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R. Baroni, Dictionnaire esthétique et thématique de la bande dessinée : Suspense

R. Baroni, Dictionnaire esthétique et thématique de la bande dessinée : Suspense

Publié le par Nicolas Geneix

Raphaël Baroni, Dictionnaire esthétique et thématique de la bande dessinée : Suspense

Article paru sur le site neuvièmeart 2.0, avril 2017.

"A priori, l’ensemble des médias capables de raconter une histoire partagent un certain nombre de traits communs, parmi lesquels figure une caractéristique essentielle pour les récits de fiction : ces derniers doivent être capables de construire un monde dans lequel le récepteur (lecteur, auditeur, spectateur) peut s’immerger par l’imagination. Sur la base de cette immersion, il devient possible de nouer une intrigue, c’est-à-dire de produire une tension orientée vers un dénouement, ce qui revient à dynamiser la durée de la représentation ou du spectacle, à lui imprimer un rythme fondé sur l’intérêt du récepteur concernant la suite du récit. Pour être plus précis, certains narratologues considèrent qu’il existe trois types d’« intérêt narratif », que l’on peut aussi considérer comme trois modalités distinctes de la « tension narrative » (Baroni 2007) : 1. le suspense, qui est orienté en direction du futur de l’histoire racontée, en lien avec le développement incertain d’une action, ce qui pousse le récepteur à se demander « que va-t-il arriver ? » ; 2. la curiosité, qui joue sur une représentation mystérieuse des événements, de sorte que l’on s’interroge sur la nature de ce qui arrive ou de ce qui est déjà arrivé ; 3. la surprise, qui est un effet limité dans le temps, lié aux développements imprévus de l’histoire.

Définie de cette manière, la tension narrative, qui détermine les charnières de l’intrigue, ne repose pas uniquement sur le contenu du récit (ce qui est raconté), mais également sur la manière dont les informations concernant l’histoire sont présentées (Baroni 2017), et notamment sur la dilatation du récit, sur ces éléments retardant le dénouement que Barthes définissait comme des « catalyses ». D’une part, la curiosité se manifeste par une certaine opacité de la représentation, souvent en jouant sur des effets de focalisation externe ou sur des lacunes provisoires auxquelles succèdent des éclairages rétrospectifs. D’autre part, le suspense repose sur différents procédés d’identification (qui dépendent de la caractérisation du personnage) et il est également modulé par des variations de l’ordre ou de la durée du récit. Un procédé classique pour induire du suspense consiste par exemple à anticiper un danger qui menace le protagoniste (prolepse), ou à interrompre un épisode ou un chapitre du récit à un moment particulièrement tendu, ce qui produit un effet de cliffhanger. (...)"

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