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Prenez garde à la révolte des personnages, par P. Assouline (larepubliquedeslivres.com)

Prenez garde à la révolte des personnages, par P. Assouline (larepubliquedeslivres.com)

Publié le par Marc Escola

Prenez garde à la révolte des personnages

par Pierre Assouline (en ligne le 6 juin 2020, sur son blog larepubliquedeslivres.com)

 

Il arrive que des personnages de romans ou de récits se rebellent. Généralement, ils sont de chair et d’os, y apparaissent nommément, s’estiment maltraités et se révèlent procéduriers.Yann Moix, Pierre Jourde, Christine Angot, Edouard Louis en ont fait les frais ces dernières années et le souvenir ne leur en est pas agréable. Etrangement, les personnages de pure fiction, dont la popularité a métamorphosé le nom propre en nom commun, gardent leur colère pour eux lorsqu’on leur fait de mauvaises manières. Pourtant les occasions ne leur manquent pas de se rebiffer, en politique notamment.

On se souvient de la hargne avec laquelle Nicolas Sarkozy avait poursuivi cette pauvre princesse de Clèves dans des interventions publiques entre 2006 et 2008, confessant plus tard avoir « souffert sur elle ». Entendez que son professeur du Cours Saint-Louis de Monceau avait été assez sadique pour lui faire apprendre par coeur le magnifique roman de Mme de Lafayette, long il est vrai de plusieurs centaines de pages. Il en fut si traumatisé que par trois fois, ministre, candidat aux élections puis président de la République, il ridiculisa l’exquise héroïne au motif qu’elle figurait au programme de l’oral du concours d’attaché d’administration. Au scandale succéda une polémique bien française. Nul ne songea à déposer ne fut-ce qu’une main courante contre l’effronté qui avait ainsi attenté à la vertu littéraire de Madame de Clèves mais il s’en fallut de peu.

On croyait ces temps révolus. Or voici que Vincent Lindon vient de s’y mettre à son tour en instrumentalisant à des fins politiques l’imposante stature de Jean Valjean, « le » héros des Misérables, incarnation de la bonté universelle et de la capacité à s’améliorer que possède chaque être humain.Dans un appel diffusé par Mediapart, longue et grave réflexion lue face caméra chez lui sur ce que la pandémie révèle du mal français, du dénuement sanitaire aux mensonge gouvernementaux, l’acteur déplore à hauteur de citoyen : « Comment ce pays si riche… Comment a-t-on pu en arriver là ?.. ». Un réquisitoire en règle mais accompagné de solutions. Notamment celle-ci :

« Une contribution exceptionnelle, baptisée « Jean Valjean », conçue comme une forme d’assistance à personnes en danger, financée par les patrimoines français de plus de 10 millions d’euros, sans acrobaties, à travers une taxe progressive de 1 % à 5 %, avec une franchise pour les premiers 10 millions d’euros. »

Relayé, loué, critiqué, contesté, l’appel fut âprement commenté. […]

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(Photo Saul Leiter)