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Performances et objets culturels (sémiotique de la francophonie)

Performances et objets culturels (sémiotique de la francophonie)

Publié le par Thomas Parisot (Source : Louis Hébert)

XIe Colloque de sémiotique de la francophonie :
" Performances et objets culturels "


Sous la présidence d'honneur de M. François Rastier, le colloque aura lieu, du lundi 15 au jeudi 18 mai 2006, à l'Université McGill de Montréal, dans le cadre du congrès de l'Association francophone pour le savoir (ACFAS), qui réunit plusieurs milliers de chercheurs du Québec et d'ailleurs. Vous trouverez plus bas le descriptif du colloque ainsi que d'autres renseignements utiles (contenu et forme des propositions de communication, publication des actes en livre, etc.).

DESCRIPTIF

Colloque Performances et objets culturels

Le colloque Performances et objets culturels réfléchit sur les théories et les méthodes pour rendre compte des performances et objets culturels (cette réflexion peut s'incarner dans l'analyse d'une performance ou d'un objet donné). Posons, sans exclusive, quelques éléments heuristiques sur le thème du colloque.

La culture est traditionnellement interdéfinie avec la nature. L'homme, comme globalité est tantôt tiré du côté de la nature par exemple, en tant qu'animal raisonnable, tantôt du côté de la culture par exemple en tant que maître adamique de la nature, tantôt placé comme médiateur entre les deux n'a-t-il pas et un corps et un esprit, n'est-il pas la nature produisant la culture à travers ses objets ? Cette prééminence de l'humain est contestée, et l'on parle maintenant de cultures animales : alors « l'innovation et sa transmission ne suffisent pas à définir la spécificité des cultures humaines ; c'est la diversification et l'autoréflexion des pratiques techniques et sémiotiques qui les distingue » (Rastier, 2002 : 5). La nature de la culture, de l'objet et de la performance culturels, déjà problématique, s'en trouve modifiée.

Questions possibles : Quelles sont les marques du naturel dans la performance ou l'objet culturel, leurs relations, par exemple à travers la référence, avec le monde naturel ? Comment s'inscrivent dans les productions contemporaines des conceptions écocentriques qui redonnent à la nature une place de choix et remettent en cause les conceptions androcentriques traditionnelles ? Pourquoi les nouveaux discours féministes refusent d'associer l'homme et la femme à l'un ou l'autre termes de l'opposition nature/culture ?

NATURE POLYCULTURELLE DES OBJETS

Performances et objets appartiennent à une série circoncentrique de zones culturelles d'étendues croissantes. C'est que les cultures connaissent des paliers descriptifs, de la zone culturelle minimale à la zone culturelle maximale. Si l'on peut sans doute à bon escient parler de culture ethnique, sociétale, nationale, où s'arrête la culture transnationale : peut-on parler, par exemple, d'une culture européenne, d'une culture occidentale et, pourquoi pas, planétaire ? Où commence la culture : une profession, une entreprise (on parle couramment de « culture d'entreprise »), une institution, une ville sont-elles coextensives d'une culture particulière ? En deçà de la culture, on pourra sans doute parler d'usage, normé ou non, d'une culture. Proposons d'appliquer à la culture le traitement qu'Humboldt (Rastier, 2002 : 244) a fait des langues : les cultures doivent non seulement être envisagées dans leur diversité mais dans leur diversité interne et jusque dans les usages individuels qui en sont faits.

Une même performance, un même objet peut appartenir à des zones culturelles distinctes d'un même palier descriptif. Le métissage culturel, qui rapproche des zones culturelles différentes, relève du mélange, « pratique sémiotique figurale indépendante des contenus circonstanciels investis » (Zilberberg 2000 : 8). Au point de vue dynamique, le métissage-mélange serait l'une des étapes, la troisième, du parcours suivant (impliquant au moins deux éléments différents) : séparation, contiguïté, mélange (ou brassage), fusion (Zilberberg 2000 : 11) ; ces étapes correspondent, respectivement, à la disjonction et aux conjonctions inchoative, progressive et terminative (Zilberberg 2000 : 13).

