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Phénoménologies littéraires de l'écriture de soi

Phénoménologies littéraires de l'écriture de soi

Publié le par Marie de Gandt (Source : Nicolas Monseu)

PHÉNOMÉNOLOGIES LITTÉRAIRES DE L'ÉCRITURE DE SOI

« Il est sain de faire parler un muet ou de délivrer un prisonnier, mais l'écrivain sort de soi par l'écriture. »
Jean Grosjean

Les travaux sur « l'écriture de soi », très nombreux, témoignent que les théoriciens, littéraires et/ou philosophes, sont souvent portés à utiliser des notions (confession, aveu, narration, témoignage, mémoire, etc.) dont ils réévaluent, sans cesse, l'origine historique ou qu'ils relisent, précisément, à la lumière de la problématique de l'écriture de soi. Sur ce point, on se contentera de rappeler les échanges de propos entre Georges Gusdorf et Philippe Lejeune, et la production de notions théoriques qui a suivi. Vincent Colonna, dans Autofiction et autres mythomanies littéraires (Éditions Tristram, 2004), revenant notamment sur cette notion d'autofiction, pour la thématiser, mais aussi pour la critiquer, a pourtant cru apercevoir dans ce vaste champ de la création des concepts théoriques l'émergence de véritables « mythomanies ».

Dès lors, où en sommes-nous, quant à cette notion à la fois si neuve et tellement ancienne qu'est l'écriture de soi ? Que signifie cette catégorie qui fascine de nombreuses disciplines, au point qu'un mésusage, voire un abus interprétatif soit possible ? Finalement, est-il un texte qui échappe à la catégorie toujours amplifiée de l'écriture de soi ? Ou, alors, existe-t-il bien une critériologie littéraire permettant de dresser les contours des pratiques textuelles de l'écriture de soi ?

Ce colloque voudrait faire le point sur les études et recherches relatives à cette pratique particulière qu'est l'écriture de soi, mais sous l'angle d'une méthodologie particulière, que, par convention, nous appellerons « phénoménologie littéraire ». En réalité, il s'agit, pour ne pas poser d'emblée la problématique sur l'axe véritatif, d'étudier des formes et des contenus où l'on constate une écriture du soi, mais sans les qualifier ni les délimiter par avance, rhétoriquement ou poétiquement, c'est-à-dire, par conséquent, sans les figer dans le moule de genres dits littéraires - autobiographie, autographie, autofiction, autothanatographie, autoportrait, etc.

L'approche phénoménologique devrait ainsi permettre d'échapper à certaines apories des théories littéraires et philosophiques, induites en particulier par leur volonté de cerner l'objet et, corollairement, elle laisserait la porte ouverte aux travaux qui entendent donner une importance à l'esthétique de la réception, entendue selon Wolfgang Iser comme une « phénoménologie de la lecture » définie dans son programmatique Acte de Lecture (1976).

C'est en ce sens que cette méthode de travail devrait également permettre de s'interroger sur la façon dont interfère la part constitutive de l'acte de lecture (s'il est vrai que toute lecture d'une oeuvre est une lecture de soi), afin de prendre la mesure de ce qui, par la lecture, devient une rencontre avec l'écriture de soi de l'autre. Pour le dire autrement, cette méthode générale invite à mettre l'accent sur la forme et le sens, pour étudier l'écriture de soi telle qu'elle se met à l'oeuvre dans des objets littéraires et, bien sûr, en ce qu'elle demeure une manière de raconter son rapport d'être au monde. On pointera quelques questions générales.

· Quels sont les procédés formels et les critères précis de reconnaissance de la constitution de l'écriture de soi ?
· Par quels effets d'écriture (mais de lecture aussi) émerge l'auteur dont on dit qu'il pratique l'écriture de soi ?
· Quels sont les procédés de narration, d'énonciation et d'interlocution spécifiques à l'écriture de soi ?
· Quelles sont les techniques en jeu dans les re-présentations littéraires de l'identité personnelle quand celle-ci cherche à s'écrire ?
· Quels sont les moyens littéraires que prennent les récits de l'écriture de soi pour viser une prétention véritative ?
· Constate-t-on des dispositifs précis de subjectivation, de légitimation, d'héroïcisation, de mise en intrigue dans les pratiques de l'écriture de soi et, surtout, comment se mettent-ils en forme ?
· Quels sont les différents effets de l'écriture de soi, tant sur l'axe de la fiction que sur celui de la vérité historique ?
· En fonction des constructions textuelles, quels sont les signes d'une véritable écriture de soi, qui soit autre chose qu'un solipsisme de la conscience, voire un égotisme ? En somme, existerait-il un critère éthique de l'écriture de soi ?
· Quelle est la part laissée à ce que l'on appellera les formes de l'altérité dans l'écriture de soi ?

On le voit bien, à travers ces quelques questions, ce sont des pratiques, des opérations et des procédés d'écriture « de/du » soi qu'il conviendrait d'interroger, sur la base de corpus littéraires à préciser par chaque intervenant potentiel, avec une attention particulière à ce que ces pratiques impliquent comme enjeux pour une compréhension renouvelée (notamment par l'apport de la littérature) de notions comme la « conscience de soi », « l'identité narrative », « l'image de soi ».

En ce sens, la question du « qui ? » parle, écrit, agit et représente, pourrait demeurer pertinente, surtout au regard de toutes les interrogativités afférentes portant sur le problème (et le statut) de la réflexivité, mais « une forme de réflexion et de réflexivité qui ne serait pas spéculaire » (Louis marin).


Modalités pratiques

Lieu du colloque : Université de Bourgogne – Faculté de Lettres et de Philosophie.

Date : mercredi 6 au vendredi 8 juin 2007.

Organisation : Équipe de recherche «Textes, discours, représentations» (dir. Martine Bercot), Jean Leclercq (Université Catholique de Louvain) et Nicolas Monseu (FNRS et Université Catholique de Louvain).

Les personnes souhaitant proposer une communication (soit d'ordre théorique, soit sur un cas donné) sont invitées à envoyer, au plus tard pour le 15 septembre 2006 :

·le titre de leur intervention ;
·un résumé de maximum 15 lignes ;
·une brève note bio-bibliographique permettant de situer leur projet ;

à Nicolas Monseu, Université Catholique de Louvain, Faculté de Philosophie, 14 Place Mercier, 1348 Louvain-la-Neuve – Belgique.

Courriel : Monseu@sofi.ucl.ac.be