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Politiques de Henri Michaux: épreuves, expériences

Politiques de Henri Michaux: épreuves, expériences

Publié le par Alexandre Gefen

Journée d'Etude organisée dans le cadre du séminaire de Master d'Eric Benoît, L'Expérience poétique par Jérôme Roger et Lia Kurts-Woeste

 

  Assigné à résidence dans le Var par le gouvernement de Vichy, Michaux écrit un texte intitulé « Marche dans le tunnel », qu'il inclut dans son recueil Épreuves, exorcismes, le seul livre où des dates sont attachées au titre: 1940-1944. Abandonnant son laconisme incisif, il y choisit la forme du verset pour dénoncer la guerre: « On a cousu nos frères dans des peaux de porc. » Mais, comme le signale Raymond Bellour, c'est précisément dans cette volonté politique, à laquelle correspond le choix étonnant d'une forme empruntée à la tradition, que Michaux échouerait à l'invention d'une écriture irréductible à toute définition préformée du « poétique», qui est pourtant par ailleurs sa force la plus grande. Cette écriture rebelle l'est certainement en bonne partie parce qu'elle refuse aussi toute définition préformée de ce au nom de quoi il faudrait prendre la parole: « On n'explique ni un peuple, ni un homme. Pas de portrait à partir d'un point raisonné, d'où l'ensemble entier se développe. » Non que son oeuvre soit exempte de références à la politique et à l'Histoire (guerre d'Espagne, conflit Chine-Japon, occidentalisation du monde, opposition entre fascisme et communisme définie comme une guerre de religion, ... ), mais Michaux se méfie, pour la poésie, de la temporalité de ces dernières, qui n'est pas celle de l'expérience de l'écriture: « Les poètes sont toujours en retard sur l'événement. On digère très lentement », confie-t-il un jour, avec une conscience aiguë dès rapports complexes entre actualité et (dés)engagement. Et Michaux de dénoncer Aragon, dont « les poèmes de combat ont perdu toute vertu poétique » ou André Breton et sa promotion illusoire d'un « communisme du génie» dont l'écriture automatique serait la victoire.

            S'il peut dire toutefois, dans la Postface de Plume: « Au nom de beaucoup je signe ce livre », ou encore s'il peut parler du recueil « Mes propriétés » comme d'une « expérience sociale », c'est parce que le poète, 1'« Excentrifié », est le maître du « non» et cherche la « victoire sur l'inertie ».

            Si la poésie est une affaire publique, elle concerne donc non l'État, mais les états, les « états dangereux de soi ». Poésie de résistance, de vertige, mais aussi de résistance au vertige, de conduite où l'humour, parfois le plus féroce, est un outil de vigilance privilégié, une force de dégagement, quitte à « [nous) juger, [nous décourager, [nous ridiculiser» : « Celui qui a une épingle dans l'oeil, l'avenir de la marine à vapeur anglaise ne l'intéresse plus. »

            Cette journée se voudrait l'occasion d'explorer les politiques, les expériences et les épreuves (les expériences politiques et les politiques expérientielles, en tant qu'elles sont des épreuves du soi multiple, des épreuves multiples de soi) de Henri Michaux, « l'Insoumis » qui pourtant écrit sous la pression de la « zone interdire ». Écrire : « Volonté du plus grand nombre? Volonté du groupe le plus cohérent? »

  

9h Présentation de la journée par Jérôme Roger

9h15 Éric Benoit, « Comment être poète en ce temps de détresse ?»

10h Pause

10h15 Valéry Hugotte, « L'intime aussi doit-il périr?  (Le deuil des Meidosems) »

10h45 Marie-Aline Villard, « Politique du geste»

Présentation des intervenants par Lia Kurts-Woeste

11h15 Pause

11h30 Lia Kurts-Woeste, « Tu n'auras pas ma voix: l'insolence dans l'oeuvre de Henri Michaux»

 

12h Pause déjeuner

 

14h Jérôme Roger, « Contre la colle des mots: une politique de la langue»

14h30 Du Chahux dans les oreilles, lectures à pleine voix, avec la participation exceptionnelle de François Corneloup, jazzman, musicien improvisateur (saxophones)

Lecture de « Le secret de la situation politique» par Jérôme Roger (Face aux verrous)

Lecture de « Ce phénomène qu'on appelle musique» par Lia Kurts-Woeste

Lecture d'un extrait de la Préface de Épreuves, exorcismes par un étudiant

« Quelque part Quelqu'un », lecture croisée avec François Corneloup

 

Puis, par ordre de parution

· Glu et gli (Qui je fus, 1927)

· Nausée ou c'est la mort qui vient ?, La Cordilliera de los Andes, Souvenirs (Ecuador, 1929)

· Une vie de chien, Crier, Colère, La paresse, Nuit de noces, L'éther (Mes propriétés, 1934), Postface à Mes propriétés

· Préface à Épreuves, exorcismes, extrait; Immense voix, Année maudite, Les craquements, À l'hôpital, Il écrit (Épreuves, exorcismes, 1944)

· Expérience de la folie (Misérable miracle, 1954)

· Extrait de « Les effets de la mescaline» (L'infini turbulent, 1957)

· Les commencements - essais d'enfants, dessins d'enfants (1984)

 

15h45 Pause

 

16 h Débat entre les intervenants et le public, avec la participation de Dominique Rabaté