Essai
Nouvelle parution
R. Stawarz-Luginbühl, Un théâtre de l'épreuve. Tragédies huguenotes en marge des guerres de religion en France 1550-1573

R. Stawarz-Luginbühl, Un théâtre de l'épreuve. Tragédies huguenotes en marge des guerres de religion en France 1550-1573

Publié le par Matthieu Vernet

Ruth Stawarz-Luginbühl, Un théâtre de l'épreuve. Tragédies huguenotes en marge des guerres de religion en France 1550-1573

Genève : Droz, coll. "Travaux d'Humanisme et Renaissance", 2012.

EAN 9782600015783.

696p.

Prix 89,98EUR

Présentation de l'éditeur :

En cette période mouvementée qui s'étend du début des années 1550 au seuil de la première guerre de religion – période marquée par l’essor des Églises réformées, la politique répressive des successeurs de François Ier et les espoirs, sans lendemain, suscités par l’avènement de Charles IX –, une jeune génération d’auteurs huguenots investit un genre antique encore peu exploité en France : la tragédie.
Sont ainsi convoqués sur scène Abraham, David, Esther ou encore les trois jeunes gens de Daniel 3 pour donner corps aux émotions contradictoires qui agitent le croyant lorsque, aux heures sombres de la persécution et de l’exil, Dieu semble avoir mis son peuple « pour tout jamais en oubliance » (Joachim de Coignac). Entre sentiments de déréliction et élans eucharistiques, c’est une véritable « anatomie de toutes les parties de l’âme » (Calvin), que la trajectoire descendante du canevas tragique, en interaction constante avec le modèle psalmique, permet d’inventer.
Portant sur un corpus de neuf tragédies bibliques, la présente étude propose, au croisement d’interrogations poétiques, dramaturgiques et théologiques, une herméneutique de l’épreuve subie par l’élu, c’est-à-dire de sa chute apparemment tragique.

Sommaire :

