Questions de société
Projet de décret portant modification des conditions de recrutement des Professeurs des Écoles.

Projet de décret portant modification des conditions de recrutement des Professeurs des Écoles.

Publié le par Marc Escola

On lira à la suite des éléments d'analyse fournis par André Ouzoulias (IUFM Versailles), et en document joint (pdf) au bas de la page un tableau comparatif entre le décret actuel (1990), l'actuel projet de décret modificatif et le texte consolidé.

Projet: Décret portant modification des conditions de recrutement des professeurs des écoles

Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre de l'éducation nationale ;
Vu la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, notamment son article 10 ;
Vu le code de l'éducation, notamment son article L911-1-1 ;
Vu le code général des collectivités territoriales, notamment son article LO 6113-3 ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires, ensemble la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
Vu le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 modifié relatif aux commissions administratives paritaires ;
Vu le décret n° 85-899 du 21 août 1985 modifié relatif à la déconcentration de certaines opérations de gestion du personnel relevant du ministère de l'éducation nationale ;
Vu le décret n° 90-680 du 1er août 1990 modifié relatif au statut particulier des professeurs des
écoles ;
Vu le décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 modifié portant dispositions communes aux stagiaires de l'Etat et de ses établissements publics ;
Vu le décret n°98-304 du 17 août 1998 fixant les conditions dans lesquelles les professeurs des écoles stagiaires justifiant d'un titre ou diplôme les qualifiant pour enseigner, délivré dans un Etat membre de la Communauté européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, peuvent être titularisés ;
Vu le décret n° 2003-1260 du 23 décembre 2003 modifié fixant les dispositions statutaires applicables aux professeurs des écoles du corps de l'Etat créé pour la Polynésie française ;
Vu le décret n°2004-1105 du 19 octobre 2004 modifié relatif à l'ouverture des procédures de recrutement dans la fonction publique de l'Etat ;
Vu le décret n° 2007-1290 du 29 août 2007 relatif aux conditions d'application à Mayotte des dispositions statutaires relatives aux professeurs des écoles ;
Vu le décret n°2007-1470 du 15 octobre 2007 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie des fonctionnaires de l'Etat ;
Vu l'avis du conseil général de Mayotte en date du………………………….. ;
Vu l'avis du gouvernement de la Polynésie française en date du  …………
Vu l'avis du comité technique paritaire ministériel du ministère de l'éducation nationale en date du ……. ;
Vu l'avis du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat en date du   ……. ;
Le Conseil d'État (section de l'administration) entendu ;
DECRETE

Chapitre 1er
Dispositions permanentes

Article premier
Le décret du 1° août 1990 susvisé est modifié conformément aux dispositions des articles 2 à 11 du présent décret.

Article 2
L'article 7 est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. 7 – I. Peuvent se présenter au concours externe et au concours externe spécial :
1° les candidats justifiant, à la date de clôture des registres d'inscription, qu'ils sont inscrits en dernière année d'études en vue de l'obtention d'un master ou d'un titre ou diplôme jugé équivalent, dont la liste est déterminée par arrêté du ministre chargé de l'éducation.
2° les candidats justifiant, à la date de clôture des registres d'inscription, de la détention d'un master ou d'un titre ou diplôme jugé équivalent, dont la liste est déterminée par arrêté du ministre chargé de l'éducation.
Les professeurs des écoles, stagiaires et titulaires, ne peuvent pas faire acte de candidature.
II. Peuvent être nommées dans le corps des professeurs des écoles en tant que fonctionnaires stagiaires les personnes ayant réussi le concours externe et détentrices d'un master ou d'un titre ou diplôme jugé équivalent, dont la liste est déterminée par arrêté du ministre chargé de l'éducation.
La nomination en tant que fonctionnaires stagiaires des personnes ayant réussi le concours externe qui ne peuvent présenter l'un des diplômes mentionnés à l'alinéa précédent lors de la rentrée scolaire suivant leur réussite au concours est reportée à la rentrée scolaire suivante. A cette date, celles qui ne peuvent justifier d'un de ces diplômes perdent le bénéfice du concours et ne peuvent être nommées stagiaires. ».
Article 3
Le premier alinéa de l'article 8 est remplacé par les dispositions suivantes : « Les candidats reçus au concours externe ou au concours externe spécial et remplissant les conditions de nomination dans le corps sont nommés professeurs des écoles stagiaires et classés au premier échelon du corps. ».
Article 4
Les premier, deuxième, troisième, quatrième et cinquième alinéas de l'article 10 sont abrogés.

