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Poétique(s) du XIXe siècle (revue Romantisme, 2022)

Poétique(s) du XIXe siècle (revue Romantisme, 2022)

Publié le par Marc Escola (Source : Éléonore Reverzy)

POÉTIQUE(S) DU XIXeSIECLE

Romantisme, 2022-1


Le conseil de rédaction de la revue Romantismea décidé de programmer un numéro spécial consacré à la Poétique. Il s’agira d’évaluer, en 2019, le bilan de la Poétique moderne en ce qui concerne l’étude du XIXesiècle, et d’esquisser quelques pistes de recherches et avancées en ce qui concerne toujours l’étude et la connaissance du XIXesiècle. Le pilotage de ce numéro spécial, qui paraitra en 2022, a été confié par le conseil de rédaction de la revue à Philippe Hamon (Paris III) et Vincent Jouve (Reims).

Les propositions d’articles (deux pages avec une bibliographie de quelques titres) doivent leur être adressées (v.jouve@wanadoo.fr et philippe-hamon1@aliceadsl.fr) avant le 30 septembre 2020.

La date de remise des articles qui auront été acceptés est fixée au 31 mars 2021.

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La Poétique, on le sait a eu ses lettres de noblesse fondatrices avec Aristote, ses évangiles avec les « quatre poétiques » (Aristote, Horace, Vida, Boileau) souvent rééditées ensemble, et son heure de gloire à la fin du XVIIIesiècle (le romantisme allemand, autour de l’Encyclopédie en France) puis en Europe au XXesiècle après 1960 à la suite de Valéry et des formalistes russes. À la différence de la rhétorique (qui cherche l’efficacité persuasive) de la critique (qui tranche de la valeur esthétique de l’œuvre) et des divers « arts poétiques » qui donnent des règles, la Poétique est une discipline qui se veut « scientifique », qui cherche à construire ses propres objets (qu’est ce qu’un genre, qu’une figure, qu’un rythme, que l’ironie, qu’un récit, qu’un cliché par exemple), qui cherche des invariants (des « formes simples » selon Jolles, une « grammaire » du récit selon Genette ou Greimas) en même temps que leurs variables, qui cherche plus ce que deux oeuvres ont en commun que des différences radicales dans ces œuvres, discipline dont on peut donner des définitions étroites (le « poëin », l’étude des opérations de genèse dans et par le langage plus que des œuvres selon Valéry), ou des définitions endogènes (le « comment c’est fait ? » de l’œuvre selon Barthes), ou plus larges (tout texte dialogue avec d’autres textes, tout texte est ouvert sur un intertexte et une inter-sémioticité).

Le XIXesiècle constitue un moment paradoxal, un moment que ce numéro de Romantisme voudrait étudier, dans la mesure où la littérature tend à s’y autonomiser comme champ, comme pratique et comme valeur (on attendrait alors une « science » qui lui soit spécifiquement attachée), où la vogue des herméneutiques « indiciaires » (C.Ginsburg) traverse tout le siècle (on attendrait alors qu’émerge une sémiologie générale rigoureuse), où les « vieilles » rhétoriques font l’objet d’un large discrédit (il est de bon ton, dans toutes les avant-gardes, de Hugo à Zola, de « tonner contre »), où les écrivains sont fascinés par diverses sciences et rêvent d’une « critique scientifique », et pourtant on a l’impression qu’une Poétique « scientifique » n’arrive pas à émerger ni à se constituer.

Domination de l’Histoire et de ses approches ? fascination des écrivains et critiques pour des sciences qui n’ont affaire que de biais (les sciences du vivant, la physiologie, les théories de l’hérédité etc) avec la chose littéraire ? Accaparement des problématiques par d’autres disciplines comme l’esthétique ou la philosophie avec leurs objets « massifs » (le Beau, le Goût, le Génie, le Sublime, l’Inspiration etc.) ? Absence de constitution d’une véritable science du langage, distincte de la philologie et de la linguistique comparée, qui aurait pu lui donner des concepts, une méthode, un vocabulaire précis ? La réflexion poéticienne aura peut-être tendance à se réfugier dans les marges des Belles-Lettres (dans certaines préfaces, certaines correspondances, journaux intimes, pamphlets ou manifestes), plus que dans de vastes essais à la Lessing ou à la Quatremère de Quincy. Y a-t-il une (ou des) Poétique(s) au XIXesiècle ?

Quels sont ses lieux (autour de Taine, autour de Baudelaire et Poe, autour de Zola et des naturalistes, Nietzsche et de Wagner) et ses questions de polarisation (le mélange des genres, le réalisme, la métaphore….) à la fois au XIXesiècle et aux XXeet XXIesiècle ? Quels ont été les apports de la Poétique (celle d’après 1960) à notre connaissance des œuvres et du champ littéraire duXIXesiècle ? A-t-elle « manqué » certains objets, certaines questions, et symétriquement a-t-elle contribué à « construire » un certain XIXesiècle ?


