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Philosophies du "point de vue" à l'âge classique

Publié le par Romain Bionda (Source : François Thomas)

Philosophies du « point de vue » à l’âge classique

Journées d’étude – 9 et 10 octobre 2015                                   

organisées par Max Hardt (doctorant, Univ. Paris 1, CHSPM) , Juliette Morice (MCF, Univ. du Maine), François Thomas (Univ. de Bonn, Fondation Humboldt)

Avec le soutien du Collège des écoles doctorales de Paris 1

 

Vendredi 9 octobre

Matin – Salle Picard III , Univ. Paris 1, UFR d’histoire

Présidence : Marion Chottin (CNRS)

10hAccueil des participants

10h20 Présentation des journées d’étude : Juliette Morice  et François Thomas

10h50 – Thibault Barrier (doctorant, Univ. Paris 1) :

« Disproportion et admiration : la question du point de vue chez Pascal »

11h40Jean-Pascal Anfray (MCF, ENS Ulm) :

« Leibniz et l’individuation perspective»

 

Après-midi – Grande salle Picard, Univ. Paris 1, UFR d’histoire

Présidence : Max Hardt (doctorant, Univ. Paris 1)

14h00 – Eléonore Le Jallé (MCF, Univ. Lille 3) :

« Le point de vue moral doit-il être impartial ? Trollope, Hume, Smith »

14h50 – Bernard Sève (Pr., Univ. Lille 3) :

« Point de vue d’autrui et expérience de pensée : Montaigne, Nicole, Leibniz »

16h – Philippe Hamou (Pr., Univ. Paris 10) :

« Points de vue d'ailleurs. Philosophie et morale du voyage aux autres mondes, de Kepler à Swift »

16h50Lyess Bouderbala (doctorant, Univ. Paris 1) :

« Droit naturel et droit des gens : point de vue de la nature et point de vue de la société humaine »

 

Samedi 10 octobre

Matin – Salle Cavaillès, Univ. Paris Panthéon-Sorbonne, UFR de philosophie

Présidence : Denis Kambouchner (Pr., Univ. Paris 1)

9h10 – Justine Balibar (doctorante, Univ. Lille 3 - ATER Univ. Paris-Sorbonne) :

« Paysage et point de vue dans l’esthétique du XVIIIe siècle »

10h – Juliette Morice (MCF, Univ. du Maine) :

« Le point de vue de l’enfant et le point de vue du voyageur chez Locke »

11h10 – François Thomas (post-doc, Univ. de Bonn, Fondation Humboldt) :

« Se mettre hors de la sphère de l’homme : le point de vue de l’historien et du philosophe chez Voltaire »  

12h – Christian Berner (Pr., Univ. Paris 10) :

« Point de vue universel et maximes du sens commun chez Kant »

 

L’objet de ces journées sera de réexaminer un certain nombre de problématiques philosophiques majeures des XVIIe et XVIIIe siècles en prenant pour fil directeur la notion de « point de vue ».

Le mot « point de vue », écrivait en 1740 le philosophe allemand J.M. Chladenius, « semble avoir été utilisé dans un sens général pour la première fois par Leibniz, autrement il n’était employé qu’en optique ». En elle-même, l’idée d’un regard particulier, situé, partiel sur les choses, le monde, les conduites humaines, ne date évidemment pas de l’âge classique. Mais de fait, les problématiques liées au « point de vue » se sont trouvées au centre des principaux débats épistémologiques, métaphysiques, théologiques, mais aussi moraux, politiques ou encore esthétiques de l’époque, la notion ayant fait l’objet d’une conceptualisation originale chez plusieurs auteurs.

Les progrès de l’optique, l’invention du télescope puis du microscope ont conduit à redéfinir, entre deux infinis, la place de l’homme et son regard sur l’univers. La notion sera au cœur de l’herméneutique des Lumières, notamment chez un penseur comme Chladenius, dont la théorie du point de vue (Sehepunkt) en histoire, sera rediscutée par Gadamer dans Vérité et méthode, dans le contexte de l’herméneutique philosophique. On la trouve également dans les traités théoriques de peinture, dans lesquels est mis au jour le lien entre les progrès de l’optique et de la géométrie et l’importance de la notion de perspective : ainsi le « védutisme » est-il, par exemple, tout entier conçu autour de la notion de « point de vue », point de vue particulier et original sur une ville ou un paysage dont l’importance a sans doute à voir avec le regard nouveau qu’apportent les nombreux voyageurs du Grand Tour. Mais il apparaît, en outre, que le recours permanent aux fictions, aux métaphores et aux expériences de pensée reposant sur le décentrement, la variation ou encore la multiplication des points de vue confère à cette notion une valeur heuristique, au point de devenir pour les philosophes un véritable « dispositif » ou « opérateur conceptuel ». Ainsi Leibniz se sert-il de la métaphore du point de vue que l’on peut avoir sur une ville qui, regardée de différents côtés, est comme « multipliée perspectivement » pour penser les différentes perspectives des monades sur le monde. Par ailleurs, si elle ne se trouve pas telle quelle chez Voltaire, l’expression « point de vue de Sirius » trouve probablement son origine dans Micromégas, et en tout cas, l’accès à un point de vue surplombant, impartial, sorte de « point de vue de nulle part » (Nagel) sur les siècles et les différentes cultures, est une préoccupation constante de son travail d’historien, de moraliste, de critique, d’écrivain. L’idée d’un tel « point de vue universel » est reprise par Kant, dans son analyse des maximes du sens commun : pour l’entendement fini que nous sommes, c’est seulement en se plaçant au point de vue d’autrui et en faisant varier les perspectives qu’il est possible de dépasser les « conditions subjectives » de nos jugements. Enfin l’usage du concept de « point de vue cosmopolitique » témoigne à son tour d’une préoccupation, sinon d’une inquiétude qui semble propre à l’âge classique : dans quelle mesure est-il nécessaire que la pensée s’affranchisse des limites inhérentes à une perspective humaine et individuelle, nécessairement particulière et subjective ?

Point de vue omniscient, géométral de toutes les perspectives (qui ne serait accessible qu’à un entendement divin), point de vue de l’autre, point de vue cosmopolitique, point de vue surplombant, point de vue aérien, somme des points de vue particuliers : telle est sans doute l’une des caractéristiques de la « philosophie du point de vue » à l’âge classique, d’envisager toujours la particularité du point de vue dans sa tension avec l’universel, et de penser la multiplicité infinie des perspectives tout en cherchant à échapper au relativisme.