Questions de société

"Pourquoi les droits d’inscription universitaires s’envolent partout", par Isabelle Bruno (Le Monde diplomatique, septembre 2012)

Publié le par Bérenger Boulay

"Pourquoi les droits d’inscription universitaires s’envolent partout"

Un article d'Isabelle Bruno, paru dans le Monde diplomatique de septembre 2012.

En France, selon une enquête de la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE), le coût de la rentrée universitaire a bondi de 50 % en dix ans. Parmi les causes de ce renchérissement, l’augmentation des frais d’inscription, que promeuvent think tanks et organisations internationales. Aux Etats-Unis, de nombreux étudiants ne pourront jamais rembourser les prêts contractés pour payer leur formation.

A peine arrivée au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, en 2007, Mme Valérie Pécresse se lançait un défi : parachever la réforme néolibérale de l’université. « D’ici à 2012, j’aurai réparé les dégâts de Mai 68 », proclamait-elle dans Les Echos, le 27 septembre 2010. A l’heure des bilans, elle peut se targuer d’une belle réussite. La loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU), votée à l’été 2007, serait d’ailleurs celle dont le président sortant Nicolas Sarkozy est « le plus fier », d’après M. Claude Guéant.

Le passage aux responsabilités et compétences élargies (RCE), censées libérer les universités du carcan étatique, en a placé huit (sur quatre-vingts) en situation d’« autonomie surveillée » sous tutelle des recteurs, tandis que les autres connaissent désormais les joies de la quête de financements propres. Démarcher les entreprises, quémander des dons auprès des réseaux d’anciens étudiants, augmenter les droits d’inscription, bref se vendre : telle est, en substance, la compétence nouvelle gagnée par les universités.

Or qu’ont-elles à vendre ? Les savoirs émancipateurs considérés comme des biens communs ne faisant plus recette, il s’agit désormais de transformer la recherche scientifique en produits brevetables, et les enseignements en parcours individualisés et « professionnalisants » débouchant sur des diplômes rentables. Packagées, marketées, calibrées pour des publics solvables, certifiées par des normes ISO, classées dans des palmarès, les formations universitaires tendent à être conçues comme des marchandises, des « marques » pour les plus prestigieuses d’entre elles, déjà rodées à la collecte de fonds privés.

Les étudiants (et leurs familles) sont ainsi séduits par des brochures, des salons, des encarts publicitaires, des guides et des comparatifs, incités à décider de leur orientation comme on fait un choix d’investissement. Dans cette optique, financer ses études, c’est investir pour se constituer un capital négociable sur le marché du travail(...)

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