Questions possibles : Quels sont les procédés utilisés pour obtenir un mélange culturel ? Pourquoi et comment les objets métissés sont donnés comme positifs ou négatifs ? La réception d'un objet métissé est-elle différente de celle d'un objet qui ne l'est pas ?

NATURE DIFFÉRENCIELLE DE LA CULTURE

La coexistence des cultures peut être sémiotiquement représentée grâce à un modèle systémique et différentiel. Ainsi, selon ce modèle, chaque culture obtient sa valeur relativement aux cultures qui partagent avec elle le même ensemble définitoire. Dans une perspective tant productive qu'interprétative, des opérations d'assimilation (régies par des forces centripètes (Klinkenberg, 1996 : 260)) et de dissimilation (régies par des forces centrifuges) sont susceptibles de diminuer ou d'augmenter les contrastes entre cultures. La nature différentielle alors prêtée à la culture suppose une approche différentielle et comparée. La fonction et l'objectif principal des sciences de la culture est la caractérisation : « le programme de caractérisation semble définitoire des sciences de la culture. Il vise la singularité des objets, qui culmine dans l'oeuvre d'art non reproductible. » (Rastier, 2002 : 4) L'objectif de caractérisation impose une méthode différentielle et comparée : « car une culture ne peut être comprise que d'un point de vue cosmopolite ou interculturel : pour chacune, c'est l'ensemble des autres cultures contemporaines et passées qui joue le rôle de corpus. En effet, une culture n'est pas une totalité : elle se forme, évolue et disparaît dans les échanges et les conflits avec les autres. » (Rastier, 2002 : 5) Cette relation différentielle peut être envisagée sous un angle irénique les cultures coexistent ou peuvent coexister pacifiquement ou polémique les cultures sont de facto ou structurellement en perpétuelle lutte pour « occuper le terrain ». Le modèle de la « guerre des langues » permet de poser quelques balises pour décrire la dynamique conflictuelle. Comme pour une langue, la force d'une culture se mesure par une série de critères : nombre de personnes impliquées, force militaire, force politique, force économique, étendue et dispersion géographique, prestige proprement culturel, etc. Ces facteurs ont des effets rétroactifs et une grande force culturelle peut amener une plus grande force économique, par exemple.

Questions possibles : Qu'est-ce qui caractérise les discours anticoloniaux, postcoloniaux, les discours altermondialistes ? La mondialisation de la culture est-elle bénéfique on néfaste ? Le biculturalisme et le multiculturalisme, par exemple canadiens, sont-ils utopiques ? Quelle est la place des différences nationales dans des systèmes politiques intégrés, comme l'Union européenne ?

VARIATION CULTURELLE

Qui dit culture dit variation culturelle, par opposition à la nature considérée comme stable et universelle. Klinkenberg (1996 : 255) distingue, dans les facteurs externes de la variation sémiotique, l'espace, le temps et la société, le groupe social. Nous dirons que ces trois éléments sont non seulement des locatifs, des repères, mais des facteurs modifiant la culture. Diverses relations sont susceptibles de s'instaurer entre ces facteurs (Klinkenberg, 1996 : 256) : (1) la variation dans l'espace peut dépendre de la variation temporelle et (2) vice versa; (3) la variation dans l'espace peut être corrélée avec la variation dans la société et (4) vice versa; (5) la variation dans le temps peut dépendre de la variation dans la société et (6) vice versa. Par exemple (cas 5), la cuisine et la structure des repas aujourd'hui (variation dans le temps) dominants en Europe sont la continuation de la cuisine bourgeoise (variation dans la société). La culture peut ainsi être envisagée en synchronie/diachronie, syntopie/diatopie, synstratie/diastratie. Selon la métaphore organique, les cultures et les formes culturelles (par exemple, un mouvement artistique, un genre) naissent, se développent, atteignent leur apogée, déclinent et disparaissent. De nouvelles cultures (et formes culturelles) naissent sur les débris des anciennes, mais ces débris ne sont pas inertes et ils informent la nouvelle culture.