Editions de référence et abréviations  . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  11
I. INTRODUCTION
1. Le scandale de la souffrance du juste : Bible et tragédie  . . . . . . . . . . . 15
Culture judéo-chrétienne et tragédie – une tragédie ¬d'inspiration huguenote à la veille des guerres de religion en France – la tentation ou ¬l'épreuve de la foi : enjeu central de ce théâtre – ¬l’interrogation qui est au coeur de cette étude : ¬comment se réalise, dramaturgiquement parlant, le passage du désespoir à la ¬confiance ? – la tentation de la foi ¬comme structure poétique – deux problématiques inséparables de la tentation : la représentation de la souffrance et la représentation de Dieu – restituer ¬l’épaisseur humaine des tragédies huguenotes.
2. Le corpus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  18
Les tragédies ¬d’inspiration huguenote entre 1550 et 1586 – le corpus et ses critères ¬d’inclusion – pièces qui ¬n’ont pas été retenues (tragédies allégoriques, Josias de M. Philone, la Tragedie du sac de Cabriere, Jephthes, sive votum de George Buchanan et les traductions françaises de Claude de Vesel et de Florent Chrestien).
3. Etat de la question et originalité de la problématique . . . . . . . . . . . .  27
Les tragédies huguenotes dans les études seiziémistes depuis le début du XXe siècle et plus spécialement depuis la fin des années 1960 – travaux récents – ¬l’intérêt de la critique inégalement réparti entre les pièces du corpus – un aperçu des princi¬pales questions suscitées par les tragédies – cette étude propose un recentrage des diverses approches critiques autour de ¬l’idée ¬d’épreuve – deux approches critiques récentes auxquelles ce travail est redevable : la représentation de la souffrance et la représentation du surnaturel, particulièrement dans le théâtre.
4. Méthodologie : pour une herméneutique de la tragédie . . . . . . . . . . .  36
Entre philologie et herméneutique : faire le pari du sens.
4. 1. De la forme au ¬contenu et vice versa : l’« option
morphologique » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  37
La dimension dramatique de la tentation – une approche monographique et globale de préférence à une approche transversale et analytique – « ¬l’option morphologique » et « la question de la vérité » (P. Judet de la Combe) – une parole authentique face au mystère de la souffrance.
4. 2. Contre la fatalité tragique : événement vs parole  . . . . . . . . . . .  41
Les tragédies bibliques dépourvues de polysémie ? – la tentation prédestinatienne – tragique romantique et tragique renaissant – suspendre la ¬connaissance du dénouement : une posture herméneutique permettant de ¬comprendre la mise en oeuvre de la dramaturgie de ¬l’épreuve – événements dramatiques vs interprétation des événements – mise au point terminologique : la double dichotomie « ¬comique » vs « tragique » et « paradoxal » vs « endoxal ».
4. 3. De la méthode au plan du travail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  48
Une topographie plutôt ¬qu’une chronologie – ¬l’attitude herméneutique du prota¬goniste : principal critère de classement – le plan de ¬l’ouvrage.
II. PROBLÉMATIQUE
ET ENJEUX DE LA TENTATION : UNE HERMÉNEUTIQUE
DU RENVERSEMENT
La tentation ou ¬l’épreuve : une réponse à ¬l’existence du mal . . . . . . . . . . . . . . .  51
1. Définitions et typologies de la tentation de ¬l’Antiquitéà la Renaissance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  52
1. 1. La tentation dans ¬l’Ancien et dans le Nouveau Testament . . . .  52
La notion de tentation en français, hébreu, grec et latin – le champ sémantique de la tentation – le canevas probatoire – la Bible distingue entre trois espèces de tentation : 1) Dieu tente ¬l’homme 2) ¬l’homme tente Dieu 3) ¬l’homme est tenté par Satan – mise à ¬l’épreuve et omniscience divine – explication pédagogique et explication rétributive – Job et Qohélet : un Dieu incompréhensible – les Epîtres du Nouveau Testament – la métaphore de ¬l’athlète – la fidélité de Dieu – ¬l’épreuve, signe ¬d’élection et source de joie – ¬l’Agonie : la prière ¬contre la tentation – la persévérance valorisée en tant que principale vertu du fidèle mis à ¬l’épreuve.
1. 2. « On sue en effet tant que ¬l’on vit ici-bas, et on peine » :
tentation et persécution, tentation
et ¬combat spirituel dans la littérature chrétienne . . . . . . . . . . . . . . . .  61
La notion de tentation chez les Pères de ¬l’Eglise dans le ¬contexte des persécutions – la patience, principale vertu du martyr et pierre de touche de la distinction entre le juste et le pécheur – tentation et prière – le martyre, aboutissement logique de la patience – le ¬combat spirituel – la métaphore guerrière – ¬comment distinguer ¬combat spirituel et tentation ?
1. 3. « Ostendam quam non sint quae uidentur mala » : la tentation
dans le De Prouidentia de Sénèque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  65
Le paradoxe de ¬l’homme de bien affligé de maux « alors ¬qu’il existe une provi¬dence » – le mal ¬n’existe pas pour le sage – les champs sémantiques de ¬l’extériorité/intériorité et de la visibilité/invisibilité – ¬l’opinion – le thème des apparences chez saint Paul et dans les Evangiles – la notion de temptatio et ses images – la ¬constance du sage – la vie ¬conçue ¬comme une épreuve ¬continue – les passions générées par ¬l’opinion (aegritudo, metus) restent étrangères à ¬l’expérience de la tentation.
1. 4. Le paradoxe au coeur de la tentation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  70
