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Queer : écritures de la différence ?

Queer : écritures de la différence ?

Publié le par Vincent Ferré (Source : CENEL)

 

La remise en cause du consensus culturel et de son expression « sédimentée », le canon, par des écrivains, des critiques et des théoriciens au nom d'une appartenance communautaire/ identitaire a joué un rôle essentiel dans la formulation de nouvelles problématiques idéologiques. Or, ces mutations sont perçues et promues de manière bien différente dans les contextes culturels et universitaires français et américains. C'est l'un des enjeux de l'étude des stratégies discursives « queer » : si l'on prend en compte cette ligne de partage sans se contenter, comme on le fait si souvent, de constater qu'elle existe, les deux perspectives peuvent s'enrichir mutuellement.
Fait caractéristique, les presses universitaires américaines multiplient les collections sur les études post-coloniales, les études féministes et les études de gender, les études gay et lesbiennes ou queer. Par delà l'identité sexuelle, la notion de queer, qui, de manière symptomatique, n'a pas de traduction française reconnue, correspond à la reprise positive d'une insulte assimilant homosexualité et étrangeté (ou décalage) et renvoie à tout ce qui remet en cause l'ordre dit hétéronormatif, lequel régit, dans les sociétés occidentales, la répartition sociale des rôles sexuels, la famille, etc. cette extension était particulièrement marquée dans le mouvement qui s'est nommé « Queer Nation » et qui a contribué à la revalorisation, voire à la revitalisation du terme.
C'est dans ce contexte que l'on peut/doit étudier la rhétorique de la contestation de l'ordre que cette notion de « queer » implique.

La notion elle-même n'est pas une évidence : après des débuts consensuels, les plus politisés ou les plus activistes des théoriciens y diagnostiquent aujourd'hui une forme d'euphémisme, un recul devant l'explicitation des « identités sexuelles » qu'ils voient comme à nouveau réprimées : ils veulent en conséquence restreindre le champ aux études gaies et lesbiennes. Dans notre perspective cependant, peut-être profondément influencée par le jacobinisme même que nous tentons de problématiser, c'est bien la vocation du terme queer à recouvrir tout un répertoire de positions et de stratégies marginales qui doit, nous semble-t-il, lui faire accorder la préférence.
L'évolution des pratiques éditoriales et la refonte des programmes de humanities (rejet des auteurs DWEM Dead White European Males [Mâles blancs européens morts], promotion de la francophonie comme alternative à la littérature française traditionnelle, etc.) constituent des indices caractéristiques d'une reconfiguration des espaces littéraires, revendiquée comme telle outre-Atlantique. Cela indique aussi une approche différente du corpus de la littérature et une aspiration à une saisie du littéraire sans aucune distance avec la réalité historique et socio-politique. En même temps, l'opposition à ce mouvement est formulée sous forme d'attaques hautement politisées (D'Souza, Illiberal Education). Comme la littérature elle-même, l'étude de la littérature devient donc un champ de luttes politiques et idéologiques. Ces polémiques et cette violence soulignent l'importance des enjeux engagés par la théorisation de la place de l'identité dans le (re-) développement du phénomène littéraire et de l'urgence de rendre compte des stratégies discursives d'hier et d'aujourd'hui.

Le colloque se propose d'explorer des textes et des pratiques culturelles d'aires géographiques et de périodes variées pour mettre en lumière les procédures d'identification et de construction des identités sexuelles ou « dérangeantes », sachant qu'une même pratique peut ne pas avoir la même fonction ou la même signification dans des contextes différents (le travestissement, par exemple). Comment s'écrit, se décrit, se construit, ou se proscrit la différence ? Est-elle inclusive ou distinctive ? Le désir homoérotique constitue-t-il par exemple un critère distinctif, ou apparaît-il simplement comme un cas parmi d'autres de marginalité (le terme est lui-même problématique), potentiellement menaçante, mais aussi régulièrement « récupérée » comme effet de mode ? Peut-on identifier des constantes trans-temporelles, trans-culturelles dans les stratégies représentatives et discursives ?

programme détajllé, résumé des interventions, formulaire d'inscription : http://www.univ-paris13.fr/cenel/coll-pub.htm