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Nouvelle parution
R. Browning, L'Anneau et le Livre - The Ring and the Book

R. Browning, L'Anneau et le Livre - The Ring and the Book

Publié le par Jean-Louis Jeannelle

Compte rendu publié dans Acta fabula : "Browning, poète nécromant" par Laurent Folliot.

Robert Browning, L'Anneau et le Livre - The Ring and the Book

Édition bilingue, traduction de l'anglais et étude documentaire par Georges Connes, préface de Marc Porée

Grand format relié sous jaquette : 135 x 205

 Paris : Le bruit du temps, 2009.

1424 pages • 39 euros

ISBN : 9782358730013

Distribution : Les Belles-Lettres

Robert Browning (1812-1889) n'a longtemps été que le mari de la poétesse Elizabeth Barrett - avec laquelle il forme l'un des couples les plus célèbres du xixe siècle - ou le poète obscur de Sordello. Après la parution en 1869 de L'Anneau et le Livre, et son immense succès, il est célébré en Angleterre comme le plus grand poète de l'époque victorienne avec Tennyson - l'égal d'un Victor Hugo. Le « poète-revolver » cité dans Pierrot le fou reste néanmoins scandaleusement méconnu en France.

En juin 1860, à Florence, où il réside depuis plus de dix ans, Robert Browning achète à un bouquiniste un « vieux livre jaune » qui réunit les documents relatifs à un procès pour meurtre qui se tint à Rome en 1698 et devait lui inspirer les 21 000 vers de son long poème narratif, The Ring and the Book. Reprenant la matière du « Livre Jaune », il décide de raconter l'histoire du point de vue des différents protagonistes de l'affaire, en douze monologues dramatiques, genre dont il est le maître incontesté.

Dans le premier livre, le poète expose une première fois l'affaire, mais aussi son projet et sa méthode. Suivent dix monologues dans lesquels on entend successivement les voix du peuple de Rome, partagé entre les partisans de l'assassin et ses accusateurs ; la noblesse romaine et ses dignitaires de haut rang ; le cruel comte Guido Franceschini, qui a assassiné sa jeune femme Pompilia et ses beaux-parents, les Comparini ; le beau prêtre Giuseppe Caponsacchi qui a tenté en vain de sauver la pauvre femme ; Pompilia elle-même, qui agonise quatre jours durant après avoir reçu vingt-deux coups de poignard, et se confesse sur son lit de mort ; les avocats Arcangeli et Bottini, qui s'affrontent à coups de prouesses rhétoriques ; enfin le vieux pape Innocent XII en personne. La voix du poète résonne à nouveau dans le dernier livre, avant de s'éteindre sur un vibrant hommage à sa femme Elizabeth.

Le livre, dont les quatre volumes paraissent entre novembre 1868 et février 1869, rencontre un succès considérable. On parle de chef-d'oeuvre du siècle ; Browning devient le digne héritier de Shakespeare.

Comment expliquer un tel enthousiasme ? Il y a évidemment l'affaire criminelle elle-même, pour laquelle le lecteur se passionne d'emblée - les zones d'ombre s'éclairant d'un monologue l'autre jusqu'à lever le voile. Il y a l'ampleur et le souffle de l'expression poétique, l'intensité et l'originalité de la narration de Browning, le grotesque et l'humour permettant une respiration là où la tension devient insoutenable.

Comme le dit Chesterton dans un excellent livre sur Browning paru en 1903 : « Dans son essence, L'Anneau et le Livre est le grand poème épique du xixe siècle » ; mais c'est aussi, avant l'heure, un étonnant « roman policier », dont la technique narrative préfigure Faulkner. Borges, dans ses Cours de littérature anglaise, précise à juste titre que si L'Anneau et le Livre avait été écrit en prose, Browning serait considéré, à côté de Henry James, comme « l'un des pères de la modernité ».

Georges Connes (1890-1974) entreprend la traduction de The Ring and the Book au beau milieu de la guerre, et, passionné par son sujet, rédige une longue Étude documentaire destinée à l'accompagner. Confié à Raymond Queneau après la guerre, le manuscrit est perdu à Bruxelles et retrouvé des années plus tard pour être publié en 1959 par les éditions Gallimard. Le livre n'avait jamais été réédité depuis.

On peut lire l'article de Mathieu Lindon, "Browning en vers et en droit" sur le site de Libération