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Appels à contributions
Prendre la plume des Lumières aux Romantismes. Pratiques de l’écrit dans l’Europe de la fin de l’époque moderne.

Prendre la plume des Lumières aux Romantismes. Pratiques de l’écrit dans l’Europe de la fin de l’époque moderne.

Publié le par Marc Escola (Source : Matthieu Magne)

Prendre la plume des Lumières aux Romantismes.

Pratiques de l’écrit dans l’Europe de la fin de l’époque moderne.

 

Après la journée d’étude du 13 novembre 2015, et les riches échanges auxquels elle a donné lieu, le travail se poursuit dans le cadre d’une publication scientifique. Il sera ainsi possible d’enrichir les contributions présentées à cette occasion, des apports méthodologiques et réflexifs autour de cas précis qui viendront prolonger et élargir un champ d’études qui a révélé sa complexité. Ces études de cas sont l’objet de cet appel à contribution.

L’équilibre entre histoire matérielle, histoire culturelle et études littéraire s’est révélé fécond. Le travail autour des pratiques de l’écrit, perçues et vécues comme un plaisir ou un effort, un besoin ou une nécessité, un devoir ou une prise de position, a permis de faire émerger quelques unes des voies multiples de l’élaboration d’un langage nouveau pour traduire les réalités du tournant du siècle – et parfois s’en échapper. Avec l’écriture de soi et les jeux de conventions, les écritures mémorielles et les interventions ou les figurations des scripteurs, une variété d’attitudes a été mise au jour. Semblables et différentes à la fois, elles ont permis d’envisager les notions d’auteur, d’écrivant ou d’écrivain au fil de la plume, en distinguant l’outil et ses usages des représentations qui y sont attachées.

Avec cet appel à contribution, c’est une nouvelle fois les comparaisons et les différenciations, les confrontations et les convergences qu’il faut tenter de dégager en mettant en œuvre les apports des différentes disciplines autour de l’entrée dans la modernité littéraire et graphique. La culture matérielle, les aspects techniques sont au centre de la thématique, pour retrouver un geste dont il ne reste que l’expression, investi de sens pluriels par les hommes et les femmes qui écrivent.

La mise au jour des états successifs des manuscrits des XVIIIe-XIXe siècles et les apports de la critique génétique permettent de se centrer sur la main qui tient la plume. La forme et le contenu des manuscrits témoignent ainsi des heures passées à l’écritoire, du choix des plumes, de l’encre et du papier. Les brouillons comme ces cartes à jouer griffonnées de Jean-Jacques Rousseau, la mise au net des feuillets par les réécritures et les impressions, le rapport à un lectorat évolutif et au monde éditorial sont autant de supports d’étude pour poser la question d’une culture de l’écrit au tournant du siècle.

Le travail sur le contexte et les circonstances de production permet d’aborder les contraintes et les nouvelles opportunités qui s’offrent à celles et ceux qui écrivent dans l’Europe du congrès de Vienne, une Europe éditoriale en pleine mutation. L’examen du traumatisme révolutionnaire est à poursuivre : les contributions qui feront intervenir le mutisme ou l’engagement de la « plume » dans le champ des troubles politiques et militaires ou des controverses et guerres de plumes qui marquent la période compléteront utilement les perspectives déjà abordées.

Au travers de l’écriture de soi, pour soi et pour les autres, les correspondances et les journaux mettent en lumière toute la porosité qui existe entre les « genres » dans un espace littéraire qui dépasse la sphère de l’édition. Le croisement des regards littéraires et historiques ont souligné la vitalité et le besoin de nouvelles approches méthodologiques pour réexaminer ces sources. La littérature de société, les interférences entre écriture normative et entrée en littérature sont des thèmes à approfondir au prisme des interpénétrations et des glissements entre des codes reçus et partagés, mais dont l’établissement est constamment réinvesti par les contemporains. À ce titre, une attention particulière sera portée aux propositions évoquant l’utilisation d’écriture chiffrée, les textes à clefs et le cryptage à l’image des journaux de Benjamin Constant rédigés à l’aide de l’alphabet grec.