I. LA REFLEXION POETICIENNE AU XIXeSIECLE

1) Y a-t-il une « Poétique » au XIXesiècle ? Y a-t-il une « Poétique romantique » (Staël, Chateaubriand, Hugo…), une Poétique réaliste » (Flaubert, Zola…) une « Poétique décadente » etc. ? La prédominance des approches historiques n’est-elle pas incompatible avec une approche « généraliste » de type « poéticien » ? Formes, genres et lieux d’une réflexion poéticienne au XIXesiècle (Essais, Préfaces, Manifestes, notes, correspondances, Salons, entretiens, romans de l’artiste…).

2) Thèmes privilégiés de polarisation des débats poéticiens au XIXesiècle (les genres romanesques et théâtraux, le statut du vers et de la prose, le roman avec ou sans intrigue, la description, les dimensions de l’œuvre, la chapitration de l’œuvre, la blague, le drame total, la question du réalisme…).

3) La Poétique et/en son siècle (vitesse, littérature industrielle, réclame, invasion des images, photographie, presse, relation au discours scientifique…). Le statut des formes nouvelles (le canard, la nouvelle, la chronique, le feuilleton, le roman policier, le cycle romanesque, le Salon, le poème en prose, le fragment…) dans leurs rapports avec la presse et avec l’éditeur fait-il l’objet d’une réflexion au XIXesiècle?

4) Les emplois (négatifs ?) du mot « Poétique » au XIXesiècle. Les relations avec la rhétorique, l’esthétique, et avec la critique. Aristote et Batteux au XIXesiècle. Comment différencier Poétique (théorie) et dogmatique (recueils de préceptes et de règles—Le roman expérimental de Zola relève-t-il de la Poétique ?)

5) Études de tel ou tel « foyer de réflexion poéticienne », ou de tel ou tel « cas », ou de tel dialogue privilégié (le couple Poe-Baudelaire ; Baudelaire, Mallarmé et Nietzsche à propos de Wagner ; autour de Taine, Flaubert et ses correspondants ; James et Maupassant ; le roman expérimental autour de Zola ; le vers libre…).

6) Qu’est-ce qui a pu « bloquer » l’émergence d’une stylistique et d’une Poétique au XIXesiècle ?


II.APPORTS DE LA REFLEXION POETICIENNE CONTEMPORAINE AUX ÉTUDES DIX-NEUVIÉMISTES

1) La place des auteurs et des problématiques du XIXesiècle dans les revues de poétique (Poétique,Poetics…) et les collections (Seuil…) aux XXeet XXIesiècles après 1960. Tendances et points de fixation privilégiés : formes (le récit, la description, les formes brèves, le recueil…), positions d’énonciation (la blague, l’ironie, la caricature, le rire…), lieux textuels (titre, clausule, frontispice, chapitrage, incipit …) et genres du XIXesiècle. Auteurs privilégiés (Flaubert, Baudelaire, Zola, Maupassant…).

2) La relation texte-image

3) Essaimage des problématiques et méthodologies poéticiennes dans des disciplines voisines (ethnocritique, exégèse biblique, Histoire, génétique, histoire culturelle, études inter-médiatiques…).

4) Y a-t-il eu renouvellement des connaissances sur tel ou tel auteur du Dix-neuvième siècle par les études poéticiennes et certains de leurs concepts (l’intertextualité, la polyphonie, l’hybridation générique, la focalisation narrative, la notion de système, de structure…).
 
III- QUELLE (S) POETIQUE(S) AUJOURD’HUI POUR L’ETUDE DU XIXeSIECLE ?

1) La Poétique a-t-elle « manqué » certains « genres », certaines problématiques, ou certains « objets » propres au XIXesiècle ? Ne s’est-elle pas trop concentrée sur le roman, le romanesque , les genres et figures de la prose et la narrativité ? Les littératures populaires et orales, pourtant à l’origine des études de la Poétique moderne au XXesiècle (Propp et les contes, Saussure et les Niebelungen, Bédier et les fabliaux, Lévi-Strauss et les mythes…), ont-elles suscité des études originales ?

2) La Poétique est-elle aujourd’hui (années 2020) une et indivisible ? Est-elle « stabilisée » et  « fixée » ? Doit-elle s’identifier à la Poétique telle qu’elle s’est constituée dans le sillage des formalistes russes, de Valéry, du New Criticism et du structuralisme entre 1960 et 1980 ? Une (des) « nouvelles poétiques » (Poétiques du web par exemple)doivent-elles être élaborées : a) pour maitriser les nouvelles formes et pratiques issues du monde numérique ; b) pour traiter et récupérer, rétroactivement, anachroniquement, certains « objets » (le réseau, l’immatériel, le collectif…) qui auraient échappé, au XIXesiècle, aux études dix-neuviémistes ?

3) L’ « essai » de Poétique est-il un genre ?