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Événements & colloques
Séminaire :

Séminaire : "Pratiques du théâtre poétique" (Paris)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Laélia Véron)

Annonce de la 2e séance du séminaire SLAC, Séminaire de Lettres des Armes de la Critique (ENS Ulm, 6ème année), qui propose une approche matérialiste des oeuvres littéraires.

La séance est, comme d’habitude, ouverte à toutes et à tous.

[NDLR : en lien avec le programme de littérature comparée de l'agrégation externe & de l'agrégation interne de lettres modernes]

Jouer avec le présent : le contexte de la représentation théâtrale élisabéthaine et ses traces dans Richard III

Marceau Deschamps-Segura (Université de Poitiers / comédien et metteur en scène)

 

PRÉSENTATION

Avant d’être connu en tant qu’auteur, William Shakespeare se fait connaître à Londres en tant que comédien. Son expérience du plateau a joué un rôle dans le succès de ses pièces auprès de ses contemporains ; elle donne aussi des clefs pour comprendre leur pérennité, près de quatre siècles après leur création. À travers le texte, on peut retrouver les traces de ce contexte théâtral très spécifique où spectateurs éduqués et illettrés se côtoyaient, où le moment de théâtre était un divertissement profane, licencieux, pour un public dont l’attention était à conquérir. On y peut lire aussi, dans les mots mêmes des personnages, de nombreuses indications de spatialisation, d’action, et d’interprétations, foisonnantes didascalies internes pour des textes joués avec seulement une poignée de répétitions.
Quels bénéfices les acteurs, dans leur relation au texte de Shakespeare, tiraient-ils des conditions d’exercice de leur art ? C’est-à-dire l’urgence de la création, la concurrence entre les théâtres ; la sociologie mixte des spectateurs, et leur écoute intermittente ; l’espace, polysémique et sur plusieurs niveaux, mais qui reste le même d’une pièce à l’autre ; le maquillage et le travestissement.

Au moyen de Richard III, l’une des premières pièces qu’il écrit sans collaborateur (fait d’une grande rareté à la fin du XVIe siècle), nous tenterons de faire saillir ces spécifiés contextuelles, et l’enjeu de leur connaissance pour l’interprétation contemporaine de ces textes emblématiques du patrimoine théâtral.

 

Mettre en scène les lois de l’histoire : La Résistible Ascension d’Arturo Ui de Brecht

Quentin Fondu (EHESS, CESSP / Université de Bielefeld)

Parabole de l’avènement d’Adolphe Hitler en Allemagne, la pièce de Brecht – écrite en 1941 mais jamais publiée ni jouée du vivant de son auteur – se réduirait-elle à la représentation d’un « économisme simpliste » et mécaniste, comme l’écrit Alain Brossat ? Cette idée entre pourtant en contradiction avec le titre même de la pièce, insistant à l’inverse sur le caractère « résistible » de l’ascension d’Arturo Ui. Cette contradiction entre deux manières de concevoir l’histoire et ses lois structure l’œuvre, ce qu’une approche matérialiste attentive au contexte d’écriture – à la fois sous l’angle du rapport au marxisme et au mouvement ouvrier de Brecht d’une part et au théâtre politique et à son histoire de l’autre – permet de dégager.

 

La scène tragique est-elle une mise à l'épreuve du pouvoir monarchique ? Le cas de Cinna

Caroline Labrune (Université de Rouen Normandie)

À la suite des désordres successoraux causés par la Ligue, et surtout aux deux régicides qui ont scandé le tournant des XVIe et XVIIe siècle, les théoriciens et les juristes français s'appliquent à présenter la succession monarchique comme un moment parfaitement apaisé afin d'affermir l'autorité royale. La fiction mystique des deux corps du roi assure le relais du pouvoir : le Roi ne mourant jamais, la stabilité de la dynastie est préservée, ainsi que l’équilibre de l’État. À la même époque, la création de l’Académie française témoigne de la volonté du pouvoir royal d’institutionnaliser la production intellectuelle et culturelle de son temps, donc de renforcer son emprise sur elle. Paradoxalement, les tragédiens qui écrivent à la même époque et qui, pour la plupart, sont part intégrante de la politique culturelle mise en place par les autorités, représentent dans des pièces mouvementées des successions monarchiques on ne peut moins sereines. C’est ce postulat problématique que nous nous proposons d’explorer à partir de l’étude du Cinna de Corneille : la pièce met en scène un sujet politiquement incorrect, voire scandaleux pour une époque où le pouvoir s'absolutise et où les dramaturges sont doublement surveillés, aussi bien en amont, à la cour, qu'en aval de l'écriture de leurs pièces, à leur publication.