L’attention se portera donc sur la production circonstanciée de sources variées, en faisant la part des stratégies et du pragmatisme des écrivains. Les positions prises et la valeur accordée au manuscrit, à l’impression et à la publication, le statut et la situation de celui qui écrit au moment où il passe à l’acte doivent permettre d’analyser comment les notions d’auteur, d’érudit et d’homme de lettres se reconfigurent à l’épreuve de l’écriture, faisant apparaître des figures originales depuis les aristocrates amateurs cultivant l’écriture sans contrainte jusqu’aux poètes maudits.

Abordé à l’échelle européenne au travers de la mise en relation de situations précises, le monde des élites nobiliaires révèle toute sa richesse et le besoin d’approches nuancées. Des perspectives ont été ouvertes vers celui des administrateurs et des érudits, qu’il  faut étendre aux univers des élites du savoir, du commerce, aux pratiques religieuses et aux acteurs sans autre ressource que celle de leur plume (écrivains publics, « nègres » et secondes plumes)  sans hésiter à se tourner autant que possible vers les pratiques de ces presque illettrés qui portent sur eux les bracelets de parchemins chers à Arlette Farge (Le bracelet de parchemin, l’écrit sur soi au XVIIIe siècle, Paris, Bayard, 2003) et qui sont apparus en filigrane au cours de la journée.

L’analyse du rapport à la plume devra prendre en compte le sens le plus concret comme les valeurs d’affectivité, d’engagement ou de représentation qui s’en dégagent, pour tenter de mieux comprendre le passage complexe à un nouveau régime de l’écrit où le rythme du télégraphe et de la machine à écrire remplace peu à peu le mouvement de la plume à l’encrier.

 

Les thèmes suivants sont à privilégier :

-Matérialité et conditions pratiques de l’écriture, privilégiant l’approche contextualisée des techniques, leur évolution et le regard anthropologique sur les usages de nouveaux supports, la calligraphie, les marginalia, notes, brouillons et toutes « traces » qui permettent de ressaisir le geste d’écriture.

-Les enjeux éducatifs attachés aux pratiques de l’écrits : traités d’éducations, définition des « arts d’écrire », expériences pratiques et mise en rapport des codes intégrés de l’écriture dans différent domaines professionnels, scientifiques, personnels et littéraires.

-Les temps et les lieux de l’écriture : enjeux culturels et sociaux attachés au geste, construction de sociabilités écrivantes, depuis l’interrogation sur les « salons virtuels » et les cercles amateurs jusqu’à la formation des boutiques d’esprits et les cénacles d’écrivains.

-L’écriture du temps avec le corps vieillissant, la description d’événements traumatisants ou déstabilisants comme l’épisode révolutionnaire et l’Émigration, et les aspects physiques autour de la thématique « tenir la plume » : écriture et maladie, corps écrits, écriture du traumatisme.

-Les logiques du lecteur, de l’auteur et de l’éditeur qui encadrent le geste de l’écrivain : trois figures assumées, contournées, rejetées ou appropriées dont la rencontre transforme les textes, apportant des modifications parfois inattendues aux versions que reçoivent des publics variés. Les coupures, interventions dans les textes, projets des auteurs et réalités de l’écriture, correspondances avec les éditeurs et amis, relectures et corrections, œuvres à plusieurs mains sont des thèmes à développer.

-Le rapport au statut d’auteur et d’homme de lettre, la valeur accordée au manuscrit, les attitudes face à la publication, les jeux avec les codes en vigueur, les expérimentations qui bouleversent le champ littéraire au début du XIXe siècle.

 

Le français et l’anglais seront les deux langues de rédaction des articles.

Envoi des propositions de contributions.

Les propositions d’article, qui ne doivent dépasser 2 000 signes, sont à envoyer accompagnées d’un bref curriculum vitae, à Matthieu Magne (matthieu-magne@wanadoo.fr) au plus tard le 29 février 2016, pour une remise des articles au plus tard le 30 mai 2016.