Questions de société
[Propagande]

[Propagande] "La Sorbonne s'enfonce dans la crise", par B. Ménard (Le Figaro 14/5/9)

Publié le par Bérenger Boulay

L'information selon Le Figaro:

Attaque ad hominem (Georges Molinié"était jusqu'à présent connu pour son langage volontiers abscons, desanalyses littéraires ponctuées de phrases à la compréhensionimprobable") et mensonges grossiers (la Sorbonne serait actuellement bloquée par une "trentaine d'énergumènes", on parle même de "jeunes" - voyez pourtant les nouvelles des dernières AG dans l'amphi Richelieu), c'est l'information selon Le Figaro.

On notera aussi un goût inquiétant pour la falsification de l'Histoire, notamment à propos d'une "dégradation d'ouvrages ancienspar des groupes anarchistes" lors du mouvement contre le CPE (au Figaro comme ailleurs on confond le désordre et l'anarchie, mais passons). Souvenez-vous: les livres "détériorés" brandis à l'époque par Gilles de Robien devant les caméras de télé étaient en fait des ouvrages déjà abîmés avant l'occupation de la Sorbonne, en attente de restauration et numérisation (sur cette affaire, on pourra notamment consulter la page du blog de P. Assouline datée du 24 mars 2006, qui renvoie à cette autre page).

Voir aussi: "Mouvement universitaire : Le Figaro, quotidien contestataire de la contestation", par O. Poche (Acrimed 01/06/09).

"La Sorbonne s'enfonce dans la crise", par Béatrice Ménard (Le Figaro 14/05/2009)

http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2009/05/15/01016-20090515ARTFIG00006-la-sorbonne-s-enfonce-dans-la-crise-.php

Alors que la célèbre faculté reste bloquée, la responsabilité de lacrise est imputée, par beaucoup, à son président. Mais par-delà lesoppositions personnelles, se joue symboliquement une part de l'avenirdes universités françaises. coeur-.gif

Dansla petite rue de la Sorbonne, un attroupement s'est formé devant laseule porte donnant accès au dédale de salles et de couloirs de la plusvieille université de France. Derrière les vigiles impuissants, un amasde chaises et de tables, gardé par une dizaine de jeunes gens auxquelsfont face des professeurs et des étudiants consternés. Une jeune filles'éloigne, en larmes. On est le mercredi 13 mai. Les cours n'ont pas eulieu depuis quinze semaines et le délai pour l'organisation des examensest dépassé. Paris-IV ne validera pas son semestre. Ne reste plus auxétudiants qu'une hypothétique validation automatique, qui ferait peserdes doutes sur la qualité des diplômes. Alors que la plupart desuniversités françaises ont repris le travail et s'emploient à rattraperle temps perdu, Paris-IV s'enfonce dans la crise.

Déjà, leproblème dépasse largement la question du semestre sacrifié. Cemouvement larvé met désormais en péril l'année 2009-2010 et, à longterme, l'image de la prestigieuse faculté des lettres et des scienceshumaines. Les partenariats engagés avec des universités étrangères pourl'accueil de leurs étudiants sont, pour l'heure, compromis. Pis, uneuniversité américaine a d'ores et déjà réclamé le remboursement desfrais consentis pour ce semestre. D'autres risquent de suivre. S'yajoutent le remboursement d'une partie des frais de scolarité des24 000 étudiants, qui ne tarderont pas à faire valoir leurs droits, etla baisse prévisible de 25 % des demandes d'inscription pour la rentrée2009 : le budget de Paris-IV n'y survivrait pas.

Qui porte laresponsabilité du désastre ? «Le gouvernement est seul fautif, répondGuillaume, étudiant en histoire, qui soutient encore le mouvement. Il aclairement joué le pourrissement du conflit, et refusé toutenégociation.» Même son de cloche chez les Ater (attachés temporairesd'enseignement et de recherche), qui distribuent des tracts place de laSorbonne.

Des enseignants divisés

Un peucourt pour expliquer une situation bloquée, une communauté enseignantedivisée et des étudiants excédés, qui crient à longueur de blog surInternet leur colère devant les salles fermées et les cours annulés. Sila Sorbonne fut, lors des précédents mouvements du monde universitaire- sur le contrat première embauche comme sur la loi LRU - le théâtred'épisodes violents, allant jusqu'à la dégradation d'ouvrages ancienspar des groupes anarchistes, rien ne laissait présager l'actuel champde ruines. Et beaucoup de ceux qui s'opposaient à la première mouturedu décret sur le statut des enseignants-chercheurs, et à la refonte desconcours de recrutement des professeurs, marquent aujourd'hui leurhostilité à ce nihilisme mortifère. Laurent Cugny, professeur demusicologie, évoque ainsi sa consternation et sa lassitude devant lesinnombrables assemblées générales : «Je ne vais pas à la messe ledimanche, ironise-t-il, ce n'est pas pour y aller le lundi. Nous sommesdans l'ordre du religieux, et cette thèse selon laquelle toutemodification du statut actuel nous ferait basculer dans un autresystème est de l'ordre de l'irrationnel. Tout cela relève en fait d'unpessimisme radical, doublé d'une carence profonde dans le dialoguesocial.»