Conclusion et synthèse : ¬l’opposition entre le monde historique, domaine des appa¬rences, et le monde transhistorique, domaine de la vérité – le paradoxe du juste souffrant ¬compréhensible seulement à la lumière de la vérité divine.
2. Rendre à ¬l’Histoire sa lisibilité : les épreuves du nouvel Israël  . . . . . .  71
Un Dieu « fugitif » accompagnant son peuple dans le désert : ¬l’identification à Israël.
2. 1. 1550-1571 : entre espoirs de légitimité et craintes
d’extermination . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  72
Les années 1550-1571 : une période ¬contrastée pour les réformés de France – essor institutionnel et démographique – la politique répressive menée par Henri II – François II : « la rage de Satan se deborda à toute outrance » – la mort de François II : une péripétie inespérée – les espoirs du début du règne de Charles IX, nouveau Josias – le massacre de Wassy et la première guerre : la rupture de la ¬confiance – la hantise du plan ¬d’extermination (entrevue de Bayonne 1565) – un roi perçu ¬comme manipulable et capable des pires revirements – craintes ¬contrebalancées par ¬l’espoir persistant ¬d’un renversement de situation miraculeux.
2. 2. « … il ¬n’y restoit nulle apparence » : un ethos de la difformité
et de ¬l’invisibilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  78
Le scandale ¬d’une Eglise ¬continuellement menacée dans son existence – la réponse de Calvin dans ¬l’Epistre au Roy (1536) – le traité Des Scandales (1550) – la lisibilité immédiate du martyre opposée à ¬l’illisibilité de la persécution ordinaire (les « Feux » vs les « Fers ») – la critique des apparences dans un ¬contexte anti-romain chez les évangéliques – le « paradigme vétérotestamentaire » chez Calvin (H. Parker) – une identification radicale au « petit reste ¬d’Israël »
2. 3. Le principe de prudence interprétative . . . . . . . . . . . . . . . . . .  85
Prudence herméneutique et jugement de charité – les Sermons sur le Livre de Job – suspendre son jugement face à la souffrance du juste : « que nous ayons la bouche close » et « que nous regardions la fin » – ¬l’interprétation de ¬l’Histoire – la « double justice » – le salut offert au pécheur : le paradoxe du second renversement.
2. 4. « Il ¬n’est jà besoing de cercher des ¬conjectures loingtaines
ou obscures » : ¬l’explication rétributive  . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  89
Toute souffrance ¬s’explique par le péché – la Confession des péchés – la souffrance, un « sceau » authentifiant la Parole divine dans une perspective pédagogique.
2. 5. La tentation de la foi  . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  92
La tentation, marque de la faveur divine – ¬l’épreuve de la foi, tentation par excellence – les tentateurs – Dieu, auteur du mal ? – ¬l’adversité, un signe certain de la grâce agissante.
3. « Comme rejeté de Dieu » : éthique et spiritualité de ¬l’épreuve
chez Calvin et Bèze  . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  95
La « Remonstrance aux Fideles de perseverer en leur saincte entreprise » (1564) – la méfiance à ¬l’égard des apparences et ¬l’exigence de la prière ¬continue – une pratique morale et spirituelle visant à évacuer le doute sur sa prédestination au salut.
3. 1. Lorsque « Dieu fait ¬comme semblant ¬d’estre sourd » :
une fiction mortelle  . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  97
La fiction tragique – ¬l’exemple de Laurent de Normandie – ¬l’ingratitude, le blas¬phème et le désespoir : marques possibles de la réprobation divine – la typologie de la tentation dans la Confession de la foy chrestienne de Bèze – le jugement de charité chez Bèze – Dieu peut « faire grâce au-dedans au dernier souspir de [la] vie » – le Marchant ¬converti de Thomas Naogeorgus/Jean Crespin (1558).
3. 2. « Si les hommes se pouvoyent ¬contrister sans excez
en leurs afflictions » :
les sentiments entre apologie et ¬condamnation  . . . . . . . . . . . . . . . .  101
Les ¬convictions anti-stoïciennes de Calvin – les excès passionnels de Job – les passions dans le Commentaire sur les psaumes – ¬l’intrication de la prière et du désespoir – ¬l’effusion des sentiments envisagée ¬comme une forme de purgation des passions – Klage vs Anklage : la plainte excessive de Job – la tentation stoïcienne dans les Sermons sur Job – ¬l’effacement du sentiment de la foi chez Bèze – la tension spirituelle du fidèle : « les yeux fichez au ciel ».
3. 3. « ¬J’ay eu mon recours à la parole du Seigneur » : vaincre
les fantaisies mortifères  . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  106
Eléments de méditation permettant au fidèle de vivre par anticipation le second renversement (passage de ¬l’adversité à la prospérité) – la Confession des péchés – les psaumes de plainte – le Stimmungsumschwung : le revirement psalmique – la remémoration des bienfaits divins – les enjeux de la mémoire – « ¬l’issue avec la tentation » (1 Cor 10, 13) : une dynamique permanente du renversement des apparences – méditation calviniste vs méditation ignatienne.
4. Tragédie et épreuve  . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  115
4. 1. Bèze, la Pléiade et ¬l’invention de la tragédie française  . . . . . . .  115
Bèze revendique le titre de premier tragique français – Bèze au coeur de la querelle poétique qui oppose la Pléiade aux poètes protestants trois décennies durant – ¬l’expérience des « afflictions » à ¬l’origine du projet tragique de Bèze – la préface à ¬l’Abraham sacrifiant : une théorisation volontairement minimaliste de ¬l’inventio poétique – la dimension prophétique de son entreprise – ¬l’épreuve spirituelle au principe et à la fin du projet de Bèze.