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Poétiques de la philologie (LHT n° 5)

Poétiques de la philologie (LHT n° 5)

Publié le par Sophie Rabau

Poétiques de la philologie (LHT n° 5)

Dossier dirigé par Sophie Rabau

Le numéro sera précédé d'une journée d'études co-organisée par Fabula et le CLAM (Paris 7).

Dans le travail philologique, la seule instauration possible semble bien être une restauration. Restauration du texte interpolé ou lacunaire, du contexte oublié, de l'intention de l'auteur, que la dégradation du manuscrit a déformée ou trahie, du fragment, auquel il faut redonner le texte perdu qui l'accompagnait. Le philologue ne crée rien et ne peut avoir d'autres poétique que celle de l'auteur qu'il entend respecter, conserver et restaurer, en réparant les dégradations ce que le temps ou les accidents de la transmission textuelle ont pu faire subir à l'oeuvre. Il ne serait poète qu'en tant qu'il refait le texte et non pas en tant  qu'il fait oeuvre. Pourtant, d'Apollonios de Rhodes ou Lycophron à Lachmann en passant par J. Dorat, les noms ne manquent pas de philologues qui furent aussi poètes, comme ne manquent pas les voix qui ont identifié la création poétique et la philologie1

Quelle poétique alors pour une pratique qui se présente pourtant comme une réfection et non comme un faire ?

De manière générale, faire l'hypothèse d'une poétique de la philologie c'est simplement faire le constat que poètes et philologues possèdent en commun l'amour et le travail des mots, et que l'un comme l'autre appréhendent le monde à travers l'écran des langues. Il n'est donc pas à s'étonner que de cette matière commune puisse naître une manière commune, que, par exemple, un Callimaque ou un Apollonios réécrivent, et donc transmettent, des textes qu'ils éditent, et donc réécrivent, par ailleurs.

 Mais au-delà d'un travail commun sur les mots, c'est au seul philologue dans son activité modeste et apparemment neutre d'établissement du texte d'un autre que l'on peut prêter une poétique. On se demandera si l'apparence d'une restitution ne cache pas en fait l'institution d'un nouveau texte. Et parce que le travail de l'édition critique opère un certain nombre d'opérations lourdes – découpage, comblement de la lacune, choix entre les variantes ou combinaisons de ces variantes, intervention graphiques sur la matérialité même du texte – on tentera d'y voir une opération qui engage non seulement les choix herméneutiques d'un sujet mais bien plus encore la création d'un texte qui, pour appartenir au passé, est chaque fois créé au présent.

Si les opérations philologiques renouvellent en effet les textes, ne peuvent-elle pas en elles-mêmes être considérées comme des opérations d'écriture inédites qui existent en puissance dans le travail du savant et que l'écrivain peut mettre en acte, soit qu'il en livre la représentation dans sa fiction –ainsi des fictions du commentaire, mais aussi de la fiction de l'interpolation, de la lacune ou de la note de bas de page, soit qu'il s'en empare et se les approprie : qu'en est-il, par exemple, d'une poétique de l'interpolation ou d'une écriture qui mettrait en oeuvre une conservation des variantes ?

A l'inverse, le travail l'écrivain n'est-il pas déjà philologie de son propre texte ou du moins anticipation du travail philologique?  Serait-il possible de définir une intention philologique à l'oeuvre dans la création littéraire : écrire un texte qui appelle la note, qui ne pourrait se lire qu'éclairé par un autre, insérer dans son texte les signes graphiques de la lacune ou de l'obélisation, écrire un fragment semblable à ceux que le philologue répare, seraient autant de moyens d'être déjà philologue alors que l'on écrit, autre manière de fonder une poétique philologique.

D'un amour commun des mots unissant la création littéraire et la science du texte à une écriture qui ferait du travail savant le principe de sa mise en oeuvre en passant par l'examen de la productivité littéraire des opérations philologiques, on aimerait donc  esquisser les fondements d'une poétique de la philologie pour débusquer sous la description la construction, sous la conservation la proposition, sous la neutralité l'engagement d'un sujet créateur.

Les projets d'article, (3000 signes maximum), sont à adresser par mail avant le 15 mars à Sophie Rabau (rabau@fabula.org) et Jean-Louis Jeannelle (jeannelle@fabula.org), qui les soumettront anonymement au comité de lecture de la revue.

Les articles retenus seront présentés oralement lors de la journée d'études qui aura lieu le 21 juin 2008, à l'Université de Paris 7.

Les articles définitifs devront être remis pour le 1er septembre 2008.