Pour Vincent Moriniaux, maître de conférence degéographie, qui a correspondu avec ses étudiants pendant tout leconflit, leur expliquant par mail pourquoi, bien qu'il soit opposé auxréformes, il ne faisait pas grève, «il n'y a pas de cause structurelleà cet accès de radicalité, mais une somme de facteurs conjoncturels».Ce qui signifie que la Sorbonne, même si elle n'est pas, comme le veutsa réputation, une université marquée à droite, n'a aucune raison debasculer dans un gauchisme échevelé. Du moins aucune raison autre quela gestion très particulière du mouvement par son président, GeorgesMolinié. «Je crois pouvoir dire que Georges Molinié a, littéralement,mis la Sorbonne en grève, résume Vincent Moriniaux. Dès le 16 février,il a envoyé un mail “informant toute la communauté universitairequ'aucun recensement des personnels grévistes ne serait transmis”. Àpartir de là, la grève est apparue comme une aubaine pour tous ceux quin'étaient pas préoccupés par l'intérêt supérieur des étudiants. Ledébut du mouvement est donc clairement à mettre sur le compte d'unedécision de la présidence et d'une réaction du personnel Biatoss(Bibliothécaires, ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers, deservice et de santé, NDLR) qui, en toute impunité, a pu fermer lescentres au motif que la sécurité n'est plus assurée dès lors qu'un tropgrand nombre de personnels est en grève… Les collègues sincèrementgrévistes se sont, en quelque sorte, fait voler leur grève. » Le mêmeconstat amer est fait, sous couvert d'anonymat, par nombre deprofesseurs qui ne laissent pas de s'interroger sur les motivations deleur président, actuellement en voyage en Israël alors que sonuniversité est en pleine crise.

Il y a ceux, bien sûr, que lepersonnage agace. Car ce spécialiste de philologie et de stylistiqueétait jusqu'à présent connu pour son langage volontiers abscons, desanalyses littéraires ponctuées de phrases à la compréhensionimprobable : «Le système est appréhendé comme un caractérisème delittérarité, c'est-à-dire comme une détermination langagièrefondamentalement non informative (même fictionnellement) dans lefonctionnement textuel.» Avec un goût prononcé pour les regardsadmiratifs d'étudiantes passionnées. Mais c'est bien le conflit autourdu statut des enseignants-chercheurs et de la «masterisation» quisemble avoir révélé le président à lui-même. Celui qui avait signalé en2007 son soutien à Ségolène Royal, sans pour autant jouer les foudresde guerre, est aujourd'hui tout feu tout flamme. Alors que sescommuniqués soufflent avec prudence le chaud et le froid, appelant à lapoursuite du mouvement tout en demandant la réouverture des sites, sesinterventions embrasent les AG d'étudiants. «On va nous dire que noussommes des casseurs, haranguait-il le 10 février. Les casseurs, ce sonteux ! (…) Ils sont en train de préparer des incarcérations.» Standingovation assurée.

Inquiets pour leur avenir

Ducôté de l'équipe de Georges Molinié, on plaide non coupable. «Il n'ajamais été possible de comptabiliser des grévistes en fac, argumenteMichel Fichant, vice-président de Paris-IV. Quant aux dernierscommuniqués, ils ont été approuvés par les trois conseils de Paris-IV,le conseil d'administration, le conseil des études et de la vieuniversitaire et le conseil scientifique. Une trentaine d'énergumènespose problème en bloquant les sites, mais il est logique qu'uneuniversité de lettres et de sciences humaines soit davantage confrontéeà ces phénomènes : c'est là que les étudiants sont le plus inquietspour leur avenir.»

Pour Alain Renaut, professeur de philosophiepolitique et éthique, c'est bien l'insertion professionnelle desétudiants qui est au coeur du clivage qui déchire Paris-IV. Le précédentprésident, Jean-Robert Pitte, en avait fait son cheval de bataille,devançant la loi LRU, proposant des formations professionnalisantes. Lepremier acte de Georges Molinié, au lendemain de son élection, fut desupprimer le panneau indiquant, au 18, rue de la Sorbonne, l'antennemise en place par son prédécesseur pour aider les étudiants à créerleur entreprise… «La loi LRU, analyse Alain Renaut, a politisé lesélections de président d'université, et notamment à Paris-IV, oùJean-Robert Pitte, pendant son mandat, avait affirmé des convictionsmarquées en faveur de l'autonomie. Bien que majoritaire auprès desprofesseurs, il a été battu par le vote des maîtres de conférence, desétudiants et des personnels administratifs. Une alliance hétéroclitedont Georges Molinié est aujourd'hui l'otage.»

