Questions de société
«Quand la course au ranking académique mène au suicide» (Le Temps, 2.11.2015)

«Quand la course au ranking académique mène au suicide» (Le Temps, 2.11.2015)

Publié le par Marie Minger

«Quand la course au ranking académique mène au suicide»

Par Ola Söderström

Article paru dans Le Temps, 2 novembre 2015

 

Les dérives des politiques d’excellence dans les universités sont, selon Ola Söderström, de nature à dissuader les jeunes à s’engager dans une carrière scientifique.

Il est beaucoup question depuis quelques jours, dans les forums de discussion de chercheurs, d’un collègue: Stefan Grimm. Celui-ci, professeur à la faculté de médecine de l’Imperial College à Londres, s’est donné la mort l’an dernier, à 51 ans. Ce décès fait débat parce qu’il symbolise un malaise grandissant. Il est symptomatique des dérives du modèle de gestion qui tend à s’imposer ces dernières années dans les universités, et particulièrement dans celles qui visent le sommet des classements internationaux. Il est aussi symptomatique, bien entendu, de la pression croissante dans tous les secteurs de l’emploi.

L’Imperial College est classé régulièrement parmi les dix premières universités du monde. Dans une telle université, il est attendu d’un professeur comme le défunt Stefan Grimm qu’il rapporte au moins 200'000 livres sterling par année en fonds de recherche compétitifs. Il devait aussi dans l’année à venir acquérir au moins un subside de recherche en tant que requérant principal. Ayant accumulé seulement 135'000 livres en 2014, il était mis sous pression par son supérieur hiérarchique et poussé vers la sortie. Ceci, alors même que la qualité de ses publications amenait par ailleurs des fonds à l’institution, par le biais du système d’évaluation existant en Grande-Bretagne. Ceci aussi alors que les taux de succès des projets ont baissé ces dernières années dans de nombreuses agences de financement de la recherche, au point qu’y obtenir un subside relève plus de la loterie que de la fameuse «excellence» constamment invoquée.

Il s’agit donc, dans ces paradis de l’excellence universitaire, non seulement d’accumuler des publications et des citations, mais plus encore d’avoir un «chiffre d’affaires» conséquent. Dans un mail découvert après sa mort, Stefan Grimm écrit: «Ceci n’est plus une université mais un business avec un tout petit groupe au sommet de la hiérarchie qui profite […], alors que les autres sont pressés comme des citrons pour obtenir de l’argent.»

(...)

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