Questions de société

"Philosophie & littérature en débats (I): faire son deuil de la littérature pour mieux promouvoir le littéraire", par Y. Citton (blog 24hPhilo).

Publié le par Marc Escola

Sur le blog 24hPhilo, le blog de François Noudelmann & Eric Æschimann (liberation.fr),

le premier volet d'une réflexion proposée par Y. Citton:

Philosophie et littérature en débats (I) : Faire son deuil de la littérature pour mieux promouvoir le littéraire

Extrait:

"Beaucoup de monde semble vouloir se porter au chevet de «lalittérature». Même si une telle sollicitude présente parfois desrelents de conservatisme réactionnaire («Les jeunes ne savent pluslire, parler, penser…»), on peut se réjouir de voir des philosophes depremier ordre défendre la cause des Lettres. On peut toutefois aussi sedemander si une telle défense ne repose pas souvent sur un malentendurelatif à ce qui est menacé et à ce qu'il s'agit véritablement decultiver.

Dans leur généreuse entreprise d'assistance à culture en danger, lesnouveaux apôtres du littéraire n'ont bien entendu pas tort de dénoncerl'abrutissement nauséabond distillé par les médias majoritaires ou lasécheresse positiviste de certaines approches universitaires. Au-delàmême du risque de se battre contre des moulins en faisant du«littéralisme» (du «textualisme» ou de la déconstruction) l'ennemi dela culture «humaniste», c'est peut-être surtout en identifiant leurcause à celle de «la littérature» qu'ils s'engagent dans une impasse.Il me semble, au contraire, qu'on défendra d'autant mieux le littérairequ'on aura fait son deuil de «la littérature».

Lorsque, dans ses derniers cours, Barthes prend à contrepied lesrecherches structuralistes qu'il a pourtant tellement contribuéeslui-même à promouvoir, pour se réclamer de la littérature comme d'une«maîtresse» censée «nous apprendre à vivre selon les nuances», ilpropose bien un retour au littéraire, débarrassé des arrogances de lascience.
Mais c'est à une littérature agonisante qu'il s'identifie —et c'estparce qu'il la sait agonisante qu'il en fait le lieu d'invention d'unnouveau modèle de vie. Au sein de «la culture» nationale, «lalittérature» a longtemps été investie d'une puissance de dominationmajoritaire : pouvoir évoquer ou citer ses classiques, de même quepouvoir orthographier correctement une lettre officielle, constituaitun marqueur d'identification à la norme-étalon (majoritaire), àlaquelle tout le monde aspire même si la plupart en sont de factoexclus."

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