Rien là quis'apparente à un clivage gauche-droite, le syndicat AutonomeSup, classéà droite, ayant soutenu Molinié avant de prendre ses distances. Mais,par-delà les oppositions personnelles, se joue symboliquement à laSorbonne une part de l'avenir des universités françaises. Alain Renautle rappelle : «Il y a chaque année cinq cents étudiants en master dephilosophie à Paris-IV. Et soixante places au capes et à l'agrégationde philosophie pour la France entière.» L'université française n'a pasrépondu au défi de la massification : concilier l'indispensableautonomie du savoir pour les futurs chercheurs et l'insertionprofessionnelle pour les autres. La trentaine de jeunes qui bloquentencore Paris-IV, avec ou sans la bénédiction du président, n'ont àproposer que le naufrage pour tous.

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Parmi les commentaires sur le site du Figaro:

- attaque scandaleuse

16/05/2009 à 12:13

Qu'ontà faire dans cet article des remarques déplacées sur la pensée et lesécrits scientifiques de Georges Molinié ? Que je sache, l'auteur de ceslignes n'est pas spécialiste de philologie et stylistique ? Quant à laremarque sur les regards des étudiantes, le sous-entendu est toutsimplement écoeurant.

- désinformation

15/05/2009 à 09:36

Jesuis enseignante en anglais à la Sorbonne, et je remercie M. Molinié.Les profs et étudiants en grève veulent que l'université reste unservice public peu onéreux et accessible à tous, et oui, c'est celal'intérêt supérieur des étudiants actuels et à venir.
HEC coûte 8.000 euros annuels (et bientôt 12.000). Si de tels tarifsétaient appliqués à l'université, qu'arriverait-il (je rappelle quel'université payante nécessitant endettement n'est pas une fiction,mais a été proposée par 92 députés UMP il y a quelques mois). Celavoudrait dire des masters, soit 5 années, à 8.000 euros par exemple(chiffre avancé par M. Pitte à plusieurs reprises quand il étaitprésident de la Sorbonne), soit 40.000 euros. Quel magistrataccepterait d'être commis d'office avec faible rémunération après avoirpayé si cher ses études? Un doctorat à 64.000 euros. Quel médecinacceptera de faire des consultations à 21 euros? Derrière les fraisd'inscriptions à l'université se chachent des problématiques bien plusgraves qu'un semestre en péril: accès à la justice (disparition desavoués et menaces sur les notaires au profit des avocats plus onéreuxet moins accessibles) et aux soins (avec l'objectif d'aligner lestarifs de l'hôpital public sur les cliniques privées qui n'est pasvraiment remis en cause malgré les reculs sur la loi HPST)...
Qui pourra devenir médecin ou magistrat? Les banques, on le sait, neprêtent qu'aux riches, seuls les étudiants de familles aisées pourronts'endetter, et les autres seront disqualifiés non par leurs résultatsscolaires, mais par leurs capacités financières. Et même dans unefamille modeste, qui s'imagine commencer dans la vie avec une dette de24.000 euros pour une licence? Comment accéder à la propriété dans cesconditions? Il me semble que c'était un des chevaux de campagne de M.Sarkozy...
Les étudiants et profs en grève sont convaincus que la question qui sepose est celle de la société que nous voulons pour demain: lerenouvellement des élites financières et l'approfondissement du fosséentre les pauvres et les riches, ou bien la possibilité à chaque enfantde France de progresser dans la société grâce à des études bon marchémais de qualité qui donnent accès à des professions mieux considéréeset mieux rémunérées que celle de leurs parents à faibles revenus?
J'ajoute que nos étudiants et nous-mêmes sommes égalementdouloureusement conscients des changements dramatiques des critèresd'attribution des bourses où les plus grands facteurs de pauvreté(parent isolé et éloignement domicile-université) et de discrimination(handicap) sont supprimés ou revus à la baisse.
Alors merci à M. Molinié d'avoir pris conscience de la précarité despersonnels BIATOSS, et d'avoir permis aux étudiants et à leursenseignants d'attirer l'opinion publique sur les véritables menaces quipèsent sur le système public d'enseignement supérieur. Et qu'on nem'accuse pas de tout mélanger, parce que tout cela est intimement lié.