Essai
Nouvelle parution
Ph. Lacoue-Labarthe, La réponse d'Ulysse

Ph. Lacoue-Labarthe, La réponse d'Ulysse

Publié le par Arnaud Welfringer

Philippe Lacoue-Labarthe, La Réponse d'Ulysse et autres textes sur l'occident

Textes réunis et présentés par Aristide Bianchi et Léonid Kharlamov

Paris, Éditions Lignes/IMEC, coll. "Archives de la pensée critique", 2012

192 p. - 23€

« Personne » – telle est la fameuse réponse qu’Ulysse, prisonnier du cyclope Polyphème, fit à son geôlier lorsqu’il lui demanda son nom. Mais, derrière la ruse et le calembour par lequel, en grec, Ulysse ne modifie qu’à peine son nom pour le masquer, se cache, on l’imagine, la leçon du mythe homérique. Personne, tel est peut-être l’aveu du véritable nom du sujet de la scène primitive qui ne cessera de hanter l’Occident : la scène du long périple, de la traversée du néant, du passage par la mort et du retour à soi dans l’affirmation d’une identité enfin retrouvée.

Ce sujet, le sujet – telle est l’hypothèse de ce livre – est l’hypothèse même de l’Occident, sa supposition, voire son suppôt, ce qui le détermine et le soutient dans sa quête effrénée d’identité. Qui ne le soutient pas à la manière d’une chose, mais, justement, comme celui qui n’est rien (pouvant par conséquent devenir tout), qui est comme personne, comme le vide même de l’existence : un vide qui attire le grand sujet de l’histoire comme le petit sujet de l’économie marchande et qui creuse l’horreur coloniale des récits de Conrad, Au coeur des ténèbres, par exemple. Cette question ne peut pour Philippe Lacoue- Labarthe être simplement le thème d’une profonde réflexion philosophique. La philosophie, ce mode de pensée inventé en Grèce à la fin de l’Âge classique et dont nous sommes toujours tributaires fait l’imparable constance de ce qu’on appelle « Occident » et le soutient jusqu’à s’épuiser avec Nietzsche dans ses dernières grandes thèses sur l’être comme sujet et volonté de volonté. À ce titre, la philosophie ne peut être quitte de la violence de l’expansion militaire et technique de l’Occident pas plus qu’elle ne peut offrir la chance d’une sortie hors de la clôture à laquelle celui-ci se condamne.

Les textes qui composent ce volume posthume sont autant de tentatives d’affronter cette limite qui fait paroi, et une paroi trop opaque, ou trop réfléchissante. Chacun, identifiant à sa manière philosophie et Occident, se tient sur leur limite et s’attache à réduire l’opacité de la paroi : la laminer. Chaque texte cherche à entrevoir un dehors et à faire droit à ce qui ne peut pas vraiment prendre la forme d’une question : celle de l’existence. Parmi eux, des conférences au Bénin, en Tunisie, un entretien avec un interlocuteur japonais – autant d’occasions pour une remise en cause qui ne craint pas le risque de l’exposition, et qui laissent entrevoir derrière l’enjeu de pensée, la voix de Philippe Lacoue-Labarthe et sa recherche du lieu juste pour une parole à la fois fragile et radicale.

Table :
1. La réponse d’Ulysse 

2. La philosophie fantôme 

3. L’hypothèque occidentale
4. Contrepoints 

5. L’horreur occidentale 

6. La séparation, c’est le commencement 

Entretiens :
1. Penser l’Europe après Auschwitz (entretien avec Mathieu Bénézet)
2. Dies irae (entretien avec Makoto Asari)

Postface de Aristide Bianchi & Leonid Kharlamov

Recension par Didier Epsztajn sur Entre les lignes entre les mots (septembre 2012).