Article 5
L'article 12 est modifié ainsi qu'il suit :
1° Le premier alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :
 « Les professeurs des écoles sont nommés fonctionnaires stagiaires pour une durée d'un an. A l'issue du stage, dont les conditions sont fixées par arrêté du ministre chargé de l'éducation et qui comporte une formation, la titularisation des professeurs des écoles stagiaires est prononcée par l'inspecteur d'académie- directeur des services départementaux de l'éducation nationale du département dans le ressort duquel le stage est effectué, sur proposition d'un jury. La titularisation confère le certificat d'aptitude au professorat des écoles.» ;
2° Le troisième alinéa est abrogé.
Article 6
Le premier alinéa de l'article 13 est remplacé par les dispositions suivantes :
«A titre exceptionnel, les stagiaires qui n'ont pas été titularisés peuvent être autorisés à effectuer une nouvelle année de stage. Ceux qui ne sont pas autorisés à renouveler le stage ou qui, à l'issue de la seconde année de stage, n'ont pas été titularisés, sont soit licenciés, soit réintégrés dans leur corps d'origine s'ils avaient la qualité de fonctionnaire ».

Article 7

L'article 17-2 est modifié ainsi qu'il suit :
1° Au 1° et au 3° de l'article 17-2, les mots : « de l'un des titres ou diplômes requis des candidats au concours externe » sont remplacés par les mots : « et d'une licence ou d'un titre ou diplôme jugé équivalent, dont la liste est déterminée par arrêté du ministre chargé de l'éducation » ;
2° Au 2°, les mots : « instituts universitaires de formation des maîtres » sont remplacés par les mots : « établissements d'enseignement supérieur ».

Article 8
L'article 17-4 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. 17-4 - Les professeurs des écoles stagiaires sont affectés et accomplissent un stage selon les modalités prévues aux articles 10 et 12 ».

Article 9
Le troisième alinéa de l'article 17-15 est remplacé par les dispositions suivantes : « Les professeurs des écoles stagiaires sont affectés et accomplissent un stage selon les modalités prévues aux articles 10 et 12. Ils sont soumis aux dispositions des articles 11 et 13. ».

Article 10
Au premier alinéa de l'article 28, les mots « d'un des titres ou diplômes mentionnés à l'article 7 ci-dessus » sont remplacés par les mots : « de la licence ou d'un titre ou diplôme jugé équivalent, dont la liste est déterminée par arrêté du ministre chargé de l'éducation ».


Article 11
Le chapitre V est abrogé.


Chapitre II
Dispositions transitoires et finales
Article 12

1° Par dérogation aux dispositions de l'article 2, peuvent se présenter aux concours externes organisés au titre de la session 2010 et être nommés fonctionnaires stagiaires à la rentrée 2010 les candidats présents aux épreuves d'admissibilité des concours externes organisés en 2009. Ces candidats doivent remplir les conditions d'inscription en vigueur lors de la session 2009 pour le concours auquel ils postulent.

2° Par dérogation aux dispositions de l'article 2, peuvent se présenter aux concours externes organisés au titre de la session 2010 les candidats inscrits en première année de master à la rentrée universitaire 2009 qui ne se sont pas présentés aux épreuves d'admissibilité de la session 2009. En cas de réussite au concours, et sous réserve de l'obtention du master à l'issue de l'année universitaire 2010-2011, ils sont nommés stagiaires lors de la rentrée 2011.
Article 13
Les dispositions des articles 4, 5, 6, 8 et 9 entrent en vigueur à la rentrée scolaire 2010.

Article 14
Les dispositions du présent décret sont applicables aux stagiaires à compter de la rentrée scolaire 2010, à l'exception de ceux qui, nommés stagiaires antérieurement à cette date, n'ont pas accompli la totalité de leur stage.

Ces derniers complètent et valident leur stage dans les conditions en vigueur au moment où ils ont été nommés stagiaires.
Article 15
La ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, le ministre de l'éducation nationale, le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, le secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique et le secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le

Par le Premier ministre :François FILLON

Le ministre de l'éducation nationale

              Xavier DARCOS

La ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Michèle ALLIOT-MARIE


Le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Eric WOERTH


Le secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer

Yves JEGO

Le secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique

  André SANTINI

*  *  *

La diffusion du projet de décret sur la réforme du recrutement et de la formation des PE (voir deux PJ sous Word), maintient la réforme annoncée l'an dernier et signe la disparition des IUFM (si, dans le modèle Darcos, ils n'existent pas pour l'année cruciale après M2, ils disparaîtront très vite, sans que le MEN ait besoin de les supprimer officiellement). Cela laisse perplexe : que cherche le gouvernement avec ce texte qui nous ramène à peu de choses près au 2 juin 2008 ?

