Essai
Nouvelle parution
R. Arnheim, Radio

R. Arnheim, Radio

Publié le par Marc Escola (Source : Hans Hartje)


Rudolf Arnheim, Radio
(traduit de l'allemand par Lambert Barthélémy et Gilles Moutot, préface de Martin Kaltenecker)
Paris, Van Dieren éditeur, 2005, 264 p.
ISBN : 2-911087-526
EUR : 20 €



Les essais théoriques sur la radio ne sont pas nombreux.
Dès 1924, quand le nouveau média fut installé en Allemagne, Arnheim s'y intéressa et rassembla en 1936 ses réflexions dans cet essai paru d'abord en anglais. S'il ne connut pas la notoriété du livre pionnier de l'auteur sur le film (1931), ni des écrits ultérieurs sur l'histoire de l'Art, ce livre reste un document unique.
Arnheim y parvient à un heureux équilibre entre des réflexions esthétiques, des impressions d'auditeur et des remarques plus pragmatiques. Il aborde tous les moyens d'expression, de la simple parole à la conception du Hörspiel, en passant par la retransmission musicale – il faut choisir soigneusement, par exemple, les opéras qui sont radiogéniques et laisser de côté ceux qui produisent à l'écoute une impression confuse, se détachant sur un fond inquiétant.
On sent chez Arnheim la fascination pour le monde des bruits innombrables, proposés à « l'écoute aveugle ». C'est le plaisir de la matérialité du son qui remonte dans la parole rapprochée, de la « force élémentaire » du sonore. La radio est propice aux mouvements dramatiques car le son est traduction de l'être en mouvement, de l'action, de l'énergie, trait qui compense sa relative « pauvreté formelle ».
Mais Arnheim esquisse en même temps une esthétique de l'art sonore : ce qui est défini comme le « tournage sonore », l'utilisation « métaphorique » des bruits et tout un art de la stylisation pourront ainsi donner ce qu'il nomme, bien avant l'invention de la musique concrète, un « cinéma pour l'oreille ».
Le désir d'écrire ce livre venait de la crainte que la radio puisse disparaître aussi vite que le film muet avait été balayé par le parlant. Arnheim termine son livre par un texte sur la télévision : si cette dernière paraît plus « en phase » avec la vie réelle, la radio offre, quant à elle, la possibilité d'un « approfondissement réflexif » du monde dont on ne peut se passer. L'écoute radiophonique telle qu'Arnheim tente de la cerner illustre ainsi de multiples manières le thème plus général d'une dialectique entre écoute et vision qui nous préoccupe toujours.


Rudolf ARNHEIM
Né en 1904, à Berlin, Rudolf Arnheim a fêté l'an dernier son centième anniversaire dans le Nevada où il vit désormais. Travaillant comme journaliste dans différentes revues (par exemple pour la Weltbühne, journal interdit dès 1933, aux côtés de Tucholsky), tout en écrivant une thèse de psychologie, il suivit de près le développement des nouveaux médias, et publia en 1931 l'un des premiers livres importants sur le cinéma (Le Film en tant qu'art). Emigré en Italie en 1933, il se consacra à une encyclopédie du film financée par la Société des Nations, dont la guerre empêchera la publication. C'est en Italie également qu'il compose son livre sur la radio. Suite à la proclamation des lois raciales par Mussolini, Arnheim passa en Angleterre, puis s'installa à New York, tout d'abord comme collaborateur à un projet de recherche sur la radio à Columbia University. Il enseignera par la suite dans plusieurs universités américaines, dont Harvard, se concentrant sur le domaine de la psychologie des arts visuels, abordé par exemple dans le livre L'Art et la perception visuelle. Une psychologie de l'oeil créateur (1967).