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Poétique et politique de l'histoire dans l'oeuvre de Maurice Regnaut

Poétique et politique de l'histoire dans l'oeuvre de Maurice Regnaut

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Olivier Kachler)

APPEL A CONTRIBUTION

Poétique et politique de l'histoire dans l'oeuvre de Maurice Regnaut


En d'autres termes et pratiquement ce qu'il nous faut enfin, c'est en toute conscience et toute connaissance ignorer comme tel tout ordre reconnu, tout ordre exprimé, écrit, transmis, ce qu'il nous faut, passé toute foi immémoriale, aujourd'hui, et tout deuil, c'est à chaque fois dire ce que nous sentons et non ce que nous devrions dire, à chaque fois c'est nous avérer ainsi chacun de nous libre et ne parler qu'à même pleinement notre seule vie
Charade événementaire


En 1980 C. Adelen écrivait :

Maurice Regnaut (né en 1929) a une stature poétique méconnue. Quelques plaquettes, 66/67 (1970), Ternaires (1971), Intermonde (1973) sont l'affleurement d'un iceberg poétique considérable.

Aragon déjà en 1965 disait de Maurice Regnaut que c'est un homme qu'on ignore parce que nous vivons au temps des sourds.
Les choses n'ont pas beaucoup changé depuis 40 ans. En dépit de quelques publications, de nombreux textes (et non des moindres) demeurent inédits et le constat s'impose avec plus ou moins d'évidence à tous ceux qui en suivent le développement, l'oeuvre de Maurice Regnaut n'a pas trouvé aujourd'hui, société et littérature, éditeurs et public, la place à la mesure de son grand souffle, déchiré par le vent moderne (Aragon).
La question pour nous n'est pas ici d'entreprendre de corriger une ignorance par un concours d'applaudissements (si amical fut-il) ni d'établir d'autorité la valeur de cette oeuvre en lui attribuant une place qui la situerait dans un dérisoire palmarès contemporain, attitudes qui ne feraient que prolonger, en dépit des bonnes intentions, sur un autre mode la surdité. En l'intégrant notamment à un ordre établi, ancien ou moderne. Or c'est précisément un rapport critique à l'ordre, à tout ordre, qu'instaure cette oeuvre :

« Prendre la parole, on le croit encore trop, ce n'est pas reconnaître, à chaque fois sa propre appartenance à tout l'immémorial acquis humain, ce n'est pas décider de son propre mode à chaque fois d'appartenance à ce tout ainsi qui détermine humainement tout, non, prendre la parole, et si hérétiquement que ce soit, ce n'est pas, sens, valeur, perpétuer cet ordre. » , explique Maurice Regnaut. L'ordre dont il est ici question, est ordre esthétique autant que politique, il est celui de leur conjonction, dont l'oeuvre de Maurice Regnaut est précisément le lieu d'interrogation. En ce sens les raisons de la méconnaissance continuée et la marginalité persistante de cette oeuvre qui s'ensuit ne sont ni anodines ni simplement la résultante de conditions culturelles et modes esthétiques extérieures à l'oeuvre. Elles procèdent de l'oeuvre elle-même et sont constitutives de sa poétique, comme poétique du refus. Tenter, en d'autres termes, de comprendre comment cette oeuvre ne prend pas simplement place dans un ordre culturel établi et pourquoi elle n'a pas encore la sienne dans celui du contemporain, revient à interroger et cet ordre et l'oeuvre, revient en somme à interroger conjointement sa force critique et sa force créatrice. Il s'agit alors pour nous, à rebours des formalismes néo-académiques auxquels la « modernité » sert de caution (comme ordre d'un consensus esthétique) et par-delà la bipolarisation traditionnelle en littérature engagée ou désengagée, de tenter de comprendre comment l'oeuvre de Maurice Regnaut déplace et transforme, l'un par l'autre, l'ordre du poétique et du politique, par des modalités et des configurations qui lui sont propres. De ce point de vue, le rapport à l'histoire peut constituer un angle ouvrant des perspectives de réflexion. Mais histoire en plusieurs sens.

Histoire littéraire tout d'abord. L'oeuvre de Maurice Regnaut traverse tous les genres (roman poésie, théâtre, essais, traductions) mais pour les renouveler à chaque fois dans une construction inédite. Comment ? Par une interaction constante entre eux, qui les déplace, l'un par l'autre et les fait entrer en résonance dans chaque oeuvre. Or cette interaction se fait dans et par un rapport à l'histoire. La reprise de formes anciennes (poèmes à forme fixe, vers métriques, le théâtre antique dans Merde et Sang) s'articule à l'invention de formes et modes inédits : la carte postale, la conjonction rythmique texte/musique (un nocturne de Chopin dans Ti) l'intégration de toutes les formes littéraires au poème (Recuiam), et non littéraires (lettre, dessin, article de presse dans Charade événementaire), entre autres. Le recours à l'Internet comme lieu éditorial, par-delà son rôle désormais traditionnellement décoratif ou publicitaire, est ici à interroger du point de vue de son mode de signification particulier en regard des oeuvres qui y figurent, Recuiam, Ti et Merde et Sang notamment. La modernité de l'oeuvre de Maurice Regnaut est donc historique dans la mesure où la réécriture en est un aspect fondamental (explicitement dans Merde et Sang et dans Musique à mort, reprises des Perses et de Roméo et Juliette, implicitement par l'intégration de citations-traductions aux poèmes).

Histoire tout court ensuite. Pas un texte de Maurice Regnaut qui ne soit aux prises avec le Big Monsieur Siècle (LBLBL). Traversés par l'histoire et la traversant, ils inventent, d'une façon nouvelle à chaque fois, une écoute de l'histoire en soi et de soi en l'histoire. Ils posent ainsi également la question de la possibilité même de l'art et de la vie face à l'histoire ( l'art en chômage historique dans Flaminal Valaire ou le théâtre et l'histoire dans Merde et Sang). Pas un texte, en ce sens, qui ne soit un texte politique, et la question sociale (celle de l'argent notamment) y est centrale (poèmes, théâtre et romans). Mais le problème revient alors à se demander comment l'écriture elle-même, en sa force d'invention propre d'un rapport nouveau entre l'individuel et le collectif, est en soi acte politique. Comment en somme la création d'un ordre inédit, celui de l'avènement même de sa parole, et la critique des ordres établis, ainsi que de leur partage, comme ordre des ordres, sont indissociables. Ce dont témoigne, entre autres, la transformation de la signature auctoriale (maurice et non plus Maurice Regnaut), critique, comme forme d'anonymat par le prénom, d'un ordre du sujet autant que du langage.
Le travail sur le rythme, la musicalité, au figuré comme au propre (Ti, le Blues dans LBLBL), l'oralité, traversant tous les textes et les organisant est de ce point de vue essentiel. Non pas décoratif il est une sémantique qui fait l'unité poétique-politique d'un dire, celle d'un Nous (à paraître chez Dumerchez) de la parole qui n'est, en fin de compte que l'invention, l'une par l'autre, d'une voix et d'une vie, comme communauté.
C'est pourquoi il est essentiel que la réflexion ne se limite pas à des études sur la poésie de Maurice Regnaut mais envisage la poétique d'une écriture dans sa globalité et sa diversité. Le travail sur les genres visera justement à mettre en évidence leur articulation au sein de cette poétique. Mais les contributions pourront aussi porter sur des problématiques générales traversant l'oeuvre ou sur des oeuvres particulières. Tous les inédits seront bientôt disponibles sur le site :

http://www.maurice-regnaut.com


Les propositions de contribution sont à envoyer à : kachlero@free.fr

olivier kachler