Édition
Nouvelle parution
Petit Musée des horreurs. Nouvelles fantastiques, cruelles et macabres (coll.

Petit Musée des horreurs. Nouvelles fantastiques, cruelles et macabres (coll. "Bouquins").

Publié le par Marc Escola

Compte rendu dans Acta Fabula: "Devenir à mes propres yeux un personnage fantastique" (H. de Régnier) : déviances fantastiques au petit musée des horreurs, par Marie-France David-de Palacio.

Petit Musée des horreurs. Nouvelles fantastiques, cruelles et macabres.
édition établie et présentée par Nathalie Prince

Robert Laffont, coll. "Bouquins", 2008.


Parution : 04 septembre 2008
Format : 132x198 mm mm, 1152 pages, 30€
ISBN : 978-2-221-11014-0

Plus d'une centaine de nouvelles fantastiques, écrites entre 1880 et 1900, période dite " décadente ", nous dévoilent une littérature empoisonnée où l'homme se confronte à sa propre monstruosité.

Voici un bien étrange musée, consacré à des curiosités littéraires comme seule la fin-de-siècle a pu en produire, exposant une galerie des horreurs dont le but, avoué et pensé, consiste à inquiéter, terrifier, révulser.
D'illustres talents tels Maupassant, Villiers de l'Isle-Adam, Lorrain, Richepin ou Schwob voisinent avec des auteurs moins connus, dont la maîtrise et l'audace combleront les amateurs de sensations fortes.
Ces récits donnent le ton d'un fantastique en quête de perpétuel renouvellement : aux oubliettes les peurs ordinaires, place à des angoisses neuves ! Névroses et monomanies suspectes, fantômes fétides, charognes exquises, fantasmes sexuels dégénérés paradent. On se perd corps et âme : têtes décapitées, mains coupées, peaux tannées… Le corps fait l'objet d'un savant démembrement propre à satisfaire les fétichistes et les esthètes avides de luxures inédites. Il est peu de dire qu'à certains moments l'esprit s'effraie de ses propres hantises !
Ce recueil ouvre sur un abîme. Il exhale les arômes mêlés du plaisir et de la souffrance, de l'angélisme et de la perversité, de l'humain et peut-être du trop-humain. Au coeur des effrois corrompus et des amours pathologiques, le fantastique, dans un constant élan poétique, met à mort les grands mythes du désir, parodie sa propre tradition et, à chaque page, nous glace le sang.

Biographie
Nathalie Prince, maître de conférences en littérature générale et comparée à l'Université du Maine (Le Mans), est l'auteur de
Les Célibataires du fantastique (L'Harmattan, 2002), Le Fantastique (Armand Colin, 2008), et de nombreux articles consacrés à la littérature fantastique.

Extraits:

« Et tout à coup, monsieur, mes dents se mirent à claquer, et mes ossements commencèrent à danser la danse des Morts… J'étais devant ma porte ouverte, sans pouvoir y passer… J'écoutais monter le masque… le masque de l'avenue Rachel… Je l'entendais chanceler contre les murs, dans la pénombre… Une exhalaison de morgue le précédait !...
Il surgit, accroché à la rampe…. Ce n'était pas un burnous… une toge non plus… Il écarta le suaire qui l'enveloppait ; ce que j'aperçus, aux lueurs du couchant, ne pourrait se traduire. Ce n'était ni masculin, ni féminin, ce n'était pas ivre : c'était un être de limon qui s'approchait de moi… un monstre obscur et vaseux qui me touche…
Il m'étreignit de sa rigidité froide et gluante… Et voici qu'un râle essaya de parler :
Viens ! viens vite ! nos heures sont écourtées ; j'ai eu tant de peine à sortir… Je
suis en retard… Viens, mon amour !... Oh ! je souffre le martyre… Mais je t'aime encore plus que je n'ai mal… Viens !
Je me laissais faire, abêti, sans comprendre ; et feu ma maîtresse m'entraîna vers la chambre. »
Maurice Renard, Le Rendez-Vous

« Fétiches, tireuses de cartes, médecins, chiromanciens, sorciers, noueuses d'aiguillettes, rebouteux, votre règne est éternel : tant que la vie sera un mystère, bête ou sublime, le surnaturel aura des adeptes. »
Bruicour, Le Surnaturel

« Alors une vapeur passa sur son cerveau : il lui sembla voir que la Vierge en fer fermait ses bras. Il lui sembla voir que la Vierge en fer refermait ses épouvantables bras, et qu'elle les refermait sur l'adorée maîtresse, et qu'elle l'enserrait, perçant, déchirant, broyant entre les pointes aiguës sa douce chair, effroyablement en lambeaux ; il aperçut l'horreur des plaies béantes, des yeux crevés, des seins troués, du sang dégoûtant des flancs chéris comme d'une cible ; grimaçante lui apparut la face de sa belle amoureuse, ignoble, une pointe défonçant cette bouche qui le baisait ; et, ce beau corps, que fiévreusement il couvrait de ses lèvres, ce beau corps parfumé d'où s'exhalaient pour lui toutes les jouissances, par cette instantanée vision, il crut le voir pétri sous les ongles de la Vierge des Vierges […] de cette hideuse contemplation il eut tel fascinement, telle féroce volupté, telle infernale et diabolique joie, son être se grisa à tel point en l'idée d'elle perdue et de lui damné […] qu'avec un cri sauvage, rauque, il se précipita sur le monstre, et, de ses deux mains, referma sur la maîtresse adorée l'embrassement de mort de la Vierge en fer. »
Édouard Dujardin, La Vierge en fer

« Peut-être qu'elle délirait, car d'une voix monotone et très douce, elle disait ceci :
Il est rouge, le sang qui coule, il est chaud et rouge – il est violent –, maintenant il est noir, le sang qui a coulé, parce que la nuit est noire, il est noir et froid, parce que la nuit est froide, et l'épaisse laine du tapis n'a pu le boire tout entier, tant il a coulé abondamment, le sang – le sang...
Elle souriait en secouant légèrement ses boucles blondes et nous regardait sans crainte aucune et sans étonnement. Elle se souleva à demi dans son lit et reprit :
Ce n'est pas moi – c'est l'autre qui est en cause, vous savez bien, l'autre, dont le sang a aussi coulé… l'autre, vous vous rappelez ? – Ils ne se rappellent pas, ils ne veulent pas me croire, et pourtant c'est la vérité ! »
Robert Scheffer, L'Autre