Je propose que la CNFDE fasse connaître largement ce projet de décret dès lundi et le commente par un communiqué. Elle pourrait par exemple interpeller le premier ministre : cette façon "d'ouvrir des discussions" est méprisante et inacceptable ! M. Darcos agite-t-il ainsi la menace de publication prochaine d'un décret pour peser sur les discussions qui ont commencé ? M. Darcos peut-il à la fois utiliser cette provocation et prétendre que l'ensemble des organisations syndicales et lui se sont mis d'accord (comme il l'a fait lors d'une émission de Canal +, le 12 avril dernier) ? À quoi bon un "Groupe de travail" sur la place des concours quand il est déjà écrit qu'ils auront lieu après M1 (donc en M2) ? Quel espace de liberté auraient les participants à ce Groupe de travail si ce n'est, au mieux, de placer les épreuves d'admissibilité entre octobre et janvier ?

La CNFDE ne pourrait-elle pas demander aux syndicats de refuser de siéger et à la commission Marois-Filâtre de s'auto-suspendre tant que quatre conditions ne sont pas remplies :

a) Le MEN prend l'engagement de reconduire intégralement le dispositif actuel en 2009/2010 (les lauréats du concours sont immédiatement nommés fonctionnaires-stagiaires et bénéficient de la formation actuelle, il ne leur est pas demandé de faire une année de M2 avant de devenir fonctionnaires-stagiaires).
b) Ce projet de décret PE inamendable n'est plus utilisé comme base de travail et est rangé aux musée des songes révolus ; le projet de réforme doit être intégralement remis à plat.
c) La DGES n'est plus saisie de l'évaluation des quelques masters que l'AERES n'a pas voulu évaluer (pour une moitié, des masters de l'enseignement catholique).
d) Le gouvernement abroge le décret antilaïcité n°2009-427 du 16 avril 2009
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=?cidTexte=JORFTEXT000020530672&dateTexte=&oldAction=rechJO&categorieLien=id
qui a pour conséquence de reconnaitre à l'enseignement catholique (et par suite, bientôt, à toutes sortes de boîtes privées post-bac, confessionnelles ou non) le pouvoir de former les enseignants du public*.

Voyons quel paysage se dessine avec ces diverses touches. Il y a le projet actuel de réforme de la FDE, dans laquelle l'État se dessaisirait de la formation et se retrancherait dans un rôle de "recruteur" et qui fabriquerait, avec les reçus-collés, une armée de précaires corvéables à merci. Il y a le décret antilaïcité du 16 avril 2009. Il y a la suppression progressive de la carte scolaire et la mise en concurrence des établissements, etc. Quand on met en perspective toutes ces mesures, une cohérence apparaît assez clairement : l'éclatement de l'école républicaine et de la fonction publique d'État dans l'EN.
Le 16 janvier 1994, à l'appel de 116 organisations, des millions de citoyens ont marché à Paris pour défendre la laïcité. Leur mobilisation a contraint le gouvernement Balladur à reculer. Les mêmes organisations ne pourraient-elles pas se réunir sans délai et décider une riposte de même ampleur avant les congés d'été ?
La CNFDE ne pourrait-elle lancer un appel en ce sens (se réunir vite pour riposter ensemble avec force) avec l'aide des organisations qui sont les plus sensibles à ces dangers : la coordination nationale des universités, la FSU, l'UNSA, SLR, SLU, la FCPE, l'UNEF…
Nous avons de nombreux motifs de colère et il y a autant de fronts que de "réformes" mises en route (LRU, suppressions de postes, RASED, école maternelle, statut des EC, réforme des organismes de recherche, réforme de la FDE, etc.). Il se pourrait que le décret anti-laïcité donne le signal d'une insurrection pacifique qui rassemble tous ces fronts en un seul, pour défendre l'école républicaine.

Le gouvernement montre qu'en dépit de mobilisations historiques, il s'obstine à mettre en oeuvre sa politique. Mais il n'est pas dit que nous soyons moins obstinés que lui.

André Ouzoulias
IUFM de Versailles - Université de Cergy-Pontoise

* Cette dernière réforme me semble plus grave que celle du financement des écoles privées engagée en 1993 sous le ministère Balladur et contenue dans un amendement de la loi Falloux déposé par le député de droite Bruno Bourg-Broc en juillet 1993 (cf. "Main basse sur l'école", E. Khaldy et M. Fitoussi, Demopolis, p. 136 à 142, http://www.main-basse-sur-ecole-publique.com). Caroline Fourest la dénonce avec vigueur dans "Le Monde" daté du 2 mai.

L'annulation de la conférence de presse de l'Enseignement catholique prévue pour le 5 mai sur la FDE et les "masters enseignement" pourrait avoir été concertée avec le cabinet Darcos pour éviter de jeter de l'huile sur le feu. C'est plausible quand on connait le rôle que Darcos a joué en faveur du lobby de l'école privée, au sein du MEN, notamment entre 1993 et 1995 (voir "Main basse…" op. cit.).