littérature, musique, hisotire de l'art, études culturelles et histoire sociale) ainsi qu'aux érudits.

This work situates itself in the intertextual domain of literature andmusic. It examines how the French homme de lettres, Camille Mauclair(1872-1945) made a significant contribution to the musical education ofthe Parisian public at the end of the nineteenth century. In French.

Sommaire:

Preface
Avant-propos Professor Guy Ducrey / Foreword Professor Guy Ducrey

Remerciements / Acknowledgements

Introduction

Première partie
Chapitre 1 : Le contexte : philosophie, musique et littérature
Chapitre 2 : Évolution de l'esthétique de Camille Mauclair

Deuxième partie
Chapitre 3 : Les années symbolistes
Chapitre 4 : Le Soleil des morts ou les années post-symbolistes
Chapitre 5 : Sous les feux de la rampe Troisième partie
Chapitre 6 : Mauclair, critique de musique
Chapitre 7 : Mauclair, historien
Chapitre 8 : La religion de la musique
Chapitre 9 : Les Héros de l'orchestre
Chapitre 10 : Critique et compétence

Conclusion

Correspondance de Camille Mauclair
Bibliographie
Index des noms

***

Une lectrice de fabula propose un billet à propos de cet ouvrage :

Si les liens entre la littérature de la deuxième moitié du XIXe et du début du XXe siècles et la musique font partie des champs de prédilection des chercheurs et sont généralement profondément étudiés , les chercheurs privilégient souvent une approche globale de ce phénomène ou se penchent sur de grandes figures, telles Baudelaire, Mallarmé, Claudel. L'héritage des symbolistes « mineurs » reste ainsi parcouru brièvement, voire complètement laissé à l'écart. Cependant, c'est dans l'oeuvre des poètes oubliés aujourd'hui mais très actifs à l'époque que se forgeaient également les points de vue sur la musique, dans une optique littéraire. La présente étude de Rosemary Hamilton Yeoland complète ce manque en analysant divers écrits sur la musique de Camille Mauclair (1872-1945), un des symbolistes « mineurs » injustement oubliés aujourd'hui.
Le choix de ce poète par la chercheuse n'est pas fortuit : les trop rares études consacrés au poète dans l'intervalle de 1905 à 1993 n'analysent pas minutieusement le rôle de la musique dans sa carrière littéraire, même si les critiques reconnaissent son importance dans l'oeuvre de Mauclair. Pour Rosemary Hamilton Yeoland, « la musique joue un rôle central dans l'esthétique mauclairienne » (p. 13), ce qu'elle démontre tout au long du livre, depuis l'influence des théories sur la musique qui lui étaient contemporaines (Schopenhauer, Wagner, Mallarmé ; Ière partie, chapitre 1) jusqu'à l'élaboration par le poète d'une approche originale de la musique. Le but de la chercheuse est de « rendre compréhensible la signification de l'art musical pour l'auteur, et de montrer la récurrence de la musique dans ses oeuvres de fiction et de musicologie » (p. 14). Mauclair qui peut adopter dans ses écrits sur la musique les différentes approches d'un homme de lettres, d'un historien ou d'un critique musical, offre un bel exemple de contribution littéraire originale au domaine musical.
La structure du livre suit le développement des idées de Mauclair dans un cadre chronologique : des années symbolistes (2ème partie, ch. 1) en passant par les années post-symbolistes (2ème partie, ch. 4) pour arriver à l'analyse approfondie des oeuvres de Mauclair écrites après sa rupture avec le cercle symboliste. C'est ainsi que Rosemary Hamilton Yeoland analyse minutieusement la biographie de Schumann qui est « le premier texte de musicologie où Mauclair emploie son style de critique musicale particulier » (p. 17 ; 3ème partie, ch.6). L'étude sur Schumann ouvre la voie à d'autres écrits majeurs de Mauclair sur la musique : Histoire de la musique européenne de 1850 à 1914 (3ème partie, ch. 7), La Religion de la musique (3ème partie, ch. 8), Les Héros de l'orchestre (3ème partie, ch. 9). La chercheuse montre que l'intérêt de Mauclair pour la musique ne se limite pas aux grandes figures comme Wagner : la musique dans les interprétations de Mauclair se dote d'un caractère international, avec son intérêt pour Schumann (3ème partie, ch. 6), Franz List (3ème partie, ch. 7) ou encore Smetana et Moussorgski (3ème partie, ch. 8). La musique française qui lui est contemporaine est présentée dans ses écrits par les noms de Gustave Charpentier, Vincent d'Indy et, bien sûr, de Debussy. L'attitude de Mauclair envers ce dernier est tout à fait originale pour l'époque : le poète parle de la « debussyte », une « maladie » sous l'influence de laquelle « les critiques ”transforment Debussy en colosse“ tout en éprouvant ”le besoin de démolir une série d'autres musiciens et même de les injurier“ » (p. 274).
L'étude de Rosemary Yeoland se distingue par une structure nette et détaillée qui reflète les divers aspects de l'intérêt de Camille Mauclair pour la musique ainsi que la spécificité de l'attitude du public envers les productions musicales au croisement de deux siècles. Les écrits de Mauclair sur la musique sont ainsi présentés dans leur contexte historique, ce qui permet au lecteur de sentir toute la particularité de cet engouement pour la musique qui régnait dans la société française à la fin du XIXe siècle.
Cependant, les écrits sur la musique ne sont pas les seuls textes étudiés dans le livre. L'indiscutable mérite de Rosemary Yeoland est de se pencher également sur d'autres productions de Camille Mauclair, notamment ses romans (Le Soleil des morts, L'Ennemi des rêves, Les Mères sociales, La Ville lumière). La poésie de Mauclair est brièvement analysée dans une section éponyme (pp. 161-165) où le lecteur découvre quelques beaux échantillons des recueils d'inspiration symboliste Sonatines d'automne, Le Sang parle, Emotions chantées. La musicalité de ces poèmes aux nuances très travaillées essaie de rendre par le biais des moyens de la parole les effets de la musique de Schumann. Le poète lui-même rapproche ses vers des productions musicales : « Un homme se joue à lui-même de petites sonates dans la nonchalance de l'automne » (p. 163).
A côté des oeuvres poétiques et prosaïques (pour la plupart jamais rééditées), Rosemary Yeoland se réfère à la correspondance et aux sources manuscrites, ce qui donne encore plus de force aux analyses de son étude (pp. 292-294). Victime du soupçon de collaboration (pp. 4-5), Camille Mauclair est un auteur injustement délaissé par la critique française. Néanmoins, l'approche impartiale de son oeuvre permet d'enrichir nos connaissances sur le contexte littéraire et musical du début du XXe siècle. L'étude de Rosemary Yeoland a le mérite de faire connaître au lecteur cet homme de lettres sous un aspect tout à fait original.

Anna Louyest

Université Paris Ouest Nanterre La Défense