Questions possibles : Que retiennent les mouvements néo (par exemple, le néoclassicisme) et post des mouvements dont ils s'inspirent ? Sommes-nous réellement dans l'extrême modernité après avoir transité par la postmodernité ? Comment s'établissent les circulations d'objets culturels entre la périphérie et le centre ?

CULTURE ET SYSTÈMES SÉMIOTIQUES

Pour Rastier, la culture fait intervenir trois sphères, même si la sphère la plus caractéristique est sans doute la seconde, où elle trouve à se réfléchir. Pour pallier les insuffisances des bipartitions ontologiques (par exemple, monde physique/monde cognitif), Rastier propose la tripartition sphère physique, sphère sémiotique et sphère des processus mentaux ou sphère cognitive. Voici en résumé cette hypothèse: « une culture peut très bien être définie comme un système hiérarchisé de pratiques sociales. » (Rastier 1994 : 211) Toute pratique sociale est une activité codifiée, qui met en jeu des rapports spécifiques entre trois sphères (Rastier 1994 : 224) : 1. Une sphère physique constituée par les interactions matérielles qui s'y déroulent. 2. Une sphère sémiotique constituée des signes (symboles, icônes et signaux, etc.) qui y sont échangés ou mis en jeu. 3. Une sphère des processus mentaux propres aux agents et en général fortement socialisés (Rastier 1994 : 4 et 1991 : 237-243). Dans cette tripartition la sphère sémiotique est médiatrice entre le monde physique et le monde des processus mentaux, le plan de l'expression ayant des corrélats privilégiés dans la sphère physique et le plan du contenu, dans la sphère mentale (Rastier 1994 : 5). Les corrélats physiques attachés aux signifiants sont les stimuli (Klinkenberg) (une sémiotique référentielle y ajouterait les référents) et les corrélats cognitifs des signifiés sont les images mentales ou simulacres multimodaux (Rastier). La spécificité des sciences de la culture réside dans la description de la sphère sémiotique. En effet, les sciences de la culture, par opposition aux sciences de la nature, doivent leur richesse à deux diversités :

« celle des cultures, qui les fait se mouvoir dans des temps et des espaces différenciés; puis, pour chaque objet culturel, celle des paramètres non reproductibles, qui empêchent toute expérimentation au sens strict et écartent ainsi le modèle des sciences physiques. Même promus au rang d'observables, les faits humains et sociaux restent le produit de constructions interprétatives. Aussi, les sciences de la culture sont les seules à pouvoir rendre compte du caractère sémiotique de l'univers humain. » (Rastier, 2002 : 3-4)

Questions possibles : Comment se fait l'intégration du sémiotique dans l'hominisation, dans le développement de l'enfant ? Signifiants et signifiés peuvent-ils être interculturels ? Le monde naturel est-il une sémiotique ? La perception informe-t-elle la signification ? La perception est-elle déjà un substrat culturel ?

Fontanille présente ainsi la sémiosphère de Lotman (1998) : « La sémiosphère est le domaine dans lequel les sujets d'une culture font l'expérience de la signification. L'expérience sémiotique dans la sémiosphère précède, selon Lotman, la production des discours, car elle en est une de ces conditions. La sémiosphère est avant tout le domaine qui permet à une culture de se définir et de se situer, pour pouvoir dialoguer avec les autres cultures » (Fontanille, 2003 : 296). La sémiosphère est donc le lieu réflexif d'une culture, qui s'y lit indiciairement. La notion de sémiosphère constitue, semble-t-il, un élargissement par rapport à celle de discours social (Angenot), qui s'applique à tout ce qui se dit ou s'écrit dans une société. Le discours social sert également d'« objectivateur » : étudier un discours social, c'est prendre en compte des « pratiques par lesquelles la société s'objective dans des textes et des langages » (Angenot : 1989 : 35) L'un et l'autre concept découlent de l'axiome qui veut que le producteur se reflète dans sa production, se connaît, ne peut se connaître que dans sa production. Lotman reconnaît des « traductions » d'éléments extérieurs à une culture qui intègrent un processus à quatre phases : « l'objet extérieur est admiré et envié, apparaissant comme une menace; puis il est assimilé et perd son lustre car on oblitère son origine; enfin, on l'universalise, en se proposant comme source de son universalité. Mais nulle part il n'est prévu que l'altérité puisse être appréciée comme telle, ni que dans la « traduction » une distance puisse être maintenue, car son but est précisément d'annihiler l'altérité. » (Rastier, 2002 : 6).

