Revue
Nouvelle parution
Pratiques, n°141-142,

Pratiques, n°141-142, "La synonymie"

Publié le par Marielle Macé (Source : Gilles Petrequin)

Le dernier numéro de la revue Pratiques, consacré à la synonymie, vient paraître:

PRATIQUES,

Linguistique – Littérature – Didactique

n°141-142, juin 2009

La synonymie


Les propriétés définitoires de la synonymie (domaine linguistique, nature de la relation, fonction, résidu problématique) peuvent s'énoncer ainsi :

– Le domaine convoqué par la synonymie est celui de la sémantique lexicale : s'y rattache notamment l'attention portée à l'unité mot, étant donné l'association d'une forme et d'un sens que le mot symbolise (valeur d'usage) mieux que toute autre structure signifiante ;

– La reconnaissance d'une relation de sens (« une analogie générale de sens », le contenu « conceptuel » commun) entre deux ou plusieurs unités lexicales ;

– L'appartenance des synonymes à une même catégorie grammaticale, plus précisément, à une catégorie « lexicale » : noms, verbes, adjectifs et adverbes ;

– La fonction différentielle de la synonymie pour dissocier les acceptions d'une entrée polysémique, et pour s'interroger sur le statut du sens figuré (l'exemple de courir) ;– Le test de la substituabilité entre les unités synonymes, et le rôle du cotexte syntagmatique pour rejeter ou accepter une commutation de termes ;

– La discussion sur l'espace de recouvrement sémantique (synonymie absolue, partielle, ou approximative) entre les unités lexicales ; autrement dit, la possibilité de considérer des degrés de synonymie ou d'établir une échelle de valeurs ;

– L'analyse sémantique en composants noyaux (l'analogie générale, les traits fixant « la constante notionnelle ») et l'ajout de nuances ou d'acceptions particulières, lesquelles justifieraient l'existence de mots différents ainsi que l'impossibilité pour une langue de n'avoir aucun synonyme, ni de présenter des cas de synonymes absolus (c'est-à-dire interchangeables dans tous les contextes).

Si la synonymie pose quelques difficultés de délimitation théorique, d'un point de vue pragmatique, en revanche, elle est peu discutable, ainsi qu'en attestent les usages langagiers et le besoin, commun, de statuer sur le mot juste. C'est ce paradoxe – la méfiance théorique mais un solide fondement empirique qui s'incarne dans les usages, les dictionnaires et la « réalité » du mot – qui nous a intrigués au premier chef, et incités à choisir la synonymie comme domaine problématique.

L'une des difficultés auxquelles se heurte la synonymie c'est si l'on peut dire la polyvalence de ses applications, voire leur disparité apparente. Parmi les plus remarquables d'entre elles et, il est vrai, très solidaires, rappelons l'histoire de la langue, la lexicographie et la traduction.S'agissant de l'enseignement, par exemple, rappelons que la synonymie est une pratique – sinon une théorie – indispensable. Elle fait partie de ces ressources lexicales, spontanées ou travaillées, très importantes en production de texte, qu'il s'agisse d'opérer à un niveau paradigmatique (chercher un autre mot, plus adéquat à ce qu'on veut dire, plus précis, moins familier ou qui évitera une répétition, et remplacer le seul mot pour le moment disponible et actualisé), ou à un niveau syntagmatique et dans une visée qui demeure « stylistique » (l'effet d'insistance des binômes synonymiques) ; ou bien encore, qu'il s'agisse des interactions langagières dans la classe (maître – élèves) qui recourent à la synonymie (la feuille ou la copie ; le rond ou le cercle), au même titre qu'à la paraphrase (visée explicative).

Au-delà des situations d'apprentissage, tout scripteur, quelles que soient sa maîtrise langagière et sa capacité métalinguistique à verbaliser un problème d'écriture lié au traitement synonymique, a rencontré la double question des synonymes : jugement d'équivalence sémantique ou recherche de l'unité manquante (chercher un synonyme pour dire..., qui aille avec..., pour remplacer...).La synonymie fait donc symptomatiquement surgir deux lignes de fracture :

– Une problématique qui sera jugée plus ou moins pertinente, selon que l'analyse est indexée, dans le champ de la sémantique, à un paradigme ou à un autre, l'un des clivages s'opérant, semble-t-il, par rapport à l'héritage saussurien (continuité ou rupture) ;

– Un modèle sémantique qui vise une description des effets de sens en réception, minorant du coup la prégnance des usages et des normes (Frei, Grammaire des fautes).

La présente livraison de Pratiques n'a d'autre but que de contribuer à éclaircir ce statut ambigu de la synonymie. L'économie générale du sommaire fait se succéder des contributions théoriques, qui empruntent leur conceptualisation à des modèles qui peuvent être concurrents, et des applications pratiques particulières sur des items lexicaux apparentés à des synonymes. D'une manière plus large, on conviendra à la lecture des articles que tous, en dépit des divergences théoriques (sémantique lexicale, sémantique cognitive ou constructivisme), font l'hypothèse que la synonymie peut constituer, au moins provisoirement, un analyseur intéressant des difficultés théoriques à décrire le sens des mots.

Sommaire :

  • Présentation : « Les paradoxes de la synonymie »
  • Georges Kleiber « La synonymie-"identité de sens"» n'est pas un mythe »
  • Pierre Cadiot « Couleur des mots ou synonymie »
  • Pierre Jalenques « La synonymie en question dans le cadre d'une sémantique constructiviste » Jacques François « Fléchage synonymique ou analyse componentielle dans l'examen de la polysémie verbale ?  affecter  vs . compter  »
  • Gilles Petrequin « La synonymie au XVIIe siècle : une évolution conceptuelle et pragmatique »
  • Denis Apothéloz « La quasi-synonymie du passé composé et du passé surcomposé dit “régional” »
  • Michelle Lecolle « De la synonymie, vue à travers les emplois des mots  synonyme , synonymie  et  synonymique dans les textes »
  • Dorota Sikora « Arriver  et  venir – quand la deixis fait (et ne fait pas) la différence »
  • Corinne Féron, Danielle Coltier « Etude sémantique des unités  censé / réputé / supposé  + infinitif : les limites de la synonymie »
  • Arkadiusz Koselak « Jalousie et envie : l'affectivité tout en nuances »
  • Marie Lammert, Hélène Vassiliadou « Les synonymes de dans l'ensemble : de la généralité à la quantification totale, en passant par l'approximation »
  • Sandrine Stein-Zintz « La synonymie dans l'expression de la partition : le trio  part,  partie  et  portion »
  • Jean-Claude Dunkhorst, Caroline Masseron « Indice, signe  et  marque : exploration des liens synonymiques (DES) et configuration sémantique »
  • Claudine Garcia-Debanc, Karine Duvignau, Claire Dutrait, Michel Gangneux « Enseignement du lexique et production écrite. Un travail sur les verbes de déplacement à la fin de l'école primaire »
  • Patrick Dendale « Synonymes : petite bibliographie d'études descriptives »