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Petite anatomie du corps violenté

Petite anatomie du corps violenté

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Priscilla Wind)

Centre de Recherches Interdisciplinaires etTransculturelles (EA 3224)

Axe « Transpoétiques »

 Le XXème puisle XXIème siècle ont différencié le théâtre, comme art de la scène, des autresmédias par la présence scénique du corps de l'acteur. Aborder la violencethéâtrale du point de vue des différents actes de violence perpétrés sur lecorps soulève des questions à la fois dramaturgiques, littéraires etsociologiques. A quelles fins le corps est-il violenté sur scène et/ou laviolence suggérée hors scène? Quelle dialectique peut-on dégager entreesthétique de la violence physique et message, entre forme et fond ?

Se posed'abord une première question, d'ordre formel : Y a-t-il une anatomie de laviolence théâtrale ? Est-il possible d'esquisser une typologie des violencescorporelles et d'en dégager des effets/ des fonctions théâtrales spécifiques?

On peut, àcet égard, distinguer, dans le texte théâtral, différentes formes de corpsviolentés: corps mutilés, démembrés, violés, brûlés, dépecés, corps soumisà la torture, à la mortification/ au supplice, à l'assassinat, au cannibalisme,à la prostitution. La violence s'oriente-t-elle contre une partie (et quellesparties : nobles ou désavouées?) ou à l'intégralité/intégrité du corps? Lecorps violenté prend-il une dimension symbolique lorsqu'il est par exemple associéà un sens, à une vertu ou à un sentiment (et dans ce cas, il devient un élémentà intellectualiser au-delà de la simple violence) ou garde-t-il sa dimensioncharnelle (la dégradation physique s'inscrivant dans une dialectique toutecathartique entre plaisir et souffrance/douleur) ?

Par ailleurs,la question du corps violenté soulève un questionnement d'ordre scénique.Quelles sont ses représentations possibles ? Que montrer ? Quel usage doit oupeut-on faire de l'illusion théâtrale ? La représentationréaliste, voire hyperréaliste, de la violence physique suffit-elle ou faut-ilencore la présenter? Et est-ilpossible de la présenter ?

Lescommunications pourront également proposer une observation clinique du corpsviolenté et s'interroger sur les raisons du recours à la violence physique dansun contexte théâtral.

La violence exercée contre le corps humainremplit-elle toujours un but moral/ expiatoire voire pénal en se mettant auservice d'une pédagogie de l'effroi envers les autres comme enverssoi-même? Cette justice vengeresse resterait alors dans le champ cathartique(extraire le mal par le mal, conversion de la douleur/souffrance en plaisirchez le spectateur), finalement proche du sadisme/masochisme (del'automutilation aux bastonnades des farces). Le corps violenté peut-ilégalement se placer au-delà de la catharsis et remplir un but utilitaire? Laviolence physique servirait alors à prendre le pouvoir, l'ascendant - notammentpolitique - sur l'autre (la notion de Gewalten allemand exprime à la fois la violence et le pouvoir politique), afin dedégrader, détruire et régner. Car les différentes époques de guerre (de laRévolution Française aux génocides du XXème siècle) ont montré que l'acteviolent peut s'exercer sans plaisir pervers, mais bien plutôt dans la monotoniemécanique (comme l'évoque le banquet sanglant chez Titus dans Titus Andronicus de William Shakespeare): on pense alors aux crimes de guerre, à la violence déshumanisée de la Shoahet à ses corps concentrationnaires qui rendent difficile le processusd'identification. Dans le théâtre contemporain, le corps violenté permetjustement d'interroger cette déshumanisation et cette instrumentalisation ducorps, entre corps célébré et corps malmené, permettant ainsi de réintroduireune sensibilité par le corps souffrant et de rematérialiser une relation aucorps et au monde qui avait été déréalisée par le désenchantement du monde.

A travers la violence faite au corps à différentes époquesthéâtrales, c'est en quelque sorte une histoire du rapport que nous entretenonsavec notre propre corps et avec notre matérialité (comme le proposait l'Histoire du Corps, dirigée par Alain Corbin) qui s'esquisse etque le colloque cherchera à dégager.

Lespropositions de communication (titre + résumé d'une dizaine de lignes) sont àenvoyer à :

Priscilla WIND

Courriel : priscilla.wind@univ-fcomte.fr

Adresse postale: Laboratoire C.R.I.T (ex-LHPLE)
Université de Franche-Comté
UFR SLHS
30 rue Mégevand
25030 Besançon Cedex

Date limite : 20 décembre 2010