Questions possibles : Par quels procédés sont représentées les cultures réelles dans une oeuvre de fiction ? La réelle compréhension interculturelle est-elle possible ? Comment transposer les performances d'une culture dans une autre culture ? Comment s'acquiert et se manifeste la compétence interculturelle ?

OUVRAGES CITÉS

Texte : Louis Hébert (UQAR) et Lucie Guillemette (UQTR)

Organisation : Lucie Guillemette (UQTR), Louis Hébert (UQAR), Josianne Cossette (UQTR) et Lucie Arsenault (UQAR)

OBJET DES COMMUNICATIONS

Les communications peuvent être d'orientation théorique ou appliquée et toucher des productions sémiotiques de diverses natures (textes, images, sculptures, musiques, objets de design, concepts de marketing, rituels, films, pièces de théâtre, etc.).

FORMAT DES PROPOSITIONS DE COMMUNICATION

Les personnes intéressées à présenter une communication au colloque doivent faire parvenir un projet de communication par courriel, le plus tôt possible et avant le 31 janvier 2006, à: M. Louis Hébert, professeur, Département de lettres, Université du Québec à Rimouski, louis_hebert@uqar.qc.ca. Ce projet doit respecter les contraintes suivantes: 25 lignes au maximum; sans notes ni bibliographie; avec indication d'éléments théoriques (théoriciens, théories, concepts, ouvrages) pertinents à l'objet de la communication; avec indication des objectifs poursuivis et des résultats possibles. Nous demandons aux chercheurs de nous faire connaître leur statut professionnel (professeur, chargé de cours, maître de conférence, étudiant, etc.), leur institution de rattachement, leur adresse électronique et leurs besoins en matériel audiovisuel (autre que ordinateur, projecteur pour ordinateur et rétroprojecteur : soit projecteur à diapositives, magnétoscope (standard nord-américain seulement), etc.).

PRIX DE LA MEILLEURE COMMUNICATION D'ÉTUDIANT

Nous encourageons la participation des étudiants aux cycles supérieurs: la meilleure communication sera récompensée (si les conditions pour la tenue du concours sont remplies).

DIFFUSION ET PUBLICATION

Les résumés de communication parvenus sous forme électronique avant la date limite seront publiés en avril 2006 sur le site Web de l'ACFAS. Les actes du colloque seront publiés en livre aux Presses de l'Université Laval dans la collection « Vie des signes » (dirigée par L. Guillemette, L. Hébert et F. Rastier). Une contribution en argent (au maximum 100 $ CA) sera au besoin demandée aux auteurs afin de couvrir une partie des frais de publication.

INSCRIPTION

Toute personne dont la proposition de communication est retenue devra par la suite s'acquitter, sur place ou à l'avance par Internet, des frais d'inscription au congrès de l'ACFAS (Association francophone pour le savoir) dans le cadre duquel prend place le colloque (environ de 70 à 140 $ CA, selon le statut du colloquant et le moment de l'inscription). Les colloquants canadiens doivent également payer, sur place, les frais d'inscription au colloque (environ 200 $ CA pour les professeurs et 60 $ CA pour les étudiants); les colloquants étrangers sont dispensés des frais d'inscription au COLLOQUE, mais ils doivent, comme les colloquants non étrangers, s'acquitter des frais d'inscription au CONGRÈS.

HÉBERGEMENT ET SÉJOUR

Les personnes dont le projet de communication aura été retenu recevront des informations touristiques et pratiques complémentaires. Il est du ressort de chaque colloquant de trouver un lieu d'hébergement. L'ACFAS fournit sur son site une liste de tels lieux. Il nous est malheureusement impossible de rembourser les frais de déplacement et de séjour des colloquants.

(Le générique masculin est employé uniquement pour alléger le texte.)

CONTACT

Louis Hébert
Professeur
Département de lettres
Université du Québec à Rimouski
louis_hebert@uqar.qc.ca