Portraits de l’histoire au XIXe siècle
Des chercheurs dix-neuviémistes (littéraires, historiens, historiens de l’art) de trois universités d’Occitanie – Université Paul-Valéry, Montpellier 3, UPVD Perpignan, Université Toulouse Jean-Jaurès – organisent entre 2018 et 2020 un séminaire de recherche sur le portrait historique et ses enjeux historiographiques, esthétiques, idéologiques au XIXe siècle, à raison de trois séances annuelles, une dans chacune des universités concernées.
Comité d’organisation :
Fabienne Bercegol (PLH), Marie Blaise (CRISES), Magali Charreire (CRISES),
Marine Le Bail (PLH). Nathalie Solomon (CRESEM), Sylvie Triaire (CRISES).
L’apaisement de la conflictualité entre histoire et littérature, la vitalité des questionnements sur leur nature propre et les pratiques de croisements entre ces disciplines, dont témoigne par exemple la démarche « littéraire » revendiquée par Yvan Jablonka ou Patrick Boucheron, invite à se ressaisir du motif du portrait historique au carrefour de l’histoire et de la littérature. De fait, le reproche souvent fait par l’historien à la littérature est que « la discipline historique est ramenée au rang de science auxiliaire de l’invention romanesque », pour des écrivains « libres de tout scrupule et de toute entrave » (Boucheron, 2011) : la littérature démoraliserait-elle l’histoire ? L’objectif de notre séminaire est de porter ce questionnement dans l’espace particulier du portrait d’histoire.
Ce portrait compose des figures qu’une nation, selon les infléchissements de son histoire politique, reconnaît, investit et autour desquels elle se configure : personnages publics (le grand homme, écrivain, artiste, politique, scientifique) et anonymes (devenus objets de la représentation et sujets de l’histoire). Le XIXe siècle, né de la Révolution comme le dit Hugo, hanté par elle, secoué par ses répliques, est particulièrement traversé et travaillé par ces figures publiques : d’une part celles des grands contemporains (Danton, Robespierre, Napoléon, Chateaubriand, Hugo… ), tutélaires ou écrasantes, « phares » ou monstres qui pèsent sur tout le siècle ; et d’autre part des figures empruntées au passé (Homère, Jeanne d’Arc, Dante, Coligny, Shakespeare…) organisées, perçues et interprétées à la lumière des temps nouveaux. Alors qu’avant la cassure de la Révolution les portraits des grands hommes visaient surtout à constituer des exempla, ils deviennent au XIXe siècle, selon l’expression de Baudelaire, « des biographies dramatisées ». Comment les anonymes (le Jacques de Michelet, les émeutiers de Flaubert, les passants de Baudelaire, le dormeur du val de Rimbaud…) relèvent-ils du portrait d’histoire, ce sera aussi l’un des objectifs du séminaire que de le déterminer.
Il s’agira donc, pour porter la question de la démoralisation de l’histoire, de considérer le portrait historique dans ses tensions formelles et ses ambiguïtés référentielles, en l’analysant entre histoire et littérature, entre mimésis et fiction, entre témoignage, archive, incarnation signifiante de l’histoire et construction esthétique, exploration anthropologique, entreprise idéologique. On se demandera ainsi comment définir un portrait historique et quelles sont ses finalités : illustrer, éclairer, incarner ou résumer l’histoire ; la moraliser, ou la problématiser. On étudiera ses variantes fictionnelles — dans le roman historique, l’épopée, le récit de l’historien, le portrait d’art, le récit de voyage… On suivra ses mutations formelles — portraits « en majesté », en pied, médaillons, par touches ou fragments… ; compositions en caractères (génie mélancolique, avare bilieux, fou furieux…), en types, allégories, caricatures… ; utilisation du trait, du cliché… On tiendra compte de la diversité de ses supports, jusqu’à son utilisation dans la presse, l’introduction et le développement de la photographie.