Questions de société
Procès des Militants anti-Lru (16/02/10):

Procès des Militants anti-Lru (16/02/10): "10 heures d'audience hallucinantes au tribunal correctionnel d'Avignon"

Publié le par Bérenger Boulay (Source : Poolp)

Communiqué du comité Vaucluse contre la répression.

Manifestants anti-LRU du printemps 2009 contre forcesde l'ordre : 10 heures d'audience hallucinantes au tribunalcorrectionnel d'Avignon, le 16 février 2010

Témoignage :

Pour éclairer les lanternes, retour sur les faits.Printemps 2009 : depuis plusieurs semaines, l'Université d'Avignon esten grève pour protester contre la loi LRU et participe aux actionsinitiées par la Coordination Nationale des Universités. Manifs et AG sesuccèdent…

Le 1er avril, une trentaine d'étudiants ainsi que desenseignants investissent la mairie pour tenter de rencontrer M.-J.Roig, maire de la ville et députée UMP, donc solidaire de lapromulgation de la LRU. Ils ont l'audace de se rendre au premier étage,où se trouvent les bureaux des élus et sont reçus par un conseillermunicipal qui dialogue avec eux, leur promettant un prochainrendez-vous. Les manifestants ne se contentent pas de cette vaguepromesse et refusent de quitter les lieux. La police municipaleintervient alors sans sommation et évacue de manière musclée lesénergumènes, ainsi que « leur dangereux ‘porte-parole' ».Dans la bousculade qui s'ensuit, à l'intérieur du bâtiment, plusieursétudiants sont molestés ainsi qu'un de leurs professeurs qui est blesséà l'oreille et saigne abondamment.
En relatant ce moment, Mme le Procureur déclarera quel'occupation du premier étage ne pouvait être tolérée, car ledit étage,abritant les bureaux des élus, est un lieu privé ! Elle ajoutera, qu'unConseiller Municipal qui n'était pas « un quelconque employé subalterne »a pris le temps de les écouter et qu'ils auraient alors dû quitter leslieux, flattés – doit-on croire – de l'attention qui leur avait ainsiété accordée. _ À l'extérieur de l'hôtel de ville, le «  porte parole »des étudiants, considéré par Mme le Procureur comme un agitateur et unmeneur dangereux, fera l'objet d'un traitement spécial de la part dedeux motards de la police municipale. Manque de bol pour les deuxpandores, un passant, ancien pompier à la retraite, choqué par lasauvagerie de la scène avec volonté délibérée de faire mal, seprésentera spontanément pour témoigner. Deux étudiants, leur « porte parole »et le professeur décident de porter plainte contre la policemunicipale. Convoqués au commissariat où ils doivent être entendus surles faits du 1er avril, trois d'entre eux sont interrogés surl'occupation de la gare SNCF du 11 mars et reconnaissent leurparticipation à cette action. Fin de l'épisode mais l'affaire n'est pasterminée.

En décembre 2009, deux des étudiants ainsi que leprofesseur qui ont porté plainte pour coups et blessures contre lapolice municipale lors de l'évacuation de la mairie le 1er avrilreçoivent une convocation en vue d'une « comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité » pour avoir « troublé ou entravé la mise en marche ou la circulation des trains au préjudice de la SNCF ».Le 17 décembre, les trois comparaissent donc devant le procureur etsont condamnés à des amendes avec sursis, ainsi qu'à verser desdommages et intérêts à la SNCF.

Le quatrième n'est pas convoqué et pour cause : lors del'occupation des voies il était en garde à vue mais sa plainte contreles deux motards de la police municipale a été instruite, il reçoitdonc une convocation pour le 16 février devant le tribunalcorrectionnel, en qualité de plaignant… Enfin c'est ce qu'il croyait...car quelques jours seulement avant l'audience il apprend qu'il estégalement poursuivi pour avoir porté des coups à des représentants desforces de l'ordre les 11 mars et le 1er avril.

Les plaintes des deux autres étudiants et du professeurn'ont pas abouti et n'ont, semble-t-il, même pas été traitées,puisqu'elles n'ont pas non plus été classées officiellement sanssuite ; par contre le professeur est lui aussi convoqué le 16 févrieret poursuivi pour avoir maculé le visage d'un policier avec sa mainensanglantée !!!

Nous voilà donc arrivés au procès du 16 février.Quatre prévenus : le « porte parole de la contestation estudiantine »,le professeur et les deux motards de la police municipale. Quatreplaignants : ledit «  porte parole » des étudiants et trois policiers.

