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Philippe Vilain ou le romantisme sans idéal

Philippe Vilain ou le romantisme sans idéal

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Philippe Weigel)

PHILIPPE VILAIN OU LE ROMANTISME SANS IDEAL

Découverte par Philippe Sollers en 1997, recommandée par Michel Houellebecq, saluée par Bernard Frank et François Nourissier, récompensée par les prix François Mauriac de l’Académie Française et Jean Freustié, objet de nombreux travaux universitaires, adaptée au théâtre (La dernière année) et au cinéma (Pas son genre), l’œuvre de Philippe Vilain bénéficie d’une reconnaissance littéraire importante depuis bientôt seize années.

Adhérant pleinement à son époque (par la pratique de l’autofiction, une réflexion sur le genre et le Sujet, ou par l’adaptabilité de ses textes à d’autres catégories artistiques comme le théâtre ou le cinéma), cette œuvre intempestive prend pourtant ses distances avec celle-ci, en assumant un classicisme dont elle restaure l’esthétique et les valeurs, à travers le roman d’analyse et une réflexion philosophique sur l’illusion amoureuse, l’utopie conjugale (L’étreinte, L’été à Dresde, Paris l’après-midi, La femme infidèle, Faux-père) ou la socialité des sentiments (Le Renoncement, Pas son genre). Lucide, soucieuse de mettre en lumière le secret inhérent à toute relation amoureuse, cette œuvre reconstruit une morale moderne de l’amour, devant se lire dans l’intelligence de ses contradictions, à partir de son paradoxe essentiel : un pacs de raison. Au cœur de ce romantisme sans idéal et de cette grammaire morale de la désillusion, l’amour se donne comme l’exercice et le lieu d’un intéressement supérieur, social ou symbolique, et l’amoureux, anti-héros par excellence, incapable de transcendance comme de choisir, coupable d’aimer et de se laisser aimer, se condamne à racheter, par l’écriture, sa mauvaise conscience d’ « honnête homme ».

Par ailleurs, le roman « vilainien » a la particularité de se présenter comme une reprise, par un narrateur récurrent -voix de la mauvaise conscience-, d’une histoire simple mettant en scène un couple guetté par la mésentente, sur lequel plane la menace d’une séparation. De manière systématique, au centre de toutes les configurations, il y a un homme, intellectuel, qui analyse, à la première personne, ses passions de l’âme, les mouvements de sa conscience, les sentiments que lui inspire sa partenaire : la jalousie, la culpabilité de ne pas aimer assez, l’engagement, l’adultère, la paternité, la timidité, l’ennui, la solitude, la différence sociale et culturelle. Ce roman, sorte de fable morale réduite à une fabula minimale, se caractérise par un dénuement structurel propre à faire ressortir le drame qui s’y joue : il ne se passe quasiment rien dans ce roman, peu de rebondissements, de dialogues ou de descriptions d’actions l’animent, sinon l’évolution sourde d’un rapport amoureux vers son renoncement.

La modernité de cette oeuvre, composée de moins de textes littéraires (9) que de textes théoriques (5 essais, un doctorat, une trentaine d’articles universitaires et colloques), est de trouver sa cohérence dans une écriture d’analyse, hybride, synthétisant à la fois les aspirations du romancier et de l’essayiste, qui se double d’une réflexion théorique ou critique approfondissant les thèmes développés dans les romans : la morale de l’amour est ainsi questionnée à travers les textes de Marguerite Duras, Dans le séjour des corps ; l’inconstance trouve un prolongement dans la préface, « Le donjuanisme est un humanisme », du Dom Juan de Molière ; le genre autofictif et la question du Sujet sont l’objet d’une théorisation dans Défense de Narcisse et L’autofiction en théorie – essai dans lequel est avancé un nouveau pacte définitoire : « Fiction homonymique ou anominale qu’un individu fait de sa vie ou d’une partie de celle-ci ». En reliant par une même écriture analytique les essais aux romans, en éclairant le romanesque par le théorique, Philippe Vilain est le seul écrivain de sa génération à construire une œuvre sur ce double registre : une oeuvre néoclassique originale qui s’écrit au mépris de tout générisme et s’envisage comme la recherche permanente d’une méthode réflexive. Tout le paradoxe de Philippe Vilain étant de se représenter comme un classique contemporain.

A la suite du colloque international organisé par l’Université de Paris Est Créteil, Paris3 Sorbonne Nouvelle et l’Université de Haute-Alsace en mars/avril 2013, "Les intermittences du sujet : écritures de soi et discontinu (1913-2013)", qui a exposé l’œuvre de Philippe Vilain, l'Université de Haute-Alsace propose de consacrer un ouvrage à cette œuvre. Les propositions pourront, par exemple, concerner les approches suivantes :

. Etudes thématiques sur la représentation de l’amour, de la femme, du masculin/féminin, de la famille, de la province et de Paris, de l’étranger, le voyage en Italie, l’aventure intérieure.

. Etudes philosophiques : philosophie du sujet, écriture de la raison, passions de l’âme, le romantisme, l’idéalisme et la désillusion, le moralisme.

. Etudes sociologiques : sociologie du couple, socialité et racisme des sentiments, le déclassement en amour, le rapport de l’écrivain à sa génération et à la société.

. Etudes génétiques (à partir des manuscrits de l’auteur) ou comparatistes entre l’œuvre et les narrations théâtrale et cinématographique (à partir du scénario de Pas son genre).

. Etudes théoriques et génériques : le roman d’analyse et le néoclassicisme, l’autofiction, la question du romanesque, la filiation littéraire (Benjamin Constant).

. Commentaires de passages de l’œuvre : les scènes d’exposition.

Calendrier :

- Un résumé d’une quinzaine de lignes maximum devra parvenir avant le 31 juillet 2013   à Arnaud Schmitt (schmitt.arnaud@orange.fr) et Philippe Weigel  (p.weigel@uha.fr)

- Les contributions retenues, qui viendront compléter celles du colloque, seront à envoyer pour le 1er octobre dernier délai ; elles ne dépasseront pas 30 000 signes.

- Publication : printemps 2014

Responsables de la publication : Arnaud Schmitt (Université Bordeaux3) et Philippe Weigel (Université Mulhouse Haute-Alsace).