Nous sommes sur place un peu avant 9 h, afin d'êtreprésents nombreux dans la salle ; c'était sans compter sur lamobilisation de la caste en uniforme qui a investi la salle dès 8h30pour apporter son soutien, elle aussi, aux braves collègues accusés età leurs camarades victimes de la sauvagerie des manifestants. Sicertains d'entre-nous peuvent pénétrer après être passés entre lesbarrières filtrantes et la haie des préposés au maintien de l'ordre, laplupart doit se contenter de rester dans le hall. Commencée à 8h30,l'audience va s'éterniser durant 10 heures. Mme la Juge, refaitl'instruction, interroge un à un chaque témoin, se montreparticulièrement tatillonne lorsqu'il s'agit des témoins de nos deuxcamarades (et beaucoup moins quand ce sont les policiers qui sesoutiennent les uns les autres, même si leurs propos sontcontradictoires voire incohérents), tend des pièges, cherchel'incident, le délit d'outrage. Elle relit les dépositions, lesenregistrements, parle, parle, n'en finit plus, embrouille. Sesquestions se succèdent telle une rafale, elle coupe la parole,interrompt, bref il faut parfois se pincer pour savoir si l'on n'estpas en train de rêver, si nous ne sommes pas dans un procès d'assises,si les prévenus ne sont pas les assassins présumés du président Carnot.Tout ce cirque pour un vague hématome sur le bras de l'un, pour du sangsur le visage d'un autre, par contre jamais une seule question sur lepourquoi de la fameuse main ensanglantée c'est-à-dire sur lesbrutalités subies par les « prévenus », bien réelles celles-là.

Nul doute que la valeur accordée aux témoignages despoliciers est sans commune mesure avec celle accordée à ceux du commundes mortels , surtout si ce sont d'autres professeurs ou desétudiants ! Nul doute qu'un pauvre policier n'ait été gravementperturbé après avoir reçu, prétend-il, du sang provenant de la blessured'un simple professeur d'université ! Nul doute qu'il ne soitparfaitement légitime pour des policiers d'user sans aucune retenue dela force à l'encontre de manifestants, y compris pacifiques. Hors dequestion de douter un seul instant de la valeur probante d'unprocès-verbal où l'un des prévenus est censé avouer le délit : certesces « aveux » ne sont – évidemment – pas signés ;mais peu importe puisqu'il ne s'agit pas d'un procès-verbal d'auditionmais d'un simple PV de transport où le policier relate… ce qu'il aconstaté ! À l'accusé, présumé coupable, de prouver – s'il le peut –qu'il n'a pas tenu les propos que la police lui attribue ! Aucunscrupule à suggérer que l'origine ethnique et sociale d'un individuvoire son adhésion à un parti politique légal et même son militantismeassociatif pourraient le prédisposer à troubler l'ordre public, surtoutsi celui qui comparaît a eu l'outrecuidance d'être un peu trop visibledurant le conflit à l'origine des échauffourées. Pas question il vasans dire d'admettre une quelconque légitimité à la contestation –d'ailleurs Mme le Juge a refusé que soient évoquées les revendicationsdes opposants à la loi LRU et Mme le Procureur a quant à elle estiméque le simple fait de prendre des initiatives dans la conduited'actions de manifestation, était déjà un délit...

Ce procès tant par sa longueur disproportionnée que parla teneur des débats a davantage côtoyé le ridicule que redoré leblason de la police et de la justice. Certes le délibéré ne sera renduque le 16 mars, mais les réquisitoires ont été de 6 mois avec sursispour le « porte-parole » des étudiants, de 1 mois avec sursis pour leprofesseur + 500 euros d'amende et… de 1 mois avec sursis pour lepolicier municipal.

Il est parfaitement symptomatique du sort réservéaujourd'hui à toute forme de contestation. Pas question de céder auxpressions des mouvements sociaux. L'heure est à réprimer et à faire desexemples. À soutenir sans condition les exécutants du pouvoir qui ontfinalement carte blanche pour accomplir leurs basses oeuvres. À unmoment où, avec la catastrophique mise en place de la« masterisation », la contestation renaît dans les universités, où unpeu partout les victimes du libéralisme sauvage relèvent la tête, ilimporte de neutraliser les « meneurs », de clouer le bec auxcontestataires, d'intimider et de dissuader tous ceux qui pourraientêtre tentés de les rejoindre.

Le 16 mars 2010, le ComitéVaucluse contre la Répression, appelle tous ceux qui se sententconcernés à les rejoindre à partir de 9h devant le Palais de Justiced'Avignon.

Le Comité, invite Mesdames et Messieurs lesjournalistes à venir participer à une conférence de presse, ce mêmejour et en ce lieu.

contact